La Suisse reste encore (et toujours) le champion de l’opacité bancaire

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ARGENT SALE - L’ONG Tax Justice Network (TJN) a publié lundi l’édition 2015 de son classement du secret financier.

La crise des subprimes et les appels à plus de transparence financière n’y ont rien fait : la Suisse reste le champion du secret bancaire, selon l’édition 2015 de l’indice d’opacité financière mis au point par l’association Tax Justice Network (TJN), une organisation internationale qui milite contre l'évasion fiscale. Si l’ONG souligne que des progrès ont été réalisés dans les pays développés, elle s’inquiète du fait que les paradis fiscaux se tournent désormais vers les pays en voie de développement.  

La Suisse n°1, la France 31e. ONG en pointe sur la lutte contre l’évasion fiscale, la Tax Justice Network réalise chaque année un classement de l’opacité financière. Pour y arriver, elle regarde à la fois la législation en vigueur dans chacun des pays (transparence financière, possibilité d’identification des détenteurs de capitaux, efficacité des organes de régulation et de surveillance) mais aussi leurs poids dans le système monétaire international. C’est en croisant toutes ces données qu’elle réalise un classement dans lequel on retrouve souvent les mêmes Etats.

Ce que confirme l’édition 2015 de ce classement, dont voici les 20 premiers :

Les bons et mauvais élèves. Comme chaque année, le Royaume-Uni occupe une place à part : sur le papier, l’Etat en lui-même n’arrive qu’en quinzième place. Mais si on incluait tous ses territoires d’outre-mer et autres dépendances (Jersey, îles Caïmans, Bermudes, Anguilla, îles vierges britanniques, etc), le Royaume-Uni figurerait alors en première place de ce triste classement. D’autant que s’il semble avoir fait le ménage sur son sol, il n’a en revanche rien fait pour inciter ses dépendances à faire de même. Bref, Londres continue d’être une zone grise de la finance mondiale tout en préservant son image.

Conséquence de cette méthode, la Suisse conserve sa première place. Car si "le grand-père des paradis fiscaux", dixit l’ONG, a fait plusieurs concessions vis-à-vis des pays les plus développés, c’est pour mieux se concentrer sur les pays en développement. Délaissant les fraudeurs occidentaux, la Suisse drague désormais ceux d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine.

Les Etats-Unis voient, eux, leur image se ternir dans l’édition 2015 de ce classement. Car si les Américains luttent de plus en plus efficacement contre leurs propres fraudeurs, ils ne font rien pour dissuader les fraudeurs étrangers de placer leur argent sur le sol américain. Pire, Washington refuse de participer à l’échange automatique d’informations fiscales, affaiblissant ainsi ce système.

Au-delà des traditionnelles places fortes de l’opacité fiscale (Hong-Kong, Singapour, Liban, Bahreïn, Panama), le classement 2015 insiste sur deux autres cas. Il y a d’abord le Luxembourg, qui passe de la deuxième à la sixième place, ce dernier ayant cessé d’empêcher toute réforme européenne contre l’évasion fiscale. Il y a ensuite l’Allemagne qui fait le chemin inverse : malgré les discours, Berlin abrite de plus en plus d’argent douteux et a fait campagne pour limiter certaines réformes.

Des progrès généraux mais… L’ONG ne le cache pas : depuis 2008 et la crise des subprimes - qui a poussé les Etats à s’endetter pour venir au secours de leurs institutions bancaires- , la lutte contre l’évasion fiscale a réalisé des progrès. D’abord grâce à l’échange automatique entre Etats de renseignements en matière fiscale, ensuite grâce à la future obligation faite aux multinationales de détailler leur chiffre d’affaires pays par pays. Et, enfin, grâce à l’ébauche d’un registre des bénéficiaires de trust. Autant d’informations qui compliquent la vie des fraudeurs et doivent faciliter le travail des services fiscaux.

Mais si les discours en faveur d’une meilleure régulation sont unanimes, le passage aux actes est parfois plus compliqué. Ainsi en va-t-il de la déclaration des activités d’une multinationale dans chaque Etat, censée obliger les entreprises à payer des impôts là où elles gagnent de l’argent : cette information ne sera pas rendue publique, son accès étant limité aux seuls services fiscaux. Pas vraiment idéal en terme de transparence, d’autant plus que les fraudeurs préfèrent le plus souvent conclure un arrangement confidentiel avec les services fiscaux, privant le grand public d’une information pourtant importante pour devenir un consommateur responsable.