Ces questions qui se posent sur l'oeuvre "autodétruite" de Banksy

Vendredi soir, une oeuvre du graffeur et peintre britannique Banksy s'est autodétruite chez Sotheby's à Londres.
Vendredi soir, une oeuvre du graffeur et peintre britannique Banksy s'est autodétruite chez Sotheby's à Londres. © Sotheby's
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Clémence Olivier , modifié à
Une oeuvre de Banksy s'est autodétruite vendredi soir, juste après sa vente, au moyen d'une broyeuse à papier dissimulée dans son cadre. Mais de nombreuses questions restent encore sans réponse.

C'est une première retentissante. Vendredi soir, une oeuvre du graffeur et peintre britannique Banksy s'est autodétruite chez Sotheby's, à Londres, alors même qu'elle venait d'être vendue aux enchères pour plus d'un million d'euros. Cette reproduction en peinture acrylique et aérosol de l'une des plus célèbres images de Banksy, Girl with Balloon, montrant une petite fille laissant s'envoler un ballon rouge en forme de cœur, a été partiellement découpée en fines lamelles par une broyeuse à papier dissimulée dans un épais cadre doré, le tout devant un public bluffé et amusé.

Le lendemain, Banksy lui-même a commenté l’événement sur son compte Instagram en publiant une photo de la peinture, ironiquement accompagnée de la légende : "Adjugé, vendu...". Mais aujourd'hui des interrogations demeurent sur ce coup monté qui renforce la légende de l'artiste qui se plaît à garder son identité secrète. Quand ce dispositif a-t-il été installé ? Qui a déclenché la destruction de l'oeuvre ? La maison d'enchères était-elle au courant ? Et quid de l'acheteur ?

La maison d'enchères était-elle au courant ?

Officiellement, la maison d'enchères n'était pas au courant. "On dirait que l'on vient de se faire 'Bankser'", avait affirmé vendredi Alex Branczik un responsable de la maison d'enchères américaine, juste après la destruction du tableau. Sur le site The Art Newspaper, il avait également assuré ne pas avoir été averti du canular et il a confirmé ses dires dimanche. Sur FranceInfo, Nicolas Laugero Lasserre, directeur de l'Icart et spécialiste du street-art, estime l'ignorance de Sotheby's tout à fait plausible.

"Ce serait beaucoup trop de responsabilités à porter vis à vis des acheteurs", estime cet expert, ajoutant que le risque juridique pour la maison d'enchères est trop important. "Elle est cotée en bourse et le client, qui était prêt à dépenser plus d'un million d'euros, pourrait se retourner contre eux".

Pour autant, tous les spécialistes ne sont pas du même avis. Dans Le Figaro, un marchand d'art moderne estime que Sotheby's était forcément au courant de la supercherie. Il fait remarquer que la scène a été très bien filmée alors qu'elle était censée être surprenante. Par ailleurs, le tableau était placé exactement au-dessus de l'enseigne de Sotheby's. De fait, son logo apparaît sur toutes les photos prises lors de la destruction du tableau.

Par ailleurs, un collectionneur rappelle au Figaro que chaque oeuvre mise en vente doit être accompagnée d'un rapport sur l'état de l'oeuvre. Cela évite que des "faux" soient mis en circulation. Pour faire ce rapport, la maison d'enchères est censée désencadrer l'oeuvre, la vérifier avec minutie. Or sur le catalogue, l'oeuvre apparaît avec son cadre. Banksy aurait refusé de le faire enlever. Selon le spécialiste, il est très étonnant que Sotheby's ait accepté une telle requête de l'artiste. "Cela veut dire aussi que n'importe quelle œuvre pourrait rentrer dans les locaux de Sotheby's, passer à travers les mailles du filet, avec n'importe quel explosif à l'intérieur", pointe-t-il dans Le Figaro.

L'acheteur était-il un complice ?

Quant à l'acheteur, aurait-il pu être au courant d'une telle supercherie ? "Nous avons parlé avec l'acheteur, qui a été surpris par cette histoire. Nous sommes en discussion quant aux prochaines étapes", a déclaré samedi la maison d'enchères dans un communiqué publié dans le Financial Times.

Si peu de spécialistes se prononcent sur la possible complicité de l'acheteur avec l'artiste, ils s'accordent à dire que cet achat risque d'être une aubaine pour l’acquéreur. Pour Joey Syer, cofondateur de la plateforme en ligne MyArtBroker, interrogé par le Dailymail, le déchiquetage du tableau et l'attention médiatique qui en a découlé peut faire grimper en flèche la valeur du tableau. "Le tableau fait maintenant partie de l'histoire de l'art à l'état déchiqueté. Sa valeur a augmenté d'au moins 50 %". 

Qui a enclenché le mécanisme de destruction de l'oeuvre ?

Sur le procédé, là encore, il y a mystère. Le site Artsy, citant un membre de la maison d'enchères, indique que des proches de l’artiste avaient réservé des places en nombre dans la salle. L'un d'entre eux aurait pu déclencher le mécanisme à distance. Mais certains affirment également que l'artiste lui même aurait pu être à l'origine de l'autodestruction de son oeuvre. Un mystérieux homme portant chapeau et lunettes de soleil a été vu près de l'entrée de Sotheby's peu après la vente. Cela a suffi pour alimenter, ce week-end, les spéculations sur le fait que la star de l'art contemporain ait pu être présente.

Le dispositif était-il là dès l'origine ?

Ce tableau de Banksy a été vendu pour la première fois en 2006, il y a douze ans, avant qu'il ne soit remis en vente cette année. Il semble possible que la broyeuse à papier dissimulée dans le cadre et le mécanisme qui permet le déclenchement à distance aient été installés dès l'origine, d'ailleurs Banksy lui-même l'a affirmé dans son message Instagram diffusé samedi, mais quelques collectionneurs ont affiché ce week-end leur scepticisme.

Dans le Figaro, l'un d'eux se dit certain que le mécanisme a été installé plus tard car selon lui Banksy ne pouvait pas savoir en 2006 que ses œuvres auraient pris autant de valeur dans les années suivantes et que ce tableau précisément aurait été mis aux enchères. D'autres, soulignent le fait que la batterie du déclencheur se serait forcément déchargée en douze ans.