ÉDITO - Est-ce une affaire Carlos Ghosn ou une affaire Nissan ?

Jean-Michel Aphatie que la fin de l'alliance Renault-Nissan serait une très mauvaise nouvelle industrielle pour la France.
Jean-Michel Aphatie que la fin de l'alliance Renault-Nissan serait une très mauvaise nouvelle industrielle pour la France. © Europe 1
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Jean-Michel Aphatie, édité par Thibaud Le Meneec
Pour l'éditorialiste d'Europe 1 Jean-Michel Aphatie, les intentions du Japonais Nissan, composante de l'alliance avec Renault et Mitsubishi, sont difficiles à déchiffrer dans l'affaire Carlos Ghosn, en garde à vue depuis lundi à Tokyo.

>> Un patron industriel en très mauvaise posture : depuis dimanche, Carlos Ghosn est en garde à vue au Japon, où il est soupçonné de fraude fiscale et d'abus de biens sociaux. Le PDG de Renault-Nissan est esseulé depuis sa cellule de Tokyo, analyse Jean-Michel Aphatie, qui s'interroge mercredi sur l'attitude de la firme japonaise dans ce dossier. Est-il le seul à avoir eu ces attitudes au Japon ?

"Carlos Ghosn est un peu effacé de tous les paysages. Depuis dimanche, il n'est défendu par personne. S'il fait le compte de ses amis, c'est simple, il n'en a aucun. C'est très rare de voir ça, surtout que c'était l'un des patrons les plus puissants de la planète avant le début de cette histoire.

Ceux qui ont croisé Carlos Ghosn le décrivent comme autoritaire, cassant, aimant l'argent, comme l'ont montré ses salaires au sein de l'alliance Renault-Nissan. Mais les défauts de l'individu en font-ils un coupable devant la justice ? Non, et puis coupable de quoi, d'ailleurs ?

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On sait encore très peu de choses de cette affaire. La presse japonaise livre des bribes : Carlos Ghosn aurait oublié de déclarer des produits financiers pour 40 millions d'euros au fisc japonais entre 2011 et 2015. Ce n'est pas une faible somme, bien sûr. Il aurait aussi détourné d'une certaine manière l'argent d'une filiale pour acheter des maisons ici et là. Ce n'est pas bien. Il aurait enfin pris 9 millions d'euros dans une enveloppe de 28 millions d'euros qui était destinée aux dirigeants de chez Nissan. Quand on regarde tout ça à plat, on se dit : 'Voilà un homme intelligent qui n'est pas très sophistiqué pour la fraude'. Il vole de l'argent, carrément. Bien sûr qu'il va se faire attraper, cela ressemble à du suicide.

Rien a priori côté français. Tout ça, c'est uniquement dans la partie Nissan. Mardi, Bruno Le Maire a dit que pour la partie française, il n'y avait rien. On est quand même très étonnés de toutes ces accusations. On peut même se demander s'il n'y a que Carlos Ghosn qui a eu ces attitudes. Est-ce une affaire Carlos Ghosn ou une affaire Nissan ?

Entendu sur europe1 :
L'alliance Renault-Nissan est une alliance déséquilibrée, parce que Nissan fabrique à peu près deux fois plus de voitures que Renault

Bien sûr, on ne peut pas exclure de tout ça l'arrière-plan industriel. L'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi est une alliance déséquilibrée, parce que Nissan fabrique à peu près deux fois plus de voitures aujourd'hui que Renault et c'est pourtant Renault qui dirige.

La fin de l'alliance, une très mauvaise nouvelle ? Le numéro deux de Nissan a mené dans le secret le plus absolu un audit pendant des mois, nous dit-on, sans jamais avertir Renault, le premier actionnaire de Nissan. Il y a une volonté très agressive du numéro deux de Nissan, Hiroto Saikawa. Tout ça présage plutôt la fin de l'alliance, ce qui serait une très mauvaise nouvelle industrielle pour la France. Le gouvernement français, depuis dimanche, a complètement largué Carlos Ghosn. L'avenir dira si c'était une bonne attitude ou si c'était une attitude qui manquait beaucoup de clairvoyance."