Comment expliquer la hausse des prix des carburants ?

Les prix des carburants sont repartis à la hausse (photo d'illustration).
Les prix des carburants sont repartis à la hausse (photo d'illustration). © Philippe HUGUEN / AFP
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Margaux Lannuzel avec AFP
Depuis le début de l'année, les prix à la pompe ont logiquement progressé, dans le sillage des cours mondiaux du pétrole. Mais ils ne devraient pas flamber dans les prochains mois, selon les spécialistes. 
ON DÉCRYPTE

1,5802 euro le litre de Super SP95, soit le plus haut niveau atteint depuis 2013 : dans le sillage des cours mondiaux du pétrole, les prix des carburants sont repartis à la hausse, ces dernières semaines. Fin avril, le gazole valait pour sa part 1,4778 euro le litre, un niveau inférieur à celui de l'automne dernier, mais en augmentation depuis janvier. Comment expliquer cette tendance ? Va-t-elle se poursuivre ? Europe 1 fait le point. 

Pourquoi les prix augmentent-ils ? 

Avant tout en raison de facteurs externes. Les premiers mois de l'année ont été marqués par une hausse du cours du baril de brut, après la réduction volontaire de la production de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et de ses alliés, notamment la Russie. La stratégie de ces Etats consiste à rééquilibrer le marché de l'Or noir, qui a connu une forte baisse à l'automne dans un contexte de surproduction chronique. 

"À cela s'ajoute un contexte géopolitique compliqué", analyse auprès du Parisien Francis Perrin, directeur de recherche à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). "Les sanctions américaines contre l'Iran, un important producteur de pétrole, tout d'abord. Mais également le Venezuela (en proie à une importante crise politique, ndlr), dont la production a été divisée par trois en vingt ans", énumère-t-il. 

A noter aussi que les différents carburants, côtés à Rotterdam, évoluent aussi en fonction de l'offre et de la demande mondiale pour chacun d'entre eux, avec une forte saisonnalité. Aux Etats-Unis, plus gros consommateur de sans plomb au monde, la "driving season" arrive avec les beaux jours, et a des conséquences jusque de l'autre côté de l'Atlantique. Les besoins en fioul domestique sont à l'inverse moindres, expliquant une plus faible hausse du gazole. 

Le gouvernement a-t-il sa part de responsabilité ? 

Les prix élevés des carburants avaient contribué au déclenchement du mouvement de protestation des "gilets jaunes", en novembre dernier. Sous la pression, le gouvernement avait suspendu puis annulé la hausse de la taxe carbone, prévue pour 2019. Il n'y a donc pas eu d'alourdissement de la taxation cette année, contrairement aux précédentes. 

Si la hausse de la taxe carbone a été suspendue, les autres taxes sur le carburant demeurent et continuent de s'indexer mécaniquement, relève cependant Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 Millions d'automobilistes, interrogé par France Bleu. "Un centime d'augmentation, c'est 500.000 millions d'euros qui tombent dans les caisses de l'État", estime-t-il. "Quand vous annoncez un plan à 17 milliards d'euros (pour répondre aux 'gilets jaunes, ndlr), vous avez tout intérêt à ne pas toucher ce qui vous rapporte beaucoup d'argent." 

Interrogé au Sénat, mardi, le ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy a écarté tout retour d'une taxe "flottante" pour réduire l'augmentation des prix à la pompe face à la volatilité des marchés mondiaux, ainsi que toute baisse des taxes existantes. "Les prix ont augmenté depuis le début de l'année d'environ 10 centimes sur l'essence et le gazole, si on baissait les taxes de 10 centimes, ça voudrait dire qu'il faut trouver 4 milliards d'euros dans le budget de l'Etat, vous voyez bien que ça n'est pas très sérieux", a-t-il argué. 

Cela va-t-il durer ? 

Pour l'avenir proche, les indicateurs sont plutôt à la baisse, avec une légère inflexion des cours du pétrole, sur fond de pression américaine sur l'Opep afin qu'elle produise davantage. "Ai parlé à l'Arabie saoudite et d'autres au sujet des augmentations de flux de pétrole. Tous sont d'accord", avait ainsi tweeté Donald Trump fin avril. De son côté, l'Opep s'était dite déterminée à éviter "une crise énergétique mondiale" par la voix de son secrétaire général, Mohammed Barkindo. 

"Il n'y a pas de signe extrêmement inquiétant sur une flambée des prix du pétrole", estime ainsi Francis Duseux, président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip), interrogé par l'AFP. "Il faut être prudent, mais je crois que l'Opep va jouer son rôle traditionnel de régulateur de la production pour que les prix restent à peu près stables. Personne n'a intérêt à ce que les prix explosent". 

Pour réduire l'impact de ces hausses conjoncturelles, François de Rugy a de son côté prôné de "réduire la dépendance" au pétrole, notamment avec des véhicules moins gourmands. "Depuis le début de l'année, 8.000 Français toutes les semaines demandent à bénéficier de la prime d'Etat que nous avons mise en place pour le changement de voiture, ça fera plus de 400.000 sur toute l'année", a-t-il détaillé.