Reçus par Macron, que peuvent espérer patronat et syndicats ?

Philippe Martinez, Geoffroy Roux de Bézieux et Pascal Pavageau s'apprêtent à rencontrer Macron mardi.
Philippe Martinez, Geoffroy Roux de Bézieux et Pascal Pavageau s'apprêtent à rencontrer Macron mardi. © AFP / Montage Europe1.fr
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Les partenaires sociaux sont invités mardi par Emmanuel Macron au premier sommet social du quinquennat. Suffisant pour leur faire reprendre du poids dans les négociations ?

Ce n'est pas encore les vacances pour les partenaires sociaux. Organisations patronales et syndicales ont rendez-vous mardi matin à l'Élysée pour un sommet social en présence d'Emmanuel Macron. Deux heures de réunion pour aborder les grandes réformes à venir, notamment l'assurance chômage et les retraites, et qui ont une saveur de première victoire pour ces corps intermédiaires tant ils estiment avoir été, jusqu'ici, laissés sur la touche par l'exécutif.

Les partenaires sociaux écartés. C'est la première fois que le président convoque un tel sommet social depuis le début du quinquennat, quand François Hollande, lui, en avait organisé très régulièrement, sous la forme de grand raout des corps intermédiaires. Si Emmanuel Macron avait bien vu syndicats et patronat avant les ordonnances travail de l'automne et la réforme de la formation professionnelle, aucune rencontre collective n'avait été mise sur pied, laissant planer le doute d'un discours différent donné à chacun.

Plus globalement, les syndicats ont eu la désagréable impression d'être mis de côté en permanence par un exécutif sûr de son fait et de sa légitimité. "Il y a un problème de méthode", déplorait ainsi Laurent Berger, numéro un de la CFDT, sur Europe 1 en avril dernier. "Il y a une forme de négation des corps intermédiaires qui est beaucoup trop forte et dangereuse. Le président de la République considère que lui peut tout. C'est une profonde erreur. On ne transforme pas la société si on n'emmène pas ceux qui sont concernés avec soi et si on ne construit pas ces transformations dans la confrontation des points de vue différents."  

Reprendre la main. Le sommet social de mardi relève donc d'un changement de stratégie clair. Côté Élysée, on cherche à rassurer en donnant des gages d'ouverture, dont les partenaires sociaux espèrent bien tirer profit. Tous se sont donné rendez-vous mercredi dernier, au Conseil économique, social et environnemental (Cese), pour reprendre la main sur l'agenda politique et ne pas laisser le président seul à la manœuvre. Cette rencontre a permis de partager leurs priorités, leur vision du paritarisme, mais aussi de se jauger, alors que Force ouvrière et le Medef se sont récemment dotés de nouveaux leaders, respectivement Pascal Pavageau et Geoffroy Roux de Bézieux. S'il est encore bien trop tôt pour parler de front commun,  force est de constater que les partenaires sociaux sont décidés à se faire entendre, et estiment que cela sera plus simple s'ils savent unir leur voix. "L'objectif était de faire un tour de table entre nous", avait expliqué François Asselin, président de la CPME. Tous ont d'ailleurs convenu de se retrouver une nouvelle fois en septembre afin, encore une fois, de garder un planning qui leur est propre et de ne pas uniquement dépendre du "maître des horloges".

 

Avertissements. Au-delà de cette reprise en main de l'agenda social, les partenaires sociaux en ont profité pour lancer de premiers avertissements à Emmanuel Macron. Notamment au sujet de la renégociation de l'assurance-chômage que le président appelle de ses vœux. "On peut toujours renégocier, mais quelles marges de manœuvre aurons-nous ?", observe Geoffroy Roux de Bézieux dans Le Monde. "Si c'est pour aller rogner les droits avec une lettre de cadrage du gouvernement qui, en fait, est déjà la conclusion de la négociation, cela ne marchera pas", avertit pour sa part Laurent Berger sur Radio Classique.

Macron reste conforté dans ses positions. S'ils ont tapé du poing sur la table, les partenaires sociaux peuvent-ils pour autant espérer reprendre une place prépondérante ? Rien n'est moins sûr. Car la première année du quinquennat a plutôt conforté Emmanuel Macron dans ses positions : si les organisations syndicales et patronales ne se mettent pas en marche, alors les réformes se feront sans elles. L'exemple de la réforme ferroviaire est, à ce titre, éloquent. La grève perlée de près de trois mois n'a pas entamé la détermination du gouvernement, et seuls les syndicats réformistes, qui ont accepté le jeu de la négociation, ont vu quelques-unes de leurs revendications intégrées au projet de loi lors de son examen par le Sénat.

Le risque de l'échec. De plus, la proposition de renégociation de l'assurance-chômage peut se révéler très risquée. Les sujets de désaccord sont nombreux entre syndicats et patronat, comme sur la taxation des contrats courts par exemple. Se lancer dans une négociation, c'est s'exposer à l'échec. "Je ne ferme pas la porte, mais je ne suis pas sûr qu'un accord soit possible", souligne Geoffroy Roux de Bézieux dans Le Monde. François Asselin de la CPME espère, lui, reprendre l'avantage en incluant dans le périmètre de négociation des choses plus larges que ce que prévoit pour l'instant le gouvernement, notamment la gouvernance de l'Unédic. "Il faudrait aussi se poser collectivement [cette] question", estime-t-il dans L'Opinion. "Actuellement, on négocie avec la garantie de l'État, or j'estime que nous devons assumer toute la responsabilité, y compris le risque financier." S'arroger de nouvelles prérogatives pourrait ainsi être un moyen de revenir dans le jeu.

Quoi qu'il en soit, syndicats et patronat espèrent vivement, à l'image de Pascal Pavageau, "qu'il y aura un avant 17 juillet 2018 et un après, radicalement différent en termes de méthode".