L'hospitalité : l'accueillant et l'accueilli (5)

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L’accueillant aménage sa façon de vivre et sa maison pour que l’accueilli y trouve sa place. Pourquoi ce dérangement est-il si chargé de risques ? Parce que les deux sont hôtes sous un même toit et risquent de devenir d’étranges otages.

L’accueillant aménage sa façon de vivre et sa maison pour que l’accueilli y trouve sa place. Pourquoi ce dérangement est-il si chargé de risques ? Parce que les deux sont hôtes sous un même toit et risquent de devenir d’étranges otages.

 

 

 

 

 

 

Chez soi, sacrifice et dérangement

 

Les maîtres de maison hospitaliers, qu’ils soient très généreux ou d’une hospitalité plus mesurée, savent qu’ils doivent confort et réconfort à leurs invités. Ils savent que l’hospitalité les engage dans une forme de don temporaire de leur chez-soi. Ils s’organisent et se donnent bien du mal pour cela. Ils consacrent à leur invité beaucoup de temps. Ils réaménagent leur territoire pour lui donner sa place dans leur maison.

 

Le fonctionnement de la vie familiale en est modifié. Il devient à la fois plus stimulant, puisqu’il fait sortir chacun de la routine, et moins efficace, puisque les membres de la maisonnée se laissent déranger par l’invité. Cent discrets sacrifices entrent dans la trame même de l’accueil. D’ailleurs « déranger » est l’un des maîtres mots de l’hospitalité, entre le lucide « Excusez-moi pour le dérangement » de l’un, qui est toujours quelque peu gêné de bénéficier de l’accueil et la dénégation de l’autre qui répond « Mais non, vous ne me dérangez pas ».

 

L’accueillant fait place chez lui à l’accueilli sans exiger de recevoir. L’accueilli va généralement volontiers accepter cette hospitalité parce qu’il est en mal d’être accueilli et que l’accueil le réchauffe et le rassure. L’un comme l’autre s’installent dans le désir d’être ensemble et en état de disponibilité réciproque. Mais sans le respect d’un protocole complexe et subtil qui gère ce désir mutuel, l’hospitalité s’entache d’inhospitalité et crée parfois de durables inimitiés. Pourquoi cela ?

 

 

 

 

Tous les deux sont hôtes

 

Parce que celui qui accueille est dit hôte. Et que celui qui est accueilli aussi. Quel est ce mystère d’un mot identique qui désigne deux positions très différentes sinon, à nos yeux, franchement opposées ? La réponse se trouve dans l’origine latine et l’évolution et les dérivés du terme lui-même. Le verbe latin « hostire » qui signifie « traiter d’égal à égal », mais aussi compenser et payer de retour, a donné hospes, qui, à son tour signifie « celui qui accueille l’étranger ». Nous retrouvons le terme latin « hospes » dans des mots français comme hôpital, hospitalité, hôtel et, bien sûr, dans le mot « hôte ». Mais voilà : le même verbe latin « hostire » d’où nous vient l’hôte « qui accueille l’étranger » est aussi à l’origine du terme « hostis » qui veut dire « l’étranger », « l’ennemi » et qui a d’ailleurs donné le terme « hostile ».

 

Récapitulons : le même verbe latin nous permet de penser une situation complexe : d’une part l’accueil de l’étranger par le maître de maison, chez lui, et d’égal à égal; d’autre part la possibilité que cet étranger soit un ennemi. Par hôte on entend donc deux étrangers qui logent ensemble, sous un seul toit, dans un même logement ou ostage disait-on au Moyen âge ou comme on le disait au XVIème siècle, dans un même ostel. Et que signifie à l’origine l’expression « prendre en otage » ? Justement : « abriter selon une caution ». L’otage est la personne que l’on garde chez soi en garantie de l’exécution d’un engagement ou d’une promesse.

 

L’hôte accueilli d’aujourd’hui est l’otage potentiel de l’hôte accueillant, qui peut toujours abuser de sa position de maître de la maison et transgresser la règle de l’accueil d’égal à égal. Inversement, l’hôte accueilli peut abuser des services qui lui sont dus et transgresser les lois de l’hospitalité. À la façon de « Boudu sauvé des eaux », il va s’imposer comme un tiers qui perturbe les relations familiales, juger et prendre parti pour l’un contre l’autre et parasiter le chez-soi de l’accueillant.

 

 

 

 

Des étrangers qui nous ressemblent

 

L’un est un étranger de l’intérieur – c’est l’accueillant. L’autre est un étranger qui partage temporairement cet intérieur. C’est l’accueilli. Le principe est l’accueil d’égal à égal envers tout étranger de l’extérieur. Mais les risques sont trop grands pour l’un qui risque de devenir despote et pour l’autre qui risque de se transformer en parasite.

 

C’est pourquoi vous et moi pratiquons généralement l’hospitalité essentiellement à l’égard de nos semblables, de ceux qui nous ressemblent : nos amis, nos voisins, notre famille, des étrangers qui, quoique venus de loin, partagent nos valeurs et nos façons de vivre au quotidien et dont nous sommes séparés que par des traits que nous pouvons sinon comprendre, du moins tolérer.

 

Et c’est en cela que l’hospitalité nous découvre à nous-mêmes : nous apprenons ce sur quoi nous pouvons céder et ce sur quoi nous sommes intraitables. Et, dans ce dernier cas, c’est, de nos jours, principalement sur ce qui à trait à notre personnalité et à notre identité individuelle. Car si nous sommes devenus plus hospitaliers aux métissages culturels qui touchent par exemple à la nourriture ou aux arts, nous tenons à ce que nous mettons une vie à construire, qui est ce que nous sommes, le soi.

 

 

Découvrez les 6 autres chapitres de ce sujet.

L'hospitalité, tout le monde sait et ne sait pas ce que c'est (1)

L'hospitalité, c'est sacré (2)

L'hospitalité au sens courant, hier et aujourd'hui (3)

L'hospitalité mode d'emploi (4)

L'hospitalité : ne faites pas comme chez vous (6)

L'hospitalité : Liberté, Egalité, Fraternité (7)

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