Contrôle des chômeurs : la démarche du gouvernement peine à convaincre

Les syndicats sont sceptiques sur la volonté du gouvernement de plus contrôler les chômeurs.
Les syndicats sont sceptiques sur la volonté du gouvernement de plus contrôler les chômeurs. © JACQUES DEMARTHON / AFP
  • Copié
, modifié à
Au menu de la première sur la réforme de l’assurance chômage : le contrôle accru des demandeurs d’emploi. Les syndicats s’interrogent sur la faisabilité et l’impact réel de cette mesure.

Les partenaires sociaux entrent dans le vif de la réforme de l’assurance chômage. Syndicats et patronat se réunissent jeudi au siège du Medef, première des quatre rencontres hebdomadaires prévues jusqu’au 16 février, afin de débattre des nouvelles règles voulues par Emmanuel Macron. Outre les deux principaux sujets que sont l’extension de l’assurance chômage aux indépendants et à davantage de démissionnaires ainsi que la régulation des contrats courts, les partenaires sociaux doivent plancher sur la question sensible du contrôle des chômeurs.

14% de fraudeurs ? Pour compenser l’augmentation prévue du nombre de bénéficiaires de l’assurance chômage, le gouvernement souhaite en effet accentuer le contrôle des demandeurs d’emploi. Invitée du Grand Rendez-Vous dimanche sur Europe 1, la ministre du Travail Muriel Pénicaud affirmait que sur les 270.000 contrôles effectués par Pôle emploi en 2017, "il y avait 14%" de fraudeurs, des personnes qui touchaient l'assurance chômage alors qu'elles n'avaient a priori aucun problème de compétences, de recherche d'emploi, ni de difficultés personnelles expliquant qu'elles ne se réinsèrent pas rapidement sur le marché du travail. Un chiffre contestable puisque de toute façon, plus d’un chômeur radié sur trois ne touchait même pas d’allocation.

Malgré tout, Emmanuel Macron veut un contrôle accru des chômeurs. Mise en place en 2015, la cellule de contrôle de Pôle emploi mobilise aujourd’hui 200 employés. Les agents établissent des listes en collaboration avec chaque direction régionale pour repérer les profils de demandeurs d’emploi à contrôler. L’assiduité aux événements organisés par Pôle emploi est un des critères retenus. Ensuite, un questionnaire est envoyé aux chômeurs en question sur leurs pratiques de recherche d’emploi. Une non-réponse entraîne une convocation et en cas de doute sur la véracité des réponses fournies, les agents peuvent organiser un entretien physique ou par téléphone. In fine, il peut y avoir une sanction : radiation ou réduction temporaire de 20% de l’allocation chômage.

Déshabiller Pôle pour rhabiller… Pôle. Cette méthode de contrôle ne changerait guère. Emmanuel Macron souhaite instaurer un critère supplémentaire en contraignant les demandeurs d’emploi à ne pas refuser deux offres "raisonnables", sous peine de radiation. Mais ce critère existe déjà dans les textes de Pôle emploi. Pour appliquer ces contrôles accrus, le gouvernement souhaite augmenter les effectifs à 1.000 personnes. Sauf que dans le même temps, le budget 2018 prévoit une subvention de l’État de 1,5 milliard d’euros, comme en 2017, ainsi que la suppression d’environ 300 postes en CDI, au motif que le chômage devrait baisser dans les mois à venir. La tendance n’est donc pas vraiment à une augmentation des moyens.

" Le gouvernement veut contraindre des gens en difficulté à accepter des emplois précaires "

La CGT, qui dénonce depuis le début ce contrôle accru qui reviendrait, selon elle, à "fliquer" les demandeurs d’emploi, s’interroge sur la faisabilité de la mesure. "On ne sait pas quels moyens l’État va mettre. En l’état, cela implique de déshabiller les agences pour renforcer les effectifs des plateformes de contrôle", déplore Francine Royon, secrétaire adjointe de la CGT Pôle emploi Île-de-France, interrogée par Europe1.fr. Elle regrette surtout l’impact négatif d’une surveillance renforcée des chômeurs : "Le gouvernement veut contraindre des gens en difficulté à accepter des emplois précaires, emplois qu’on ne voudrait pas pour nos propres enfants."

Des fraudes "extrêmement minoritaires". A l’heure d’entamer les discussions, les syndicats ont indiqué qu’ils ne considèrent pas le contrôle accru comme une priorité, les fraudes à Pôle emploi étant "extrêmement minoritaires", rappelle Laurent Berger (CFDT), invité de la Matinale d’Europe 1 jeudi. Précisément, elles ont coûté 178,1 millions d’euros à l’État en 2016, soit 0,05% des 33,9 milliards d’euros de prestations chômage allouées cette année-là, selon la Délégation nationale de lutte contre la fraude.

"J’en ai assez d’entendre que la majorité des chômeurs sont des fraudeurs. Plus que de contrôle, je veux parler d’accompagnement. Des contrôles accrus, oui, mais à condition que ce soit aidant mais pas punitif pour les demandeurs d’emploi", réclame le secrétaire général de la CFDT. Une position soutenue par la CGT de Philippe Martinez, qui estime que le gouvernement "ferait mieux de multiplier par cinq (…) les salariés de Pôle emploi qui permettent aux chômeurs de trouver du boulot".

Les Français divisés. Sur ce sujet, l’opinion publique est partagée. Selon un sondage réalisé en décembre par l’institut Odoxa, deux Français sur trois estiment que renforcer le contrôle des chômeurs les aideraient à retrouver un emploi plus vite et que cela permettrait à Pôle emploi de faire des économies. Mais 59% des sondés pensent toutefois que ces mesures sont "illusoires car très difficiles à appliquer". Et 47% jugent la mesure "injuste car elle suggérerait que de nombreux chômeurs ne seraient pas au chômage par nécessité".