Embrouille autour d’une gargouille

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Aurélie Frex
L'installation sur une cathédrale lyonnaise d'une gargouille à l'effigie d'un musulman divise.

Peut-on représenter un musulman et écrire Allah sur une cathédrale ? La question divise à Lyon depuis l’installation, en début d'été, d’une gargouille représentant un chef de chantier musulman avec l’inscription "Allah Akbar", écrite en arabe à côté de sa traduction en français ("Dieu est grand"). Entre bénédiction d’un symbole œcuménique et dénonciation d’un blasphème, la polémique a enflé de jour en jour.

Une tradition du XIIe siècle

La primatiale Saint-Jean, cathédrale baroque, compte plusieurs centaines de gargouilles, des oeuvres d’art dont le rôle est "d’éloigner" le mauvais esprit. Le choix d’Ahmed comme modèle vient d’une tradition en vogue chez les bâtisseurs de cathédrales entre les XIIe et XIIIe siècles, lorsque la cathédrale a été construite : on glissait une référence à ses compagnons de chantier parmi les décorations des monuments historiques.

Alors que le monument est en cours de rénovation, le tailleur de pierres, Emmanuel Fourcher, a décidé de sculpter une nouvelle gargouille à l'effigie du chef de chantier, qui a une trentaine d'années d'ancienneté. Cette initiative était donc un clin d’œil, né d’une longue histoire d’amitié entre le tailleur et le chef de chantier.

"S'approprier nos églises"

Si l’architecte en chef des monuments historiques de Lyon, et l’archevêché ont été séduits par l’idée, tous les catholiques ne voient pas ces inscriptions en arabe sur une cathédrale d’un très bon oeil. Courriers de plaintes à l’abbé, et réactions de mouvements extrémistes n’ont pas tardé.

"Alors que dans beaucoup de pays musulmans, la religion chrétienne est interdite et les chrétiens martyrisés, à Lyon, les musulmans se paient le luxe de s’approprier nos églises, en toute tranquillité, et avec la complicité des autorités catholiques" : c’est le message que les Jeunesses identitaires de Lyon ont diffusé, en réaction à la gargouille.

Or, tous les ouvriers qui travaillent sur les cathédrales ne sont pas baptisés, et les musulmans sont nombreux à avoir travaillé à la rénovation des cathédrales. En attendant, Ahmed tire une célébrité internationale de son statut de "modèle" : le quotidien algérien El Watan lui a récemment consacré un article.