Primaire : Fillon et Juppé, deux manières de mettre fin aux 35 heures

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ZOOM - Les deux candidats proposent d’allonger le temps de travail, avec des contreparties bien différentes.

C’est une certitude : quel que soit le candidat de la droite pour l’élection présidentielle, ce dernier mettra fin à la semaine de 35 heures. Mais François Fillon et Alain Juppé ont chacun leur idée pour réformer la durée légale du temps de travail, avec des conséquences très différentes pour les travailleurs, qu’ils soient salariés ou fonctionnaires.

Alain Juppé met la barre à 39 heures. Le maire de Bordeaux a défini un objectif clair, le retour aux 39 heures dans le privé, mais avec une marge de manœuvre.  Alain Juppé propose en effet de laisser deux ans aux entreprises pour négocier un passage à 37 ou 39 heures. Passé ce délai et si aucun accord n’est trouvé, c’est la règle des 39 heures qui s’imposera. Dans tous les cas, les heures ajoutées seraient rémunérées normalement mais défiscalisées, afin d’éviter que les salariés effectuant aujourd’hui des heures supplémentaires perdent du pouvoir d’achat.

Alain Juppé souhaite également rallonger la durée du travail hebdomadaire dans la fonction publique, sans graver dans le marbre la semaine de 39 heures : le maire de Bordeaux propose de négocier avec les syndicats de fonctionnaires. Il y a fort à parier que ces derniers réclameraient alors la même règle que dans le privé : le passage à 39 heures payées 39 heures par exemple. Une incertitude que souligne d’ailleurs l’institut Montaigne dans son analyse des programmes : "le chiffrage de cette proposition, s’agissant de la fonction publique, est très incertain, puisque le coût final dépendra des négociations locales et des économies sur le nombre total de fonctionnaires réalisées par ailleurs".

François Fillon propose d’aller le plus loin. Le député de Paris s’est clairement démarqué sur le sujet puisqu’il propose d’accorder aux entreprises la possibilité d’aller jusqu’à 48 heures hebdomadaires, c’est-à-dire la limite légale au niveau européen. Mais le candidat se garde bien de préciser si ce "travailler plus" sera synonyme de "gagner plus" : il laisse aux entreprises le soin de définir les contreparties de cet allongement de la durée de travail. Cette réforme étant présentée comme une manière d’améliorer la compétitivité des entreprises, il est fort probable que ces heures additionnelles ne soient pas rémunérées comme les heures normales. En outre, cet allongement de la durée hebdomadaire s’imposerait à tous, les employés ne pourraient pas la refuser.

Dans la fonction publique, la limite serait fixée à 39 heures mais les contreparties sont là aussi très floues : elles dépendraient des économies réalisées par ailleurs par les fonctionnaires. C'est d'ailleurs un point qu'a souligné Jean-Christophe Lagarde, patron de l'UDI et soutien affiché d'Alain Juppé : "est-ce que ces quatre heures supplémentaires sont payés et comment ?", s'est-il interrogé lundi matin sur Europe 1. Jérôme Chartier, porte-parole de François Fillon et député LR du Val d’Oise, a précisé les intentions de son candidat, mardi matin sur Europe 1 : les fonctionnaires seraient "payés plus. En revanche, 39 heures payées 39 heures, pas forcément : cela fait partie des négociations classiques avec les partenaires sociaux dans chacune des fonctions publiques". Autant dire que François Fillon aurait fort à faire pour convaincre les fonctionnaires.

De plus, si cette mesure doit permettre à l'Etat de réaliser des économies, elle pourrait aussi générer de nouvelles dépenses. "Les compensations salariales consisteraient à redistribuer une partie des économies réalisées grâce à l’allongement de la durée du travail, économies qui pourraient cependant n’apparaître qu’après quelques années, induisant donc un coût supplémentaire pour l’État, à moins que ces compensations ne soient très modestes, ce qui poserait un problème d’acceptabilité de la mesure", souligne l’institut Montaigne, qui a comparé les programmes des candidats.