Inflation : la BCE ne peut que "croiser les doigts"

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Alexis Toulon
ESPOIR – L’inflation en zone euro est trop faible, mais la BCE n’a presque plus de marge de manœuvre, estime le spécialiste Sylvain Broyer.

L’inflation ne cesse de diminuer et c’est une mauvaise nouvelle. Selon les chiffres publiés par Eurostat, l’indice des prix à la consommation a progressé de seulement 0,5% en rythme annuel en mars, son taux le plus bas depuis novembre 2009. Une situation qui, loin d’être favorable, grippe l’économie et renforce les craintes de voir les pays de l’eurozone basculer dans la déflation, c'est-à-dire lorsque les prix se mettent à baisser et que l’activité économique s’arrête. Les regards se tournent donc vers la BCE dans l’attente de mesures capables de conjurer le sort. Mais ses options sont très limitées, prévient Sylvain Broyer, responsable de la recherche macroéconomique de Natixis.

La déflation, une menace, pas une chance. Le FMI a déjà mis en garde Bruxelles sur les risques de déflation et les conséquences que cela pourrait avoir sur l’économie mondiale. Au niveau européen, la faible inflation de la zone euro a deux conséquences, comme l’a détaillé mardi Olli Rehn, le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires. "D’un côté, cela augmenterait évidemment le revenu réel disponible (pour les ménages), mais de l'autre cela ralentirait le rééquilibrage de la zone euro". Autrement dit, les citoyens deviendraient artificiellement plus riches, mais les écarts entre les pays se creuseraient, avec de forts risques de dumping social et de perte de compétitivité. Pour rappel, la mission de la BCE est de maintenir l’inflation autour de 2%. Elle en est loin. Et difficile de trouver des raisons d’espérer en l’avenir.

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La BCE a peu de moyens pour augmenter les prix. "La BCE n’a plus grand-chose à faire, à part croiser les doigts pour que les prévisions d’un redémarrage de l’inflation dès le prochain trimestre se réalisent", assène Sylvain Broyer. De quoi doucher les espoirs de ceux qui voyaient dans la BCE un sauveur potentiel. En effet, l’institution se heurte à un mur : elle ne peut pas acheter de dette des Etats pour remettre de la monnaie à disposition, ce n’est pas dans son mandat. De plus, de l’Italie à l’Espagne, les Etats européens ont retrouvé des conditions de financement normales, symbole d’une légère reprise. Enfin, elle ne peut pas débarrasser les banques de leurs actifs les moins fiables car elle risquerait de perdre sa crédibilité auprès des marchés, souligne l’analyste.  

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Communiquer plus pour rassurer. Les marchés ont aussi besoin de confiance pour se projeter. Parmi les options qui s’offrent à elle, la BCE réfléchit donc à la possibilité de "publier les minutes de ses réunions", explique Sylvain Broyer. C'est-à-dire les débats entre ses membres lors des réunions, ce qui donnerait aux investisseurs une image plus claire de la vision qu’a la BCE d’une situation stressante, comme le risque de déflation. Une mutation déjà entamée : depuis juillet, l’institution pratique la "forward guidance". Elle publie ses anticipations d’évolution des taux d’intérêts. Une manière plus efficace de communiquer que les traditionnels mots-clefs des communiqués de presse comme "forte vigilance".

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Faire tourner la planche à billets. De manière plus traditionnelle, la BCE pourrait aussi baisser encore un peu plus son taux directeur. "Cette solution a été longuement réfléchie, mais le ratio coût/avantage n’était pas évident", assure Sylvain Broyer. Car les banques qui souhaitent obtenir davantage de liquidités ont juste à le demander : les cordons de la bourse de la BCE sont grands ouverts et sans limites. "Mais les agents sont dans une période de désendettement", souligne l’expert de Natixis. Il reste toutefois la possibilité de "diminuer le taux de réserve obligatoire des banques (des fonds que les organismes de crédit déposent auprès de la BCE, ndlr), car cela permettrait de rendre immédiatement disponible entre 50 et 100 milliards d’euros", explique Sylvain Broyer.  

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