Chômage : les objectifs du gouvernement sont-ils tenables ?

Le chômage a continué de baisser au premier trimestre 2019, atteignant son plus bas depuis dix ans (photo d'illustration).
Le chômage a continué de baisser au premier trimestre 2019, atteignant son plus bas depuis dix ans (photo d'illustration). © PHILIPPE HUGUEN / AFP
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Margaux Lannuzel avec AFP
Le taux de chômage a atteint son plus bas depuis dix ans au premier trimestre. Mais on est encore loin des 7% promis à la fin du quinquennat.
ON DÉCRYPTE

Bonne nouvelle : le chômage continue de baisser en France. Selon les chiffres provisoires de l'Insee publiés jeudi, ce taux, mesuré selon les normes du Bureau international du travail (BIT), a reculé de 0,1% au premier trimestre, atteignant 8,7% de la population active. Si elle n'est pas fulgurante, l'amélioration s'inscrit sur le long terme : le nombre de demandeurs d'emplois a baissé d'un demi-point en un an. Des chiffres dont s'est félicité le gouvernement, y voyant les premiers lauriers des premières mesures prises par Emmanuel Macron. Mais cette dynamique ne suffira pas à atteindre les objectifs fixés par l'exécutif pour le quinquennat, estiment les spécialistes à ce stade.

Un plus bas depuis dix ans

"La baisse se poursuit. Nos réformes ont des effets", s'est félicité sur Twitter la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. Interrogé par franceinfo, le Premier ministre Edouard Philippe a lui souligné qu'il s'agissait du "meilleur résultat qu'on ait depuis dix ans". "C'est une baisse continue depuis deux ans, du chômage en général, du chômage des jeunes", a poursuivi le chef du gouvernement. Au premier trimestre, l'amélioration est en effet sensible chez les jeunes de moins de 24 ans, particulièrement les femmes, qui voient leur taux de chômage reculer de quatre points en un an.

À noter que ce plus bas est atteint au terme de plusieurs vagues successives : le recul du premier trimestre (-0,1%) est considéré comme une "petite" baisse par les économistes. "On est dans l'épaisseur du trait", commente auprès de l'AFP Eric Heyer, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). A titre de comparaison, la baisse était de 0,3% au trimestre précédent.

Des indicateurs positifs…

Au global, "c'est un signe très positif", estime Stéphane Carcillo, chef de la division Emplois et Revenus à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), interrogé par Europe 1, jeudi. "Grâce aux réformes passées, qui ont enrichi la croissance en emplois notamment en abaissant le coût du travail autour du Smic - ce qui permet de créer beaucoup d'emplois dans les services -, on arrive à créer plus d'emplois que prévu", analyse-t-il. Et de se montrer prudent quant à l'impact des réformes engagées par le gouvernement : "Il peut y avoir un effet apprentissage, même si la réforme est encore assez récente pour porter l'intégralité de ses fruits."

Sans rebond spectaculaire, les chiffres montrent tout de même des indicateurs de qualité, pointe aussi l'expert. Les statistiques publiées jeudi montrent ainsi une majorité d'emplois créés à temps complet et en CDI, et une réduction du "halo du chômage" - ces personnes souhaitant travailler mais ne cherchant pas activement.

… Mais un recul encore trop lent

"C'est cohérent avec les signes de création d'emploi publiés il y a quelques jours (+66.400 au premier trimestre, ndlr)", poursuit Stéphane Carcillo, soulignant ces "bons" résultats dans un contexte de croissance "ralentie", à environ 1,5% cette année. De quoi atteindre l'objectif de 7% de chômeurs à la fin du quinquennat, fixé par Emmanuel Macron en 2017 ? "C'est encore ambitieux", juge l'économiste. "Il faut savoir que la France fait partie des pays européens et des pays de l'OCDE où le chômage reste le plus élevé. Il n'y a guère en Europe que l'Italie, la Grèce et le Portugal qui ont des taux plus importants que nous", poursuit-il. "La raison est que ces pays, comme le nôtre, ont d'importants taux de chômage structurels. Ce sont des taux en-dessous duquel il est très dur de baisser parce qu'il y a des problèmes politiques, structurels, qui font que le chômage ne baisse pas."

Pour s'attaquer à ces défis (jeunes non qualifiés, seniors, chômeurs de longue durée) et répondre aux difficultés de recrutement des entreprises, l'exécutif compte sur le plan d'investissement dans les compétences (PIC), destiné à former un million de jeunes décrocheurs et un million de demandeurs d'emploi. Edouard Philippe indique aussi attendre des "effets de comportement" de la réforme de l'assurance chômage, sous-entendant que certains demandeurs d'emploi ont intérêt à ne pas chercher de CDI du fait des règles actuelles.

Cela suffira-t-il ? Pas à moins d'une nette accélération de la baisse. Celle-ci pourrait toutefois être favorisée par un "coup de pouce" démographique : du fait du vieillissement de la population, le gouvernement va bénéficier d'une moindre progression de la population active, de +150.000 par an entre 2005 et 2015 à +60.000 entre 2015 et 2025 selon l'Insee. Mais se poserait alors un autre problème : celui du financement du système de retraites.