Un bilan mitigé pour les accords de maintien de l’emploi

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BILAN - Censé préserver l’emploi, ce dispositif laisse un goût amer aux employés qui l’ont accepté.

C’est l’heure du bilan pour les partenaires sociaux. Syndicats et organisations patronales ont rendez-vous vendredi au ministère du Travail pour faire le point sur la dernière réforme du marché du travail de 2013. L’une des innovations permises par cette loi va être particulièrement décortiquée : les accords de maintien de l’emploi. Un régime dérogatoire et temporaire censé préserver les emplois en péril. Mais rares sont les entreprises à l’avoir adopté. Et dans celles qui l’ont fait, les salariés sont loin d’être convaincus, quand ils ne s’estiment pas trahis, comme c’est le cas dans l’usine Mahle Behr installée à Rouffach, en Alsace.

Qu’est-ce qu’un accord de maintien de l’emploi ? Retour en juin 2013 : après une année 2012 synonyme de croissance nulle et face à des indicateurs économiques dans le rouge, le gouvernement et les partenaires sociaux décident d’innover. La loi sur la sécurisation de l'emploi introduit donc un nouvel outil, les accords de maintien de l’emploi. Son principe est simple : donner aux entreprises en difficulté la possibilité de négocier avec leurs salariés un aménagement temporaire du temps de travail et/ou de rémunérations. En clair, les salariés acceptent de travailler plus pour un salaire inchangé pendant deux ans au maximum. Une concession en échange de laquelle l’entreprise promet de ne licencier personne. 

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© JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Un symbole fort mais peu d’accords. Présentés comme l’incarnation de la "flexisécurité", ces accords n’ont visiblement pas convaincu. Au 15 mars 2015, le ministère du Travail ne recensait que dix accords dans toute la France, dont neuf dans des petites et moyennes entreprises. Certaines entreprises, dont Renault et PSA, ont même préféré de ne pas y recourir et mener des négociations avec leurs salariés en dehors de ce cadre. Un bilan mitigé qui s’explique par les réticences des employeurs, qui estiment que sa durée – deux ans – est trop courte et que ses conditions sont trop contraignantes. Un désenchantement qu’on retrouve aussi côté salariés, mais pour d’autres raisons.

Un sentiment de désillusion chez Mahle Behr. Le groupe Mahle Behr, sous-traitant de l’industrie automobile, fut l’un des premiers à tenter l’expérience. Dès juillet 2013, un accord de maintien de l’emploi était conclu sur le site de Rouffach, près de Mulhouse, et prévoyait un gel des salaires et l’abandon de 5 jours de RTT pour les salariés non cadres. En échange, la direction s’est engagée à ne licencier personne et à investir dans le site alsacien spécialisé dans les systèmes de ventilation afin de décrocher de nouveaux contrats.

Mais un an et demi plus tard, les salariés ont l’impression d’être les grands perdants de ce qui devait être un accord gagnant-gagnant. "Ils nous avaient promis de redresser la situation. Mais, vu la réunion qu’on a eu il y a 10 jours, la situation n’est pas redressée", témoigne une salariée.

"Il n’y a rien, pas de projet : on est trop cher. Ils reviennent toujours avec les mêmes arguments : les pays de l’Est, l’Espagne. Nous, on est au centre de l’Europe, à côté de Mulhouse (où est installée une usine PSA qui travaille avec Mahle Behr, ndlr) mais même Mulhouse voudrait travailler avec la Tchéquie. C’est qu’il y a un problème, c’est que les coûts là-bas, sans exagérer, sont trois fois moins cher que nous. Donc on peut faire ce qu’on veut, on n’arrivera pas à rivaliser avec eux", estime un autre salarié.

A quoi a servi cet accord ? Une partie des salariés est en effet persuadée que l’argent économisé grâce à cet accord n’a pas servi à redresser le site, bien au contraire : il aurait été utilisé pour "améliorer les conditions de travail en Tchéquie et en Espagne", dixit un employé. Sans oublier que l’accord n’a pas forcément préservé l’emploi : 160 employés n’ont pas accepté cet accord et ont donc quitté l’entreprise sans qu’elle ait besoin de lancer un plan social. 57 personnes, ainsi qu’une centaine d’intérimaire, ont depuis été recrutées pour compenser ces départ.

Un avis que ne partage pas vraiment le PDG de l’entreprise. En ce qui concerne l’emploi, "les conditions que nous avons été amenés à négocier avec nos partenaires sociaux (…) ont probablement été trop favorables. Si elles l'avaient moins été, il y aurait eu sans doute moins de départs", a assuré Henry Baumert dans les colonnes de Usine nouvelle. Quant à l’investissement promis, il aurait bien eu lieu. "Les investissements de 15 millions d'euros sur trois ans que nous avions annoncés sont en train de se réaliser. Ils concernent essentiellement une nouvelle plateforme qui était prévue au sein du groupe pour une usine en République tchèque et que nous avons décidé de ramener à Rouffach", assurait-il en février 2014.

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