Énergie : en quoi consiste le délestage, une piste envisagée face à la crise ?

Pour l'électricité, il s'agirait de coupures tournantes (Illustration).
Pour l'électricité, il s'agirait de coupures tournantes (Illustration). © SEBASTIEN BOZON / AFP
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avec AFP
La possibilité de "délestages" cet hiver est fréquemment évoquée, notamment par le gouvernement, en prévision d'une possible crise énergétique. Ces coupures ciblées auraient un fonctionnement différent, pour le gaz et l'électricité. Europe 1 fait le point sur la situation de la France en termes d'énergies.

Avec la crise de l'énergie, la possibilité de "délestages" cet hiver est fréquemment évoquée. Il s'agit de coupures ciblées et temporaires de l'approvisionnement destinées à soulager le système en cas de trop fortes tensions, avec un fonctionnement différent pour le gaz et l'électricité. Quand faudrait-il organiser des coupures cet hiver ? "Vous avez un pic de froid, les économies d'énergie qu'on a prévues ne sont pas réalisées et là vous êtes obligés de tourner les vannes", a résumé la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

 

Une double fragilité énergétique pour la France

Cette perspective est évoquée parce que le système énergétique français est confronté à une double fragilité cet hiver. En gaz, la France a subi un tarissement progressif des flux depuis la Russie et le géant russe Gazprom doit même cesser totalement ses livraisons au groupe Engie à partir de jeudi. Les autorités et les industriels estiment que la France, qui a diversifié ses approvisionnements et est en train de remplir ses stockages, aura assez de gaz pour passer un hiver normal sur le plan météo. Il pourrait en revanche y avoir pénurie ponctuelle en cas de vague de froid.

Côté électricité, le pays est privé de bon nombre de réacteurs nucléaires, notamment 12 (sur 56) à l'arrêt pour des problèmes de corrosion, et il faudra qu'EDF puisse en redémarrer suffisamment pour la période froide. S'ajoute à cela un faible remplissage des stocks hydrauliques. La France devra compter sur les importations de ses voisins mais là encore des incertitudes demeurent. Le gestionnaire du réseau RTE présentera le 14 septembre ses perspectives pour l'hiver prochain.

Pour l'électricité, des coupures tournantes

Pour l'électricité, le délestage fait partie de la panoplie habituelle destinée à éviter le blackout, c'est-à-dire la panne généralisée et incontrôlée, en cas de tensions entre l'offre et la demande. Avant d'en arriver là, RTE dispose d'abord de plusieurs autres moyens: appels aux éco-gestes citoyens pour réduire la consommation, interruption de la fourniture à des sites industriels rémunérés pour cela, baisse de la tension sur le réseau...

Si ces moyens ne sont pas suffisants, RTE peut avoir recours à "la mise en place en dernier recours de coupures momentanées, localisées et tournantes". Ce délestage ne dure pas plus de deux heures, sur des plages horaires spécifiques (8 heures à 13 heures et 17h30 à 20h30) et concernerait les foyers à tour de rôle.

Les usagers "sensibles" ne sont pas coupés : hôpitaux, défense nationale, sécurité, industries à risques... Les malades à haut risque traités à domicile (sous respirateur artificiel notamment) peuvent se signaler pour bénéficier d'une "information particulière et personnelle en cas de coupure de courant électrique".

Pour le gaz, les entreprises visées

La situation est différente pour le gaz, où il n'est pas possible d'organiser des coupures à distance comme pour l'électricité. "Ce n'est pas un ménage qui arrête tout seul son installation de gaz, c'est beaucoup trop dangereux, donc ça ne peut être que des équipes techniques qui peuvent arrêter et donc que les industriels qui peuvent le faire", a expliqué Agnès Pannier-Runacher. "La variable d'ajustement, ce sera les industriels", a abondé la présidente de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), Emmanuelle Wargon.

La France a commencé à organiser un éventuel délestage en gaz, avec un décret publié en avril pour l'encadrer. Le dispositif concerne moins de 5.000 gros consommateurs, avec des exceptions prévues pour les services publics essentiels (hôpitaux, écoles...) et certaines entreprises. Sont visés en revanche certains clients industriels ou tertiaires (centres commerciaux, salles de concert, stades...).

Le consommateur doit se conformer à un ordre de délestage "dans un délai de deux heures suivant la réception", précise le décret. Ensuite le coupure ne "dure pas deux heures, parce qu'arrêter une vanne ça prend du temps: ça peut durer un jour, deux jours", selon Mme Pannier-Runacher.