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Aurélie Dupuy
Le nouveau directeur artistique de Benetton était samedi l'invité de Laurent Mariotte. Selon lui, la mode est, comme la cuisine, affaire de créativité et de discipline.
INTERVIEW

Il est l'enfant terrible de la mode, qui porte la couleur en étendard. Jean-Charles de Castelbajac aime le blanc, le rouge, le jaune, notamment. Des couleurs franches, et il l'assure, "il n'y a pas de pastel-bajac". Le couturier, qui est le nouveau directeur artistique de Benetton, marque elle aussi connue pour ses couleurs, était l'invité de La table des bons vivants samedi. Que ce soit dans une cuisine ou dans un atelier de mode, il fait le même constat : la créativité est le maître-mot. Avec un chef aux commandes.

"J'aime me mettre en danger"

En dessinant des pochettes d'album, en collaborant avec des artistes ou en redessinant les uniformes des agents des aéroports de Paris, le créateur s'est forgé une image de "touche-à-tout". Un mot qui a selon lui un côté négatif. "Aux États-Unis, on dit 'renaissance man'. Oui, j’aime tous les univers, j’aime les expériences, j’aime me mettre en danger, j’aime la création transversale". Raison pour laquelle le couturier aime tout ce qui tient du concept, même quand on lui parle de cuisine.

"L'art est partout"

"C'est mon côté créateur. J’aime ces plats qui sont d’origine extrêmement simples, toutes ces galettes du monde - qui peuvent être la pizza, la galette bretonne, le pancake aux États-Unis – pour leur départ d’imagination, comme une toile blanche. (...) Si on parle cuisine, un chef il y a trente ans n’était pas considéré comme un créateur, un visionnaire ou un plasticien. Aujourd’hui, les choses ont réellement changé. L’art est partout."

Mais à l'inverse, même onze ans de pension et une cuisine bien plus militaire que créative n'ont pas eu que des méfaits : "La nourriture de pension était difficile mais elle a provoqué mon imaginaire. Tous les moments difficiles qu’on vit nous emmènent ailleurs", conclut le couturier.

 

Le questionnaire des bons vivants

Pour mieux le connaître côté fourchette, le couturier est passé sur le gril des interrogations de Laurent Mariotte :

-Le goût de votre enfance ?

"La moutarde. Et les tubes de lait concentré sucré Nestlé. Et enfin, les anchois. Quand je suis arrivé à Nice à l'âge de 5 ans, les anchois étaient vraiment dans la culture quotidienne."

-Votre plus beau repas ?

"Un dîner dans la cuisine de Pierre Gagnaire où Pierre m'a vraiment ébloui. Il y avait une dimension d'improvisation, de beauté avec des gestes simples, d’efficacité de samouraï. Et tout était une explosion. C'était pour mon anniversaire et vraiment, je m'en souviens."

-La recette inutile selon vous en cuisine ?

"J'ai un problème avec l'eau, avec tous les plats bouillis, avec le mitonné, le mijoté. Est-ce que c'est des souvenirs de pension ? Et aussi, dans les restaurants chinois, je déteste partager alors que je suis quelqu'un de généreux. Mais ces plats qui tournent et font que je me retrouve avec des choses en sauce alors que j'ai commandé un canard laqué, non ! J'aime ce qui est croustillant, simple, efficace et relativement conceptuel."

-Votre mot préféré en cuisine ?

"Oui, chef ! La création n'est pas une démocratie. Tout est une question de discipline. Sur le pont d'un bateau, dans un studio de mode ou dans une cuisine, il y a des règles. Moi, par exemple, il y a une discipline chromatique, il n'y a pas de "pastel-bajac"."

-Quels sont les invités de votre dîner idéal ?

"En priorité, mon petit-fils Balthazar, la femme que j'aime, Pauline, mes enfants, Guilhem et Louis-Marie et des gens comme Luciano Benetton pour qui j'ai le plus grand respect et puis quelques fantômes, des amis d'antan, Jean-Michel Basquiat, Keith Haring, Malcolm McLaraen des Sex Pistols, des gens dont j'ai été fan. On ne vieillit pas tant qu'on est fan de quelque chose ou de quelqu'un."

-Quel plat emmèneriez-vous sur une île déserte ?

"Un jerrican d'huile d'olive à première pression, faite à partir d'olives taggiasche, des petites olives d'une région d'Italie précise qui ont un goût un peu amères et qui seraient parfaites sur mes cœurs de palmier et mes pêches miraculeuses. Et si je pouvais emporter une petite boîte de foie gras de mon village de Loubersan, ça serait top."

-Le mot de la FAIM ?

"Créativité. C'est le cœur de tout, la seule manière de se tenir droit, d'aller de l'avant."