EADS - BAE Systems : compte à rebours lancé en terrain miné

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www.boursier.com , modifié à
Les deux groupes devront faire face à de nombreux obstacles politiques...

Les questions sont toujours nombreuses ce vendredi sur le projet de mariage entre EADS et le britannique BAE Systems... Après un plongeon de 15% en deux séances, le cours de l'action EADS se reprend de 3% ce vendredi matin... Mais beaucoup d'analystes financiers craignent que des obstacles politiques ne fassent capoter ce rapprochement industriel majeur, qui créerait un nouveau numéro un mondial de l'aéronautique et de la défense, devant l'américain Boeing... Pour se concrétiser, le projet devra en effet obtenir l'accord de cinq gouvernements (Grande-Bretagne, France, Allemagne, Espagne et Etats-Unis), sans compter celui des autorités européennes, qui pourraient prendre ombrage de la "golden share" inclue dans le projet, et celui des autorités américaines de la concurrence, qui examineront aussi de près l'opération... Berlin a des doutes Les premiers ennuis politiques pourraient venir d'Allemagne, où l'agence de presse allemande 'DPA' a cité des responsables gouvernementaux émettant des doutes... Ainsi, Berlin ne serait pas favorable au projet, de peur que l'influence allemande ne soit diluée au sein du constructeur des avions Airbus. La promesse de la création d'une action préférentielle pour les Etats (Londres possède déjà une "golden share" dans BAE Systems) ne rassure qu'à moitié Berlin, qui craint que Bruxelles ne s'y oppose.... En revanche, le constructeur automobile allemand Daimler, qui possède encore directement et indirectement 22,5% d'EADS, ne s'opposerait pas au 'deal', qui, en mettant fin au pacte d'actionnaires actuel, devrait lui permettre de céder ses parts, ce qu'il souhaite faire de longue date... Le syndicat allemand IG Metall et le Land de Bavière (où travaillent 15.000 employés d'EADS) seraient eux aussi favorables à un rapprochement qui ne leur paraît pas menacer d'emplois mais avoir du sens sur le plan stratégique. Paris pas hostile ? Du côté de la France, le gouvernement a adopté pour l'instant une parfaite neutralité, Pierre Moscovici se contentant de prendre acte sobrement des négociations en cours. Dans un communiqué, le ministre de l'Economie a déclaré que le gouvernement "se prononcera le moment venu en vertu des conventions en vigueur". Selon Latribune.fr, l'Etat français ne serait pas hostile par principe à une fusion avec BAE, mais souhaiterait dans ce cas conserver sa participation indirecte au capital du nouvel ensemble EADS-BAE. La fusion, qui se ferait par échange de titres, prévoit que les actionnaires actuels d'EADS détiennent 60% des titres de la nouvelle entité et ceux de BAE Systems 40%, ce qui ferait mécaniquement reculer la part de l'Etat français de 15% actuellement à environ 9% après la fusion. Toujours côté français, le groupe Lagardère (dont la participation de 7,5% serait diluée à 5% par la fusion) s'est montré prudent hier, indiquant qu'il veut "s'assurer, avant de donner son assentiment, que toutes les conséquences attachées au projet de rapprochement des activités d'EADS et de BAE Systems ont été prises en considération"... Accord de Londres A Londres, BAE Systems se serait assuré d'un accord de principe de la part du gouvernement, mais selon le 'Financial Times' du jour, tant BAE que l'Etat britannique menaceraient de renoncer au projet s'ils n'obtiennent pas la garantie que le futur ensemble pourra fonctionner en dehors de toute interférence politique... Une condition qui pourrait poser problème si Paris et Berlin insistent sur le maintien de leurs participations stratégiques au capital... Quant au gouvernement américain, il ne s'est pas prononcé officiellement, mais la presse cite des sources estimant que Washington pourrait donner son accord, en échange de garanties sur des murailles de Chine isolant de toute interférence les contrats de défense sensibles qu'il a signés avec BAE Systems, un important fournisseur du Pentagone... Le temps presse Afin de rassurer les gouvernements, notamment américain, EADS et BAE Systems planchent sur la création d'une holding commune coiffant les deux groupes, qui resteraient cotés séparément, à l'instar d'autres entreprises transnationales comme Royal Dutch Shell, Unilever ou BHP Billiton. Et les actifs les plus sensibles de chacun des deux partenaires resteraient portés par leurs groupes d'origine. Quoi qu'il en soit, le temps presse désormais pour les deux entreprises et les gouvernements concernés, car en raison de la révélation par la presse, mercredi soir, du projet de fusion, un compte à rebours réglementaire a été enclenché. Selon le droit boursier britannique, les deux groupes ne disposent en effet désormais que de 28 jours après la révélation de leurs négociations, pour confirmer ou infirmer leur projet de rapprochement... Compte-tenu de la complexité des discussions en cours, ce délai peut paraître un peu "juste" pour régler tout les sujets de contentieux...