Un "XV de France caméléon" laisse Lièvremont sur sa faim

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Quatre ans après avoir emmené les Bleus jusqu’en finale de la Coupe du monde, c’est de sa position de consultant que Marc Lièvremont juge, dans une chronique accordée au Monde, le parcours de Philippe Saint-André, son successeur, lancé à l’assaut de la coupe Webb-Ellis.

Qu’il semble loin le temps où Marc Lièvremont, encore sélectionneur du XV de France placé sous le feu des critiques lors du Mondial 2011 en Nouvelle-Zélande, soutenait qu’on ne l’y prendrait jamais : la fonction de consultant, très peu pour lui. Quatre ans plus tard et, non seulement l’ancien international a franchi le rubicond et pris place derrière le micro et devant les caméras de Canal+, mais le voilà qui s’autorise à juger directement le comportement des Bleus, version Saint-André, à l’occasion de cette Coupe du monde 2015 en Angleterre.

" Les Bleus se servent plus de leurs épaules pour percuter l’adversaire que de leurs poignets pour se faire des passes "

Dans une chronique accordée au quotidien Le Monde, Lièvremont fait la fine bouche devant le parcours des Tricolores pourtant vainqueurs de leurs trois premiers matches de poule : "Face au Canada, bien sûr, on ne s’est pas ennuyés. Pour la première fois du tournoi, le XV de France a pris le match par le bon bout, avec une première demi-heure probante, une activité défensive intense et un Frédéric Michalak rayonnant dans son rôle de chef d’orchestre. Mais les Bleus sont restés fidèles à ce phénomène qui les caractérise depuis un moment : ils se servent plus de leurs épaules pour percuter l’adversaire que de leurs poignets pour se faire des passes."

Des Bleus à contre-courant

On se souvient que l’ancien sélectionneur avait déjà, il y a quatre ans, prédit et lui-même tenté de développer sous son mandat avec un jeu enlevé et ouvert, avant d’être rattrapé par la réalité de la compétition et de laisser ses joueurs se replier sur un jeu plus restrictif, avec la réussite que l’on sait. Celui-là même que PSA a choisi d’ériger en option de jeu préférentielle. "Pourtant, cette tendance à jouer un rugby bulldozer est à peu près aux antipodes de ce que font les autres équipes et de ce vers quoi évolue cette discipline", souligne Lièvremont, qui s’interroge.

"Peut-on gagner une Coupe du monde en jouant tout au long du tournoi comme le fait le XV de France ? Ce rugby à grands coups d’épaules sera-t-il suffisant pour battre l’Irlande, puis éventuellement l’Argentine en quarts, l’Angleterre en demies et la Nouvelle-Zélande en finale ? Le grain de folie qui a souvent habité cette équipe au fil des générations ne va-t-il pas nous manquer ? Pour l’instant, seul Frédéric Michalak incarne cette touche de fantaisie. Or, sur un terrain de rugby, c’est compliqué d’allumer la flamme tout seul. Ses quelques fulgurances contre le Canada ont dû faire plaisir aux nostalgiques du French flair, mais toutes les équipes ne lui laisseront pas une telle latitude."
 
 

" Ce rugby à grands coups d’épaules sera-t-il suffisant pour battre l’Irlande, puis éventuellement l’Argentine en quarts, l’Angleterre en demies et la Nouvelle-Zélande en finale ? "

A commencer par cette équipe d’Irlande contre laquelle les coéquipiers de Thierry Dusautoir vont jouer dimanche, à Cardiff, la tête de la poule D. Un adversaire qui, pour Lièvremont, risque de révéler déjà les limites françaises. "Les Irlandais sont en confiance, et leur rugby ne se résume plus au fighting spirit.(…) Cela fait maintenant quatre ans que les Bleus tâtonnent contre eux et n’arrivent pas à gagner – deux matchs nuls et deux défaites sous l’ère Saint-André." Un bilan à filer des cauchemars au plus optimiste des supporteurs tricolores.

Lièvremont semble presque se forcer à être plus positif : "Les Bleus ont évidemment les armes pour battre le XV du Trèfle. Ne serait-ce que parce que la France est l’équipe caméléon par excellence, elle a cette capacité à se mettre au niveau de l’adversaire qu’elle affronte. Quand elle joue la Roumanie, elle balbutie son rugby, mais on peut être certain qu’elle sera présente lorsqu’il faudra aller au combat. Cette équipe est capable d’enchaîner des matchs médiocres et d’être tout à coup flamboyante." Le prédécesseur de Saint-André sait de quoi il parle…

Europe 1 avec Sports.fr