Pourquoi Montebourg veut dévaluer l'euro

Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, a plaidé pour "une dévaluation légère de l'euro, lors d'une intervention  au Medef.
Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, a plaidé pour "une dévaluation légère de l'euro, lors d'une intervention au Medef. © MaxPPP
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Le ministre prône "une dévaluation légère" pour relancer le "Made in France". À raison ?

La piste. L'euro fort est-il le responsable de tous nos maux ? Ressortant des tiroirs une  vieille rengaine entonnée en février dernier par François Hollande et ses ministres, Arnaud Montebourg  est reparti en croisade contre le taux de la monnaie unique, mardi. Le ministre du Redressement productif a ainsi plaidé, lors d'une intervention  au Medef, pour "une dévaluation légère de l'euro, de l'ordre de 10%, nécessaire pour le 'made in France'".

Arnaud Montebourg au Medefpar Europe1fr

>>> Que reproche Montebourg à l'euro fort ? Est-il si dangereux que ça ? Peut-on changer la donne ? Eléments de réponse.

Que reproche Montebourg à l'euro ?  "Si l'euro était dévalué de 10%, c'est-à-dire 13 centimes -ce n'est pas la mer à boire- nous gagnerions 150.000 emplois supplémentaires", a affirmé Arnaud Montebourg mardi. Le ministre, qui  a fait salle comble au Medef, estime que la monnaie doit être "un outil mercantile, sous manipulation politique", qui "n'appartient pas aux banquiers centraux". "L'euro n'appartient pas à l'Allemagne. Il appartient à tous les membres de la zone euro. Et nous en avons une part de propriété et nous avons à dire les choses", a-t-il insisté, citant un rapport récent du Fonds monétaire international (FMI), qui demande une politique monétaire plus souple en zone euro. "Ce qui m'amuse un peu, c'est que même le FMI le dit. Vous voyez un peu le gauchisme très dangereux du FMI", a-t-il encore ironisé.

>> Selon notre éditorialiste Nicolas Barré également, l'euro fort favorise l'Allemagne et ses voisins, mais pas la France...

Euro : Les idiots du village mondialepar Europe1fr

L'euro est-il si dangereux que ça ? Lors de son lancement en 1999, l'euro valait 1,1665 dollars. Sa valeur tourne aujourd'hui autour de 1,38 dollar aujourd'hui. Il reste loin des sommets d'avril 2008 (1,60 dollars), mais atteint tout de même son plus haut niveau depuis novembre 2011, après une hausse forte hausse ses dernières semaines. Or, un niveau élevé de l'euro handicap la compétitivité des entreprises françaises à l'international. Le mécanisme est simple : les entreprises qui exportent fixent leur prix en euro, mais leurs clients achètent dans une autre monnaie. Si l'euro est trop fort, ces clients ont moins de pouvoir d'achat, donc ils achètent moins.

Selon Bercy, une hausse d'encore 10% de l'euro amputerait la croissance de 0,6 point et détruirait 30.000 emplois. En 2008, une étude de l'Insee parlait déjà d'une baisse de 0,5 points de croissance pour une hausse de 10% de l'euro. Et EADS rappelle régulièrement qu'une baisse du dollar de 10 centimes par rapport à l'euro annihile 1 milliard de dollars de son résultat d'exploitation.

>> Selon Nicolas Barré, l'euro est mal conçu, mal taillé et pourtant, surévalué.

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Sa baisse serait-elle si efficace que ça ? Certaines entreprises s'y retrouvent, car un euro fort permet d'acheter pour moins cher à l'international. Ainsi, les groupes qui importent beaucoup de produits venant de l'extérieur de la zone euro voient dans un euro fort une hausse de pouvoir d'achat. "Un euro fort est plutôt un atout pour nos achats hors zone euro, notamment en Europe de l'est (13% de nos achats) et en Asie (17%)", expliquait ainsi la direction de Conforama, en février dans le Figaro. En 2010, l'Insee a fait un autre calcul : si l’euro baissait de 10%, la croissance gagnerait en tout et pour tout un demi-point, soit la création de "quelques dizaines de milliers d'emplois tout au plus", comme  l'expliquait notre chroniqueur Laurent Guimier début octobre.

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Que peuvent y faire les gouvernements ? En zone euro, la Banque centrale n'intervient pas pour changer le taux de change, car cela ne rentre pas dans ses missions. Elle peut toutefois injecter des liquidités dans l'économie pour créer une abondance d'euros, ce qui en ferait baisser la valeur. Les États de l'Eurozone pourraient tenter de l'influencer pour que cela change, mais ils s'y refusent pour le moment, notamment sous pression allemande. La BCE hésite toutefois à la faire d'elle même, car elle juge le niveau de l'inflation un peu trop bas à son goût. Les arbitrages devraient être rendus dans les prochaines semaines.