Crise interne, affaire Polanski : pourquoi la cérémonie des César s'annonce tendue

Polanski cesar
Les interrogations demeurent quant à la présence de Roman Polanski à la cérémonie (photo d'archives). © AFP
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Margaux Lannuzel avec AFP , modifié à
Deux jours après la nomination d'une présidente par intérim, la cérémonie des César se tient vendredi soir sur fond de polémique sur les douze nominations de Roman Polanski et son film "J'accuse". Même si le réalisateur a annoncé qu'il renonçait à y assister, plusieurs associations féministes ont appelé à manifester devant la salle Pleyel, où la soirée est organisée. 

On aura rarement aussi peu parlé de cinéma en amont de la cérémonie des César, qui se tient vendredi soir à partir de 21 heures à la salle Pleyel, à Paris. La remise des prix s'annonçait tendue depuis le mois de janvier et l'annonce des douze nominations du film J'accuse, réalisé par Roman Polanski, accusé de viol. Elle devrait l'être d'autant plus que l'Académie est traversée par une crise intestine : critiquée pour sa gestion opaque, la direction des César a annoncé il y a quinze jours sa "démission collective". Une directrice par intérim a été nommée mercredi. 

Des rassemblements féministes prévus en amont de la cérémonie

Alors, à quoi ressemblera la cérémonie, menée par l'actrice Florence Foresti ? Les perturbations pourraient commencer avant même qu'elle ne soit ouverte. Dès mercredi, des militantes féministes ont collé des affiches devant la salle Pleyel, pour réclamer l'annulation de l'événement. "Violanski : voulez-vous vraiment vivre dans un monde où un pédocriminel est nommé douze fois aux César ?", pouvait-on lire sur les messages. 

Plusieurs associations féministes, qui n'acceptent plus, comme une partie de l'opinion publique, que le cinéaste franco-polonais reçoive des honneurs - alors qu'il est visé depuis novembre par une nouvelle accusation de viol et toujours poursuivi par la justice américaine, ont appelé à manifester dès 18 heures devant la salle, vendredi. Le collectif féministe #NousToutes promet, à cette occasion, d'organiser un "happening" pour décerner à des cinéastes "d'autres prix - moins glorieux - afin que le rideau se lève sur la protection que leur accorde le monde des arts et du cinéma". 

L'absence de Polanski suffira-t-elle ? 

La polémique, d'autant plus vive que la cérémonie intervient quelques jours après la condamnation du producteur américain Harvey Weinstein et l'entretien accordé par Adèle Haenel au New York Times, dans lequel elle accuse le cinéma français d'avoir "raté le coche" du mouvement #MeToo, entrera-t-elle dans la salle Pleyel ? Affirmant s'attendre "davantage à un symposium qu'à une grande fête du cinéma censée récompenser ses plus grands talents", Roman Polanski a annoncé jeudi qu'il ne viendrait pas à la cérémonie. "Je prends cette décision, celle de ne pas affronter un tribunal d'opinion autoproclamé prêt à fouler aux pieds les principes de l'Etat de droit pour que l'irrationnel triomphe à nouveau sans partage", a-t-il écrit dans un communiqué. 

Mais la question des récompenses qu'il pourrait recevoir, même en son absence, reste en suspens. "Distinguer Polanski, c'est cracher au visage de toutes les victimes. Ça veut dire : 'ça n'est pas si grave de violer les femmes'", estime dans le New York Times Adèle Haenel, devenue le symbole de la libération de la parole des actrices en matière de violences sexistes et sexuelles en France. L'argument aura-t-il été pris en compte par l'Académie et ses 4.300 membres, qui ont voté début février ? "Les débats #MeToo, etc., ça passe complètement au-dessus de la tête de beaucoup de votants", confiait à Europe 1 l'un des votants il y a quelques semaines. 

Une crise intestine et des audiences en baisse

Et face à ces tensions prévisibles, les César se présentent donc, de surcroît, affaiblis par une violente crise interne. La publication d'une tribune signée par 400 personnalités du cinéma et réclamant une réforme "en profondeur" de leur fonctionnement, tenant trop à "l'entre-soi", a fait grand bruit début février, poussant l'Académie à jeter l'éponge.

La productrice Margaret Menegoz, présidente de l'Association pour la promotion du cinéma (APC), a été nommée présidente par intérim, mercredi. Mais elle sera bien seule pour défendre l'institution vendredi, alors que le processus de refonte des statuts de l'association, qui devrait permettre une diversification du recrutement aux César, ne commencera pas avant le mois d'avril. De quoi laisser craindre une soirée mouvementée, dans un contexte d'audiences en berne : en 2019, la 44ème cérémonie des César, retransmise en direct sur Canal +, avait déjà réalisé son plus mauvais score avec 1,6 million de téléspectateurs seulement, contre 2,1 l'année précédente.