En façade ou sur les portillons
Villas des bords de mer, maisonnettes de banlieue, maisons de maître aux grands portails de fer forgé … beaucoup d’entre elles portent un nom que nous lisons en passant mais toujours avec quelque curiosité. Amusants, étonnants, émouvants, impressionnants, parfois mystérieux, les noms qui parent les maisons ne nous laissent pas indifférents.
Ils suspendent, un court instant, notre marche et interrompent nos pensées. Ils nous interpellent de cent façons différentes et minuscules. Chaque nom inscrit sur la façade, la boîte aux lettres ou la clôture d’une maison est, pour nous, un micro-événement en ce qu’il nous fait sortir de nous-mêmes pour nous intéresser à d’autres habitants d’autres maisons que la nôtre.
Une question rapide nous vient à l’esprit : quel genre de famille vit dans une maison qu’elle nomme Marie-Lou, L’Océan, L’Hirondelle ou Do Ré Mi ?
Qui donne son nom à qui ?
La question est récente. Car, dans la tradition française comme dans beaucoup d’autres pays, c’est la famille propriétaire qui, pendant des siècles, a bien souvent été identifiée par rapport à sa maison et a porté le nom de sa maison. Les patronymes reliaient chaque famille à une origine – un terroir, une ville ou un village - et à une langue régionales.
Et ce n’est qu’en 1539 que les noms de famille, y compris les noms de maisons portés par les familles, sont officialisés par l’ordonnance de Villers-Cotterets, à quelques francisations, variations d’orthographe et différences de prononciation près.
Les maisons tiraient leur nom de leur situation dans le paysage, du terroir dans lequel elles s’ancraient, de leur taille ou de leurs caractéristiques physiques.
Ainsi la famille Etchegaray portait le nom d’une maison du pays basque située « en haut », tandis que la famille Casanova avait hérité le sien d’une « maison neuve » située en Corse. Les Camy ou Cami étaient béarnais et habitaient une maison sur un chemin, souvent de Compostelle. Les Castaing habitaient non loin de châtaigners, les Puig sur une colline, les Bosc près de bois…
Et, lorsqu’elles habitaient au milieu de la ville, comme en Béarn, la famille s’appelait, par exemple, Minvielle. A l’intérieur du village, lorsqu’elle habite près de la barrière ou sur la place, la famille s’appelle Laporte ou Barrère, etc. Les maisons importantes – habitées par des familles dont le poids économique et social est plus considérable ou qui sont à la tête d’un domaine rural – ces maisons s’appellent, par exemple dans la Somme ou en Haute Savoie, tout simplement, Maison ou, selon de nombreuses variantes, Delamaison, Meyzon ou Mizon, etc.
Il faut d’ailleurs rapprocher le nom de famille Maison porté par les familles localement importantes et l’un des sens en français du nom commun « maison » : une maison est aussi, dans la tradition aristocratique, une lignée, une famille noble. C’est ainsi que l’histoire de la France a gardé celle des Maisons d’Anjou, des Valois, de Bourbon, etc…
Les patronymes des habitants et les noms des maisons transmises par héritage étaient indissociables. Cela n’était pas et n’est pas anodin. Car hier comme aujourd’hui, le nom est ce qui nous est à la fois propre et ce qui nous relie à notre famille, ce qui nous individualise et ce qui désigne notre place dans un groupe.
De la même façon, hier comme aujourd’hui notre maison est notre territoire personnel et intime et, en même temps, un domicile dont la localisation, traduite par le quartier et l’adresse, ainsi que l’apparence plus ou moins opulente ou modeste nous situent socialement. Mais, depuis plus d’un siècle, beaucoup de familles nomment leur maison. Ce faisant, ils s’engagent sur une autre voie d’expression de soi, qui mérite d’être explorée.
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Ces maisons qui portent un nom (2) : La famille prend l'initiative