Rupert Everett : "Être catholique et homosexuel, ce n’est pas un bon mélange"

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Aurélie Dupuy , modifié à
L'acteur britannique, qui ne cache pas son homosexualité, vient de réaliser son premier film sur un personnage qui l'a toujours fasciné : Oscar Wilde, lui même homosexuel.
INTERVIEW

Jouer l'ami homosexuel de Julia Roberts dans Le Mariage de mon meilleur ami a fait connaître Rupert Everett au grand public. Fort d'une large filmographie en tant qu'acteur - plus de 80 films - le comédien britannique sort son premier long-métrage en tant que réalisateur, The Happy Prince, qui retrace les derniers jours d’Oscar Wilde.

Pour l'émission En balade avec, il a d’ailleurs donné rendez-vous à "L’Hôtel" de la rue des Beaux-Arts, où l’écrivain est mort dans un dénuement total en 1900.

Lecture d'enfance. Même s'il a joué les œuvres d'Oscar Wilde, c'est la personnalité de l'écrivain qui  fascine l'acteur. Mais déjà enfant, un lien s'était établi avec un écrit de l'artiste : "Quand j’avais 7/8 ans, ma mère m’a lu au lit Le prince heureux, l’histoire d’une statue de prince couverte d’or qui rencontre une hirondelle. Le prince heureux demande à l’hirondelle de prendre tout l’or et les bijoux pour les donner aux pauvres".

Tout nu, le prince est finalement mis à la poubelle, raconte l'acteur. Au-delà de la cruauté de la morale, Rupert Everett se souvient de la sensation de confort de cet âge d'enfance. Et malgré cette sensation de bien-être, un autre sentiment affleure : "Je venais d’une famille assez militaire, conservatrice. Cette histoire au sujet de l’amour de la souffrance, du prix payé pour l’amour m’a vraiment tourné la tête. Ma famille n’était pas une de ses familles qui disait 'je t’aime'. Je sentais avec cette histoire qu’il y avait quelque chose d’autre qui manquait dans ma vie."

Entendu sur europe1 :
Si quelqu’un comme Sean Penn veut jouer un homosexuel passif très folle, c’est courageux, il va gagner tous les awards ! Mais ces mecs hétéros, ils ne peuvent pas imaginer qu’un pédé peut baiser avec une femme

"Wilde, c'est le premier 'outing'". Ouvertement homosexuel, Rupert Everett, a d'ailleurs axé son film sur la fin de vie de l'acteur britannique, quand celui-ci arrive à Paris après avoir été emprisonné en Angleterre où l’homosexualité était un délit jusqu'en 1967. "Wilde, c’est le premier outing". Selon Rupert Everett, "les femmes n’avaient aucune idée du sexe entre hommes." La femme d'Oscar Wilde, avec qui elle a eu deux enfants, n'aurait jamais su qu'il entretenait des relations avec des hommes. C'est d'ailleurs le petit-fils d'Oscar Wilde, Merlin Holland, qui a demandé à l'acteur de faire un discours au moment de la restauration de la sépulture de l'écrivain. La tombe "était couverte de rouge à lèvres" et se détériorait à grande vitesse, nécessitant de coûteux travaux, explique le petit-fils. "C’est très Oscar Wilde, car chaque baiser coûte beaucoup plus que ce qu’on imagine", glisse Rupert Everett. 

Hollywood. Des années plus tard, son homosexualité lui a également coûté dans sa carrière d'acteur. "A Hollywood, il faut être diplomate. Pour être une grande star, il ne faut pas être un pédé. Pour eux, si quelqu’un comme Sean Penn veut jouer un homosexuel passif très 'folle', c’est courageux. Il va gagner tous les awards ! Mais ces mecs hétéros, ils ne peuvent pas imaginer qu’un pédé peut baiser avec une femme", raconte l'acteur, en assurant que c'est le fait de parler en français qui le rend plus cru. 

"Mes pauvres fils". Lui-même est venu à Paris la première fois à 16 ans, envoyé par ses parents à Neuilly chez une amie très bourgeoise. Il y découvre le bois de Boulogne et les soirées parisiennes. Revenu au présent, il emmène Frédéric Taddéï devant un restaurant libanais du 38, rue Jacob. A l’époque, le restaurant accueillait Wilde tous les jours au déjeuner, tout comme un petit garçon qui a envoyé, adulte, une lettre à l'un des fils d'Oscar Wilde.

Dans cette missive, il racontait cette anecdote : un jour, il avait laissé tomber le sel par terre et se faisait fâcher par sa mère. Un homme l'avait alors consolé. L'homme était Oscar Wilde qui avait alors ajouté quelques mots en anglais que l'enfant avait compris plus tard : "Mes pauvres fils". De fait, après son exil, l'écrivain n'a jamais revu ni sa femme, ni ses enfants, ni l’Angleterre.

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Je suis toujours fasciné par le catholicisme. C’est destructeur. Être catholique et homosexuel, ce n’est pas un bon mélange

Sépulture. L'étape suivante emmène le duo dans l'église Saint-Germain-des-Prés. "C’est ici où le cercueil d’Oscar Wilde est venu." L'occasion pour l'acteur de se confier sur la religion : "Je ne suis rien. J’adore le bouddhisme et je suis toujours fasciné par le catholicisme. C’est destructeur. Être catholique et homosexuel, ce n’est pas un bon mélange. Ils te font sentir toujours coupable", analyse-t-il, avant de se diriger vers le cimetière du Père Lachaise où les deux hommes terminent leur balade sur les traces de Wilde.

La tombe de l'écrivain, qui abrite aussi les cendres de son amour Robert Ross, est l'une des plus visitées. Une statue d'ange-démon orne la sépulture, une sorte de sphinx qui possédait d'énormes testicules, cassées selon la légende par deux femmes anglaises dans les années 60. Toujours selon la légende, les testicules auraient un temps servi de presse-papier au conservateur du cimetière. Désormais, elles ont été remplacées par un modèle en argent. Les visiteurs, quant à eux, ne peuvent plus tant s'approcher puisque des plaques de verre protègent le monument.