Plongée au cœur du processus d'écriture (très particulier) de Joël Dicker

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Joël Dicker a un processus d'écriture pour le moins insolite. © JOEL SAGET / AFP
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Ugo Pascolo
Invité de l'émission "Icônes", l'écrivain Joël Dicker s'est livré sur son processus de création. Un rituel original, "très barbant" et chaotique qui commence avec une simple question, pour aboutir à des succès tels "L'Énigme de la chambre 622", publié cette année.

Il est de coutume de dire que chaque artiste à ses manies avant de créer, et Joël Dicker n'échappe pas à cette règle. Invité de l'émission "Icônes" de Michel Denisot sur Europe 1, l'écrivain suisse-romand qui écoule chacun de ses romans à des centaines de milliers d'exemplaires a livré les détails de son processus d'écriture. Une méthode chaotique, "sans plan", de laquelle est née La Vérité sur l'affaire Harry Quebert, 
prix Goncourt des lycéens 2012, ou plus récemment L'Énigme de la chambre 622, qui s'est écoulé à plus de 265.000 exemplaires depuis sa sortie en mai dernier.

"Est-ce que j'ai envie d'écrire un livre ?"

Tout commence avec une question. Non pas sur l'intrigue, les personnages, ou même la fin d'une histoire qui n'est pas encore commencée, mais tout simplement : "Est-ce que j'ai envie d'écrire un livre ?", confie l'écrivain à succès sur Europe 1. "Est-ce que j'ai envie de consacrer trois ans de ma vie, douze heures par jour, dans cette aventure ? Je crois que c'est la question la plus importante quand on fait quoi que ce soit qui nécessite un peu de création." Une première marche que l'écrivain a déjà franchie avec son futur sixième roman. 

Du chaos au "déclic"

Dès que l'envie d'écrire vient à Joël Dicker, place maintenant à l'inspiration. Et pour cette étape aussi, il a une méthode originale : écrire tout ce qui lui passe par la tête, mais pas seulement. "Je passe entre six et huit heures par jour à le faire, mais aussi à attendre que le temps passe, à dessiner sur une feuille, à écrire des suites de mots." Un processus qui a longtemps fait douter le romancier mais qu'il voit désormais comme un "passage obligé très barbant qui va [lui] permettre de se lancer dans le roman". "Je sais qu'à un moment donné, le déclic va avoir lieu", assure-t-il. 

Et le rituel d'écriture est loin d'être terminé, puisqu'une fois le "déclic" arrivé, reste à le coucher sur le papier. Mais heureusement, Joël Dicker n'est pas seul dans cette épreuve. "Quand j'ai commencé à me mettre vraiment à l'écriture, je pensais aux grands écrivains comme Romain Gary, Albert Cohen", des icônes pour Joël Dicker. "Qu'est-ce qu'ils faisaient le matin quand il tournait en rond ? Fumaient-il une cigarette ?" 

L'ombre de Bernard de Fallois

Mais avec le temps l'écrivain s'est tourné vers ses sentiments, et a cessé de penser au rituel d'écriture pour se consacrer "au rituel de la vie, c'est-à-dire aux pensées". Une réflexion quasi-philosophique qui lui fait régulièrement penser à son grand-oncle, mort en 2012. "C'était un penseur, un intellectuel et un homme de la réflexion sur les sujets du monde qui le tracassait : la marche du monde, l'histoire de l'humanité. Et c'est vrai que je me retrouve souvent avant d'écrire à lire les journaux, non seulement pour être dans l'information, mais pour être aussi dans la réflexion." 

Une réflexion qui amène plusieurs questions : "Quels mots ai-je envie de mettre ? Qu'est-ce que je veux raconter aux gens ? Qu'est-ce qui me tracasse ? Qu'est-ce que je veux partager ?" 

Autre personne qui accompagne Joël Dicker pendant l'écriture : Bernard de Fallois, son éditeur mort le 2 janvier 2018 à 91 ans, mais surtout l'homme qui a fait connaître au grand public sa plume. "Bernard de Fallois est celui qui me vient en tête quand je dois résoudre un problème, quelque chose qui ne va pas. Que ce soit dans le livre ou dans la vie, je lui parle encore et je me dis : 'Qu'est-ce qu'il aurait fait ?'" Et l'écrivain de confier qu'il y a quatre photos de son éditeur et ami dans la pièce où il écrit, ce qui permet à l'écrivain de voir Bernard de Fallois où [qu'il] regarde".