En région parisienne, près de six enfants mis en cause chaque jour dans des affaires de drogue. 1:29
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William Molinié / Crédits photo : LUDOVIC MARIN / POOL / AFP , modifié à
Selon les informations recueillies par Europe 1, 2.033 mineurs ont été mis en cause pour usage, revente et trafic de stupéfiants l’année dernière à Paris et dans les trois départements de la petite couronne.

C’est une réalité qui s’écrit malheureusement sous nos yeux. Depuis une dizaine d’années, les services spécialisés observent un rajeunissement des trafiquants de stupéfiants sur les points de deal. Ce qui entraîne mécaniquement un abaissement de l’âge d’entrée dans le crime. Selon les informations recueillies par Europe 1, 2.033 mineurs ont été mis en cause l’année dernière pour usage, revente ou trafic de stupéfiants à Paris et en petite couronne. Soit quasiment six enfants interpellés chaque jour pour ces motifs.

En moyenne, sur l’ensemble des mis en cause dans des affaires de drogue, 21% ont moins de 18 ans. Parmi eux, les trois quarts ont entre 16 et 18 ans, et un quart entre 13 et 15 ans. Ce sont dans l’immense majorité des garçons (96%) puisque les filles ne représentent que 4% des enfants mis en cause.

Payés à la tâche, facilement interchangeables

Les mineurs sont utilisés sur les points de deal comme des petites mains. Guetteurs, rabatteurs ou livreurs… "La logique des trafiquants est d’avoir des personnes qui sont payées à la tâche ou à l’acte, qui sont facilement accessibles par les réseaux sociaux ou bien par le bouche-à-oreille pour être recrutés. Et qui sont facilement interchangeables en cas d’interpellation puisque la minorité pénale conduit à ce que la répression soit moins lourde que pour des majeurs", décrypte au micro Europe 1 le commissaire général Guillaume Batigne, chef de la brigade des stupéfiants à la police judiciaire parisienne.

Si le taux d’implication des mineurs dans les trafics de stupéfiants (21% en 2023) est relativement stable depuis 2021, il ne baisse pas, malgré l’implication des services de police dans la prévention. Régulièrement, les policiers de la brigade des stupéfiants se déplacent dans les collèges et les lycées de l’agglomération parisienne pour intervenir auprès des jeunes. L’année dernière, 10.423 jeunes ont ainsi échangé avec des agents dans les salles de classe.

Banalisation de l’image du trafiquant de drogue

Outre ce public, les policiers sont aussi chargés d’animer avec la protection judiciaire de la jeunesse et des psychologues des stages de sensibilisation pour les mineurs condamnés par la justice. Philippe Barreau, commandant à la brigade des stups’, est aux premières loges pour observer l’évolution du rapport à la drogue chez les jeunes. "Le changement, c’est la banalisation des produits et la banalisation de l’image qui est véhiculée d’un trafiquant qui peut être un chic type, un modèle de réussite sociale, un modèle d’intégration dans une sorte d’entreprise", explique-t-il au micro Europe 1.

"La difficulté, c’est de leur expliquer que ce n’est pas une entreprise, ce n’est pas un travail. Leur montrer qu’il y a des limites qu’on ne veut pas dépasser. Sur notre éthique, sur notre estime de soi, sur ce que notre famille ou nos amis pensent à court et moyen terme de notre implication dans un trafic", poursuit-il.

Cette prévention se heurte aujourd’hui à l’image des dealers véhiculés par les films ou les séries policières. Hier, les premiers rôles revenaient aux policiers : Julie Lescaut ou encore Navarro. Aujourd’hui, ce sont les trafiquants qui sont en haut de l’affiche avec The Wire, Narcos ou Breaking Bad.