Serge Gainsbourg 1:10
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Manon Bernard
À l'occasion des 30 ans de l'anniversaire de la mort de Serge Gainsbourg, Europe 1 revient sur sa carrière. Considéré aujourd'hui comme un génie de la musique, il a longtemps été incompris du temps de son vivant. Bertrand Dicale, journaliste et auteur du livre "Tout Gainsbourg", était l'invité de Patrick Cohen, mardi, pour raconter la lente ascension de "l'homme à la tête de chou".
INTERVIEW

Le 2 mars 1991, Serge Gainsbourg ne se réveillait pas, rue Verneuil, à Paris. Pourtant ses chansons, elles, résonnent encore. Trente ans après sa mort, "l'homme à la tête de chou", révolté et choquant, est désormais considéré comme un génie de la chanson française. Un statut qu'il n'a pourtant pas atteint de son vivant, entre polémiques et manque de reconnaissance. Le journaliste et auteur du livre Tout Gainsbourg, Bertrand Dicale, explique les raisons de ce succès posthume à Patrick Cohen sur Europe 1. 

Gainsbourg, c'est d'abord "un personnage provocateur et scandaleux". Cigarette à la bouche, fines lunettes de soleil sur le nez, l'artiste ne fait pas l'unanimité au moment de sa mort. "Il est quelqu'un qui, même en 1991, continue vraiment à exaspérer les conservateurs", explique Bertrand Dicale. Aujourd'hui, il est considéré sans doute comme l'un des plus grands chanteurs français, notamment grâce au succès de La Javanaise.

"Personne n'entend" La Javanaise en 1968

Pourtant quand la chanson sort en 1968, "personne ne l'entend", raconte Bertrand Dicale. "Il y a quelques années, j'ai passé trois longues journées à la Bibliothèque nationale à chercher dans tous quotidiens et les hebdomadaires une critique de la chanson, pas uniquement à sa parution mais sur trois mois voire quatre mois. Et je n'ai rien trouvé !", s'exclame le journaliste. La Javanaise était nichée sur la face B du 45 tours et Bertrand Dicale avoue même avoir trouvé "une critique dans un hebdomadaire où on parle des trois autre chansons de ce 45 tours". 

Ce spécialiste de Gainsbourg relève deux phases dans le public de l'artiste pour expliquer son succès tardif. "Quand Gainsbarre meurt et que vous avez 18 ans, vous aimiez bien le Gainsbarre un peu punk, le type qui ouvre sa braguette sur les plateaux de télé. Puis vous grandissez, alors vous vous mettez à écouter de la grande chanson française. La génération de ces adolescents qui idolâtraient Gainsbarre se sont mis à aimer Gainsbourg et ses premiers albums", poursuit-il. 

"Une leçon de musique" 

Bertrand Dicale évoque également les professionnels de la musique. "Ils ont réalisé à quel point quand ils écoutaient Gainsbourg, ils entendaient une leçon de musique", dit-il. Et l'une de ses célèbres leçons s'inspire de la musique pop anglaise. Serge Gainsbourg utilise les chœurs féminins un peu différemment dans certaines de ses chansons mythiques telles que Initials BB., Bonnie and Clyde ou encore dans Comic Strip.

Lors de l'enregistrement du titre Ford Mustang, qui a été filmé, il se tient à côté de la choriste, au même micro. "Il fait des choses qui sont parfois presque banales pour l'époque mais qu'il décentre un tout petit peu", explique le journaliste. "La voix de la choriste est mixée à la même hauteur que la sienne et elle ne vient pas renforcer une syllabe qu'il dirait. Elle vient dire à sa place des syllabes qui sont, en plus, en anglais. À l'époque, ces décalages apparaissent comme des bizarreries ou des ratés", poursuit-il. Avant d'ajouter : "Aujourd'hui, c'est ça qui fait que c'est génial !"