"American Vampire" retrace l'histoire des États-Unis en y intégrant la mythologie des vampires. 3:51
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En 2010, Stephen King s'essayait pour la première et seule fois de sa carrière à la bande dessinée. Le résultat, "American Vampire", est un comics passionnant, mêlant grande Histoire et mythologie vampirique. Pour ses 10 ans, l'oeuvre ressort en France dans une édition intégrale enrichie.

Shining, Ça, Simetierre… On connaît tous les livres de Stephen King, des best-sellers adaptés à foison au cinéma et en séries. Mais le "maître de l'horreur" s’est également essayé à la bande dessinée. En 2010, il a signé les cinq premiers chapitres d’American Vampire, un des meilleurs comics de la décennie écoulée. Une oeuvre aussi libre que dense qui revigore le mythe du vampire. Pour les dix ans de la première parution, Urban Comics publie en France une splendide édition intégrale d'American Vampire. L'occasion de revenir sur la naissance originale de ce comics.

Le coup de cœur de Stephen King

Originale car, même si le nom de Stephen King est écrit sur la couverture, ce n'est pas lui qui a imaginé American Vampire. Le cerveau s'appelle en réalité Scott Snyder, un auteur de comics guère connu en 2010. Après une première BD plutôt bien reçue, il souhaite écrire une histoire de vampires qui se mêlerait à la grande Histoire, celle de l'avènement des États-Unis comme première puissance mondiale. Un concept ambitieux, trop sans doute pour un jeune auteur comme Scott Snyder.

Alors, pour se lancer, il a essayé de faire comme beaucoup d’écrivains : gratter un compliment d’un auteur reconnu. C'est une pratique très courante, qui porte même un nom : le "blurb". Le concept : un auteur méconnu, ou sa maison d'édition, contacte un grand nom de la littérature pour lui demander une phrase élogieuse (type "le meilleur livre que vous lirez cette année") qui pourra être apposée sur la quatrième de couverture et attirer le lecteur. Or, Stephen King est connu pour sa générosité en la matière (même si le procédé est généralement rétribué).

Stephen King et Scott Snyder ont collaboré pour écrire le début d'American Vampire. / DIA DIPASUPIL / MICHAEL BUCKNER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Au culot, Scott Snyder a donc contacté Stephen King. "Quand Scott m'a parlé de sa BD vampirique, j'étais surexcité. J'y ai décelé un potentiel indéniable et un pitch qui faisait mouche", raconte le maître de l'horreur dans la préface d'American Vampire. Résultat, plutôt que de lui écrire un banal slogan promotionnel, Stephen King a carrément demandé à Scott Snyder s’il pouvait écrire quelques chapitres ! L'écrivain a donc scénarisé les cinq premiers numéros d'American Vampire, et Scott Snyder a pris en main la suite de la série, qui compte une trentaine de chapitres pour l'histoire principale.

Du western au film noir

Le scénario, c'est justement la force d'American Vampire. Le comics raconte l’histoire de Skinner Sweet, un bandit du Far West. Un jour, il est mordu par un vampire venu d’Europe. Le vieux modèle à la Dracula : teint pâle, grands crocs et vulnérable au soleil. Sauf que Skinner Sweet ne va pas devenir un vampire européen comme eux mais une nouvelle espèce, un vampire américain. Plus puissant, plus violent, plus cynique aussi, et surtout capable de sortir en plein jour, il va chercher à se venger de ceux qui l’ont condamné à vivre éternellement. Mais lui-même se retrouve traqué par des chasseurs de vampires, les Vassaux de Vénus.

"American Vampire" explore différents genres, notamment celui du film noir à Los Angeles.

À partir de là, American Vampire revisite toute l’histoire américaine par le prisme des vampires qui, on le comprend vite, tirent les ficelles des États-Unis en plein boom, de la politique à l'économie en passant par le divertissement. Les premiers contacts avec les Amérindiens, la conquête de l’Ouest, l’essor d’Hollywood dans les années 30, la Seconde Guerre mondiale, les fifties, la Guerre Froide et jusqu’aux premiers pas sur la Lune : tout y passe à travers les dessins du Brésilien Rafael Albuquerque. Et ça donne un comics passionnant, très libre. American Vampire explore pleins de genres différents : l’horreur pure bien sûr, mais aussi le western et le film noir.

Des vampires singuliers

Ainsi, American Vampire trace son propre sillon dans la mythologie déjà bien encombrée des vampires. L’objectif originel de Scott Snyder et Stephen King était d'ailleurs d'aller à rebours de la mode des "vampires pour midinettes", comme ils les appellent, les vampires beaux gosses, ténébreux popularisés par Twilight, la saga pour ados qui cartonnait au cinéma en 2010. Le duo souhaitait revenir aux mythes fondateurs du vampire : non pas le comte élégant reclus dans son château mais un tueur, un véritable monstre.

Scott Snyder au scénario et Rafael Albuquerque au dessin réinventent le mythe du vampire.

"Dans notre mythologie, les vampires que l’on connaît ne sont qu’une espèce de monstre parmi d’autres. En réalité, il y a plusieurs espèces de vampires. Et ils appartiennent à la même lignée que les loups garous, les zombies, les momies… Chaque monstre provient d’une même lignée, tout part d’une première infection mystérieuse. À partir de là, je peux utiliser tous les monstres que je veux dans la série !", explique Scott Snyder, dans une interview donnée au site de DC Comics, l'éditeur américain, en 2014. Résultat : une histoire remarquée, multi-récompensée et un tremplin pour la carrière de Scott Snyder. En dix ans, il s'est imposé comme un auteur majeur de la bande dessinée américaine, notamment grâce à son travail sur Batman.

Une splendide édition enrichie

L'édition intégrale que publie Urban Comics est l'occasion de (re)découvrir l'oeuvre qui a lancé sa carrière. C’est un travail inédit puisqu’elle regroupe absolument tout l’univers d’American Vampire. Car en plus de l’histoire principale, lancée par Stephen King et poursuivie par Scott Snyder, comme de nombreux comics, American Vampire a été décliné dans des spin-offs et des chapitres bonus confiés à d'autres auteurs. Jusqu'ici, seule l'histoire principale avait été éditée en France.

600 x 300 (3)

Pour rendre l'ensemble digeste pour le lecteur néophyte, cette édition intégrale se présente dans l'ordre chronologique. Le premier tome débute ainsi en 1588 et court jusqu'en 1925. On y trouve les 10 premiers chapitres d'American Vampire, agrémentés d'histoires courtes et de nombreux bonus : croquis, story-boards, couvertures alternatives… C'est très riche et vraiment splendide. Au total, l'édition intégrale sera publiée en cinq tomes, le deuxième étant prévu pour juillet 2020.