Dimitri Rogoff, président du comité régional des pêches de Normandie 1:36
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François Coulon, édité par Mathilde Durand , modifié à
Le Royaume-Uni et l'Union européenne ont jusqu'au 1er janvier, date effective du Brexit, pour trouver un accord commercial. En Normandie, la pression monte pour les pêcheurs, qui partagent les eaux poissonneuse de la Manche avec les britanniques. Europe 1 est allé à leur rencontre, dans le Calvados. 
REPORTAGE

A un peu plus de deux semaines de la date limite pour trouver un accord entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, l'hypothèse d'un Brexit sans accord commercial fait craindre le pire dans les ports de pêche français. Notamment en Normandie, deuxième région maritime française recensant près de 600 bateaux et 1.600 marins, qui partagent la Manche avec leurs homologues anglais. Mais faute d'accord, les pêcheurs français devraient se replier sur le sud de la Manche, une zone plus petite à partager avec les Belges, Hollandais et Allemands.

A Port-en-Bessin-Huppain, dans le Calvados, les marins évoquent une perspective inédite de chaos. Ce sont les dix chalutiers les plus gros, plus de vingt mètres pour une valeur de plusieurs millions d'euros, qui redoutent le plus la perspective d'un "no deal". "Tous ces bateaux-là, ce sont des bateaux qui pêchent côté anglais, plus de 50% de leur temps. En moyenne c'est même 70%, ils sont vraiment dépendants de ces zones-là. Cela peut devenir un drame", explique Dimitri Rogoff, président du comité régional des pêches de Normandie. 

"C'est très inquiétant. On est vraiment dans l'inconnu. Cela fait très peur", confie Jean-Baptiste Hauchard, qui vient d'investir dans un bâtiment hauturier de 25 mètres de long. "Moi je me suis engagée à hauteur de 3 millions d'euros, c'est considérable. Quand je vois que le thon a été interdit en Atlantique, ce sont des flottes de bateau qui ont dû cesser leur activité. Il y a eu des drames terribles. On y pense". 

Les navires de guerre britanniques qui passent mal

Quatre patrouilleurs de la Royal Navy, des navires de 80 mètres de long, sont déjà prêts, sur ordre du gouvernement britannique. Ils auront tous leurs armements même s'il n'est pas prévu de les utiliser sur les chalutiers de l'Union européenne, mais la marine aura le pouvoir d'arrêter, d'inspecter et même de confisquer les bateaux européens.

"Je vois mal la marine harponner les chalutiers français. Mais ils ne peuvent pas juste ignorer la loi. Cela fait quatre ans qu'on prévient qu'on quitte l'Union européenne, Les autres pêcheurs auraient dû s'y préparer. Cela paraît dur ce que je dis, mais s'ils font des choses illégales, alors ils seront punis", confie le fondateur de l'association des chalutiers et pêcheur d'Hastings, port du sud de l'Angleterre. 

Ces quatre navires font partis d'un plan plus large de surveillance des côtes britanniques : 14.000 militaires sont prêts à être déployés et es hélicoptères de l'armée pourraient aussi être utilisés. Un déploiement qui passe mal pour les pêcheurs français. "Des bateaux de guerre au moment où l'on cherche un accord, faire sonner le canon c'est irresponsable. Il n'y aura pas de bataille navale, on ne veut pas d'accident", assure Dimitri Rogoff. "S'il doit y avoir rétorsion, elle se fera à terre, sur les importations. On bloquera les camions pour pas qu'un kilo de poisson anglais touche le sol français." Une menace sévère pour le Royaume-Uni car 76% des poissons britanniques sont exportés, essentiellement dans l'Union européenne. Un blocus serait ainsi la pire des ripostes.