Covid-19 : pourquoi il faut tirer profit du développement du télétravail

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Emmanuel Duteil , modifié à
Depuis lundi, les salariés qui le peuvent doivent effectuer trois jours de télétravail par semaine pour freiner la progression d'Omicron. Une tendance qui s'accentue depuis le début de la pandémie et qui a changé les mentalités. Une bonne nouvelle pour notre éditorialiste Emmanuel Duteil, qui appelle à en tirer profit. 
EDITO

La crise sanitaire du Covid-19 nous a fait gagner dix ans sur la mise en place du télétravail en France. Jean-Claude Delgènes, grand spécialiste du monde du travail, l'a dit dans l'émission La France bouge lundi 3 décembre. En fait, la crise a fait gagner sûrement beaucoup plus que dix ans parce qu'elle a fait sauter des verrous qui semblaient jusque-là incassables. Pour beaucoup d'entreprises, télétravail voulait dire glandouille. Et sans la pire crise depuis la fin de la guerre, on n'aurait pas réussi à battre en brèche cet a priori.

En mars 2001, seulement 5 à 7% des salariés avaient expérimenté le télétravail. On est aujourd'hui à près de 40%. Ça va dans le bon sens, car toutes les études montrent qu'il y a une aspiration très forte de la part d'une majorité de salariés à pouvoir de temps en temps télétravailler.

"Il n'y aura pas de retour en arrière"

Il n'y aura pas de retour en arrière une fois la crise passée. Surtout, il ne faut pas l'espérer. Télétravailler quand c'est volontaire rend le salarié plus autonome, plus libre et souvent plus productif. Donc, mine de rien, cela satisfait le collaborateur, ce qui est pas mal. Et puis, c'est aussi plutôt bénéfique pour l'entreprise. C'est donc pour une fois - et c'est assez rare pour le souligner - du gagnant-gagnant.

Mais le télétravail ne peut marcher sur le long terme que si l'on repense l'organisation du travail. Et c'est cela le gros chantier qu'il va falloir maintenant lancer. On ne manage pas un salarié à distance comme un salarié en face-à-face. On doit faire attention aussi aux salariés qui, eux, ne peuvent pas télétravailler et qui ne profitent pas de cette fenêtre de liberté. Il ne doit pas y avoir d'opposition en interne et encore plus important, il faut que les moments "travail" soient des moments tournés vers le partage, vers le brainstorming, vers l'informel. Il faut que ce soit utile. Si c'est pour télétravailler au travail, cela ne sert à rien.

Toujours selon Jean-Claude Delgènes, c'est indispensable parce qu'au final, ce qui est en jeu, c'est le collectif et c'est le collectif le plus nourri possible qui fait la force d'une entreprise. 

"Le télétravail ne doit pas être l'apanage des grands groupes"

Cette articulation entre temps de travail actif dans l'échange et temps de télétravail où on est plus concentré sur cette tâche personnelle n'est pas évidente à mettre en œuvre. C'est un mix très compliqué à créer et cela va demander de gros efforts aux entreprises.

Le télétravail ne doit pas être non plus seulement l'apanage des grands groupes. Cette crise a montré que quelle que soit la taille de l'entreprise, on peut télétravailler de façon intelligente. Cette nouvelle organisation du travail peut en tout cas permettre de répondre en partie à la légitime quête de sens, qui se fait de plus en plus prégnante, notamment du côté des jeunes générations.

Le bouleversement que l'on vit a et aura de gros impacts. Chacun veut savoir finalement encore plus qu'avant, à quoi il sert dans son entreprise, quel est le sens de son engagement, ce que l'entreprise lui apporte, comment sont partagés les fruits de la croissance. Tout cela est quasi philosophique. Et le télétravail ne peut pas répondre à toutes ces aspirations, bien loin de là. Mais passer à la sortie de cette crise à côté d'un télétravail intelligent serait une erreur monumentale pour l'avenir.