Mon premier Vendée Globe : la solitude du skipper Morgan Lagravière

Vendée Globe
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Le départ de la 8ème édition du Vendée Globe est donné dimanche (13h02) des Sables-d’Olonne. 29 skippers s’élancent pour environ 80 jours de tour du monde en solitaire. Parmi eux, le bizuth Morgan Lagravière. Rencontre en eau salée, en trois épisodes (EPISODE 3/3). 

Morgan Lagravière, 29 ans, va traverser tous les océans et connaître tous les décalages horaires, pendant les (environ) 80 jours du Vendé Globe, qui s'élance dimanche des Sables-d'Olonnes. Autant d'épreuves que le skipper français va devoir affronter tout seul. Un sacré challenge. 

Cinq heures après notre départ de Concarneau, en cette journée d'octobre, pour l'ultime entraînement du team Safran, la côte bretonne n'est plus qu'une illusion, un mirage. Cette sensation d'éloignement, Morgan Lagravière la ressentira de manière décuplée le 6 novembre prochain. En quittant l'immense chenal des Sables-d’Olonne, il laissera tout derrière lui. Le temps de faire le tour de la terre.

Depuis qu'il a appris qu'il larguerait les amarres, Morgan a tout fait pour "préparer ses proches". "J'essaie de leur raconter ce que je vis pour qu'ils anticipent mieux". Après, pas question de les associer à toutes les décisions ni de les effrayer inutilement. "Ils vont souffrir alors que, eux, contrairement à moi, ils n'ont pas demandé à vivre ces choses-là", explique le jeune skipper avec beaucoup de lucidité.

" Vous ne pouvez même pas imaginer le bonheur de prendre une douche chaude ou de manger un steak quand on rentre à terre.  "

Noé Delpech est l'équipier qui a le plus navigué avec Morgan Lagravière. Gamins, ils ont fait leurs premières régates en Optimist, à La Réunion. Quelques années plus tard, ils ont remporté les Championnats du monde jeunes en 420. Ils ont parlé et rêvé de voilé pendant toute la vie, à tel point qu'ils sont comme des frères. Quand on lui demande s'il redoute la solitude et l'éloignement qui seront les partenaires de Morgan dans son tour du monde, Noé ne doute pas un instant. "Quand on était petit, on adorait la compétition et on a gardé cet esprit, confie-t-il de retour des Jeux olympiques de Rio. Morgan est un guerrier et il a un très gros mental. Il prend un réel plaisir à se battre sur l'eau et cela lui permet de dépasser ses limites".

Safran-1

 Ce mental de guerrier, Morgan en aura bien besoin quand il aura un "coup de moins bien". "Me séparer de mon environnement, de ma compagne, de mon cocon, ça sera sans aucun doute le plus dur", confesse-t-il en virant de bord pour rentrer au port. Mais cette nouvelle génération de skippers n'a quand même rien à voir avec l'image qu'on peut avoir des vieux loups de mer. Toujours souriant, jamais un mot plus haut que l'autre, Morgan ne quitte pas la terre ferme pour oublier ses problèmes. "Avant, on disait souvent que les marins prenaient le large parce qu'ils étaient bien en mer. Aujourd'hui, je pense qu'il faut vraiment être bien à terre pour bien naviguer". A raison de 5 heures de sommeil par jour, de repas lyophilisés pas très ragoutants, le moral du bonhomme a intérêt à être bon.

 L'entraînement touche à sa fin. L'aventure, elle, ne fait que commencer pour Morgan. Avec déjà un air philosophe dans un petit coin de sa tête, il pense à l'après. Au chemin retour dans le chenal des Sables-d’Olonne. La joie de retrouver ceux qu'il aime. Et le goût de la vie aussi. "Quand on reste longtemps en mer, les 15 premiers jours du retour à terre sont juste indescriptibles. Vous ne pouvez même pas imaginer le bonheur de prendre une douche chaude ou de manger un steak au restaurant. Après cette course, c'est certain, je ne verrai pas la vie de la même manière, prophétise Morgan".