C’est une décision sans appel sur le statut des chauffeurs qui travaillent pour la plateforme Uber - puisque c’était elle qui était visée -, mais qui pourrait concerner un spectre bien plus large. L'arrêt rendu mercredi par la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire vient préciser le statut des chauffeurs VTC et autres livreurs et coursiers des plateformes de services. Notre chroniqueur Roland Perez, avocat, fait le point sur l'état de la législation en la matière.
Uber, tout comme de nombreuses plateformes de mise en relation entre le consommateur-client et des entreprises de services, est dans la ligne de mire de l’Urssaf et de la justice depuis longtemps. Les entreprises concernées ont souvent délocalisé leur siège social pour s’installer dans des pays plus favorables à leur conception des "collaborateurs indépendants", comme ils les nomment, ou changé radicalement le mode de fonctionnement et de relation entre elles et les chauffeurs et/ou livreurs.
Des chauffeurs salariés, pas indépendants
Après plusieurs décisions rendues par les conseils de prud'hommes de paris contre diverses plateformes de livraison de repas - qui ont pour la plupart, dû renoncer à leurs activités en France, c’est Uber qui est pointé du doigt par la Cour de cassation cette fois. Mercredi, dernière a affirmé haut et fort que la relation entre le conducteur et l’entreprise américaine était un contrat de travail.
Le chauffeur ne travaille en effet pas sous le statut indépendant mais comme salarié et ce pour plusieurs raisons :
- Il n’a pas de clientèle propre, mais celle que lui désigne la plateforme
- Les tarifs sont réglementés par la plateforme et en aucun cas par le chauffeur
- La plateforme a la possibilité de déconnecter le chauffeur après trois refus de courses
En l'espèce, dans l'affaire examinée par la Cour de cassation, un chauffeur avait saisi la justice française car Uber avait désactivé son compte, l'empêchant de travailler via la plateforme et donc de recevoir des demandes de course via l'application. Il estimait que ce pouvoir de sanction de la plateforme traduisait bien le lien de subordination entre le chauffeur et l’entreprise américaine, au contraire de l’indépendance des collaborateurs prônée par Uber.
Seules 150 procédures déposées
Que va-t-il se passer maintenant ? Du coté d’Uber, on devait s’y attendre un peu car en Californie, la plateforme avait été épinglée par l’état du Nevada, et le statut de salarié déjà consacré par la mise en place d’une protection sociale. Reste qu’en France, la décision de la Cour de cassation va effectivement faire jurisprudence pour toutes les plateformes fonctionnant sur ce modèles... Mais encore faut-il que les chauffeurs ou livreurs revendiquent le statut de salariés ! Pour Uber, par exemple, seules 150 procédures de requalification, soit 2% des salariés, ont pour l'instant été déposées.