Guy Carlier Europe 1 7:33
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Dans un billet singulier partagé avec la bande de "L'Équipée sauvage" sur Europe 1, lundi après-midi, Guy Carlier évoque pêle-mêle son mépris pour les journaux de confinement, la difficulté de cuisiner des aubergines farcies et une future collaboration avec Louis Bertignac.

C'est un journal de confinement qui n'aime pas les autres. Mais qu'à cela ne tienne : lundi après-midi, Guy Carlier a partagé avec la bande de Matthieu Noël dans L'Équipée sauvage sur Europe 1 un billet où se croisent les posters de Yann Arthus-Bertrand, les gardes de Buckingham Palace, les compositions de Louis Bertignac, un bout de pneu et la cave à vin richement fournie de Patrick Bruel. Dans le désordre. 

"Quand la bande de L’Équipée sauvage m'a demandé de raconter mon journal de confinement, tout de suite j'ai pensé : 'Oh, mais quelle idée originale ? Un journal de confinement, on reconnait bien là le génie novateur de Matthieu Noël car lui seul est capable d'avoir une idée si audacieuse à laquelle personne n'avait d'ailleurs pensé auparavant.' Ce n'est pas comme si dans tous les journaux, les chaînes de télé, les antennes de radio ou les réseaux sociaux, des dizaines de milliers de personnes nous avaient déjà raconté des choses aussi passionnantes que 'aujourd'hui j'ai fait du pain' en nous montrant une sorte de boule molle et grillée sortant du four.

Vous l'avez compris, même si les journaux de confinement sont pour ces gens l'instant de gloire dont parlait Andy Warhol, moi, franchement, je n'en peux plus. Les journaux du confinement, ce sont les soirées diapos du Covid-19. Les soirées diapos de notre enfance, quand on revenait de vacances, c'était un voyage au bout de l'enfer, qui durait des heures. Les journaux du confinement sont des soirées diapos qui durent des mois.

" Les animateurs mettent en scène leur déco. Généralement, on les voit devant une bibliothèque "

 

À la place des vacances en Grèce, la maîtresse de maison filme son appartement, fière de sa déco. 'Oui, j'ai essayé de donner une âme à cette maison', dit-elle, alors que ce sont des meubles de Maisons du monde qu'on voit partout. Les mêmes palmiers, les mêmes bibelots, ces grosses lettres qui forment le mot 'amour'… Au mur, un poster de Yann Arthus-Bertrand. 'Oh, regardez comme le jaune des champs de blé se marie bien avec le vert des pâturages, c'est une véritable poésie.'

Et l'inévitable souvenir de voyage, un taxi jaune miniature acheté à New York. 'Tu te souviens Christiane, on l'a acheté à Times Square le jour où t'as posé avec le cow-bow qui joue de la guitare tout nu. Regardez, on a la photo sur la bibliothèque.' Il y a le garde de Buckingham Palace, avec une bouteille de whisky, c'est le bonnet à poils qui fait bouchon et qu'on dévisse pour ouvrir.

Certains journaux de confinement m'intéressent malgré tout : ce sont ceux des gens du show-business, ou des demi-people, ou des animateurs radio chez qui on a installé le matériel leur permettant de réaliser leurs émissions depuis leur domicile. Évidemment, sous prétexte de nous montrer leur nouveau studio, ils nous montrent leur lieu de vie, ils mettent en scène leur déco. Généralement, on les voit devant une bibliothèque. 

Alors, nous, on zoome pour voir ce qu'ils lisent. C'est toujours la Pléïade. Tu penses bien qu'ils ont fait le tri avant la photo, pour ne pas laisser traîner ce qu'ils lisent réellement, comme Notre intestin est notre deuxième cerveau. Certains ne font pas attention : Patrick Bruel avait soigneusement organisé son décor, entouré de guitares savamment disposées, mais derrière lui, on voyait une cave à vin totalement remplie. 

Vous allez penser : 'Carlier se moque des people qui se font mousser avec le confinement, mais lui il fait la même chose'. Eh bien pas tout à fait. Si mon confinement ressemble à celui de Julie Zenatti, c'est dire s'il n'est pas spécialement intéressant, j'avais juste envie de vous parler de ma compagne qui est pneumologue et qui part tous les matins à l'hôpital.

Moi, en l'attendant, dans cet appartement, je cuisine. Hier, j'ai fait des aubergines farcies. C'est facile, ça : vous coupez les aubergines en deux, vous faites des croix dans la chair pour y faire pénétrer l'huile d'olive, vous mettez au four et dix minutes avant la fin de la cuisson, vous recouvrez de gruyère pour gratiner. Sur l'image de Marmiton, c'était très beau, moi j'ai ressorti du four un truc noirâtre aplati, qui ressemble à un bout de pneu. Ma compagne était heureuse même si le soir à 20 heures, après s'être fait acclamer sur la terrasse, elle a passé deux heures à nettoyer la cuisine.

" Moi, pendant le confinement, j'écris des chansons pour le monde "

Quoi qu'il en soit, je rigole, mais j'ai, comme tout le monde, des moments difficiles, douloureux. Je devais commencer le 15 mars une tournée avec Carl et Guitou, mon nouveau spectacle puis jouer à Avignon pour être au point à Paris, en octobre. Tout ça a sombré dans l'eau glacée du confinement.

Pour oublier cette déception, j'écris un nouveau livre et une pièce de théâtre, de la fiction pour une fois. Et puis est arrivée comme un cadeau du ciel la demande de Louis Bertignac d'écrire des chansons avec lui. Il m'envoie des musiques sur lesquelles j'écris des textes puis il me renvoie la maquette de la chanson avec sa voix et c'est toujours le même bonheur d'entendre tes mots chantés par la voix de quelqu'un que tu admires. Putain, Bertignac, Téléphone !

On a tous les souvenirs du monde d'avant. Alors moi, pendant le confinement, j'écris des chansons pour le monde d'après et le soir, quand mon héroïne rentre de l'hôpital, je lui fais écouter les maquettes de nos chansons pendant qu'elle nettoie la cuisine.

J'espère vous voir bientôt, même si je risque d'être confiné un peu plus longtemps que vous, car je me suis aperçu avec terreur que sans m'en rendre compte, je fais désormais partie des seniors, dans ma vie je suis passé de statut de gros à celui de vieux, sans passer par la case mec normal.

Mais au moins, je suis heureux, on se retrouvera sur scène. Je suis comme vous, j'ai des moments d'angoisse terribles avec cette peur de l'avenir qui vient dévorer nos entrailles comme une meute de chiens enragés. Ça ne sert à rien d'insister là-dessus, sauf à vous dire : accrochez-vous les gars, ça va tanguer mais on va s'en sortir."