Pour Francis Lalanne, il faut lire Kafka et Orwell pour comprendre notre époque

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Margaux Baralon , modifié à

Le chanteur Francis Lalanne était l'invité de Nicolas Carreau pour "La voix est livre", dimanche, pour parler de ses goûts littéraires. Il s'est notamment arrêté sur l'oeuvre de George Orwell, qui lui paraît particulièrement pertinente pour analyser les dérives sociales et politiques du 20e et du 21e siècle.

Nicolas Carreau aurait bien volontiers poussé les portes de la bibliothèque de Francis Lalanne, grand amateur de littérature et notamment de poésie. Mais le chanteur, plus nomade que sédentaire, conserve tous ses livres dans des cartons. "Ma bibliothèque est dans ma tête", confie-t-il sur Europe 1. C'est donc dans la mythique librairie Gibert-Joseph, à Paris, que l'interprète a rencontré notre journaliste pour son émission "La voix est livre", dimanche. Il y a révélé sa mémoire impressionnante, pouvant citer des poèmes par cœur, et son amour pour la dystopie de George Orwell, 1984

"Changer le sens des mots pour faire de la langue un outil de domination"

"Quand on lit Kafka et Orwell, on sait à peu près tout ce qu'il faut savoir sur le 20e siècle, et cela peut être adapté au 21e", estime Francis Lalanne. "Car [le 21e] subit les conséquences de la dérive sociale et politique du 20e." Plus précisément, le roman d'anticipation 1984, dans lequel Orwell imagine le concept de "Big Brother" depuis passé dans le langage courant, "nous amène à parler de la société d'aujourd'hui et de ce qu'on fait des mots", selon le chanteur.

"La novlange de 1984, on la parle aujourd'hui. [On a ] cette façon de globaliser la signification des mots pour leur enlever leur puissance réelle et particulière", poursuit Francis Lalanne. Dans son livre, George Orwell parle des "blanket words", ces mots "couverture" qui "couvrent les sens des mots pour pouvoir manipuler le langage", rappelle l'interprète. "Nous sommes dans cette société-là. Il faut lire ce livre pour comprendre ce qu'on vit aujourd'hui. Lorsqu'on veut changer le sens des mots, on s'empare de la langue et on en fait un outil de domination."

"Jamais le langage des entreprises n'a été aussi lénifiant"

Celui qui s'est aussi engagé aux côtés des "gilets jaunes" donne quelques exemples. "Quand vous dites 'plan social' à la place de 'licenciement', 'technicien de surface' à la place de 'balayeur', cela cache une injustice ou un abus de pouvoir. En ce moment, jamais le langage des entreprises n'a été aussi lénifiant. C'est un moyen de transformer les gens en esclave." Francis Lalanne préconise donc de lire 1984. "Finalement, ce n'est pas un livre si connu que cela. Quand j'en parle avec les jeunes, ce n'est pas là qu'ils vont chercher la vérité."