Ce que la polémique Fekir dit du football français

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Nabil Fekir, dimanche soir, devant le Kop Sud de Saint-Étienne. © PHILIPPE DESMAZES / AFP
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Depuis la déroute stéphanoise dimanche soir contre Lyon, on ne parle plus que du maillot de Fekir. Le signe d’un mal français ? 

Depuis la fin du match entre Saint-Etienne et Lyon, on ne parle plus que du maillot de Nabil Fekir. Le score ? Aux oubliettes ? La victoire historique de l’OL dans le derby ? A la trappe. Les deux buts de Nabil Fekir et son superbe match ? Aux vestiaires, on n’en parle plus. Et pourtant, l’international tricolore n’a insulté personne. Il n’a prononcé aucun mot après son deuxième but. Il a simplement enlevé son maillot pour le brandir fièrement devant les supporters stéphanois. Pour cette faute, il a écopé d’un carton jaune (le troisième en moins de 10 rencontres de Ligue 1, synonyme de suspension pour la réception de Montpellier). Et pourtant, son geste continue de faire couler beaucoup d’encre. Beaucoup trop. Mais pourquoi, au fait ?

"Une mise en scène indispensable au foot". Lundi, avant de regagner Clairefontaine pour le rassemblement de l’équipe de France (en vue des deux matches amicaux contre le pays de Galles et l’Allemagne), Nabil Fekir est revenu sur sa célébration *polémique*. "J'assume ce que j'ai fait, mais je regrette les débordements", a-t-il confié au Progrès. "Si j'avais su ce qui allait se passer, je ne l'aurais peut-être pas fait, mais c'était un geste instinctif. Maintenant, si on ne peut plus rien faire... mieux vaut faire du théâtre ou autre chose".

Quelques heures plus tard lundi après-midi, il acceptait de répondre aux journalistes de L’Equipe, alors qu’il aurait très bien pu se faire (un peu) oublier. Courageux, Nabil Fekir a redit qu’il ne regrettait pas son geste. En se rendant à Clairefontaine, il a pris le même taxi que Corentin Tolisso (son ancien partenaire à l’OL, aujourd’hui joueur du Bayern Munich). "Lui, il était content !", confie le capitaine lyonnais au journal sportif. "On est des Lyonnais dans l’âme et c’est un derby qui nous tenait à cœur". Tout est dit : l’amour du maillot et une irrépressible envie de le crier haut et fort. "Si tu ne comprends pas que le foot a besoin de toute cette mise en scène pour exister, alors tu ne comprends rien au foot", lance Joachim Barbier, journaliste pour So Press et auteur de La France, ce pays qui n’aime pas le foot.

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"Le football, on ne peut pas complètement l'aseptiser". Fin connaisseur du foot, Joachim Barbier souligne d’ailleurs le paradoxe qui existe dans le traitement du foot dans les médias. "Comme les diffuseurs paient de plus en plus cher les droits télé, ils veulent le moins de vague possible. Et en même temps, quand ils font des bande-annonce, ils mettent en avant des scènes avec des supporters en fusion qui brandissent des fumigènes".

Didier Roustan, consultant Europe 1, est sur la même ligne. Pour lui, ce qu'a fait Nabil Fekir n'est pas condamnable. "Le football, on ne peut pas complètement l'aseptiser, a-t-il expliqué dans l'émission Y a pas péno ! lundi sur Europe 1. Tu peux chambrer, t'amuser, jouer... Les mecs ont le droit de t'insulter, tu as aussi le droit de les chambrer. (...) Le mec a pris des coups pendant tout le match, il s'est fait insulter pendant tout le match." Même son de cloche pour l’ancien Lyonnais Juninho. "Quand une équipe gagne, explique-t-il dans les colonnes de L’Equipe ce mardi, les joueurs ont le droit de rigoler, il faut l’accepter même si cela fait mal aux supporters adverses, c’est le jeu".

Une sanction pour Fekir, un très mauvais signal. Après la rencontre et le tintamarre provoqué par les éditorialistes *spécialistes* du genre, la commission de discipline de la Ligue de football professionnel (LFP) a décidé de se saisir de ce cas. Prendra-t-elle une sanction à l’encontre de Nabil Fekir ? L’ancien joueur de l’équipe de France Sidney Govou, ne préfère pas y penser. "On est en train d’oublier que ça reste un jeu, de l’émotion", rappelle l’ancien international français à 20 minutes. "On va finir aseptisé".

"L’exemple le plus criant de ce foot aseptisé, c’est Karim Benzema", renchérit Joachim Barbier. "En France, on veut juste des bons soldats et pas des personnalités fortes. Comme on n’arrive pas à gérer ces cas, comme Eric Cantona il y a déjà plus de 20 ans, on préfère tuer l’individualisme".

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"Un certain mépris pour les sportifs". Depuis 48 heures, pas un débatteur n’a pas exprimé son avis sur le sujet. Et souvent en condamnant fermement le geste de Nabil Fekir. "On n’aime pas les sportifs en France", assure Joachim Barbier. "C’est donc assez facile de taper sur eux, voire de les mépriser". Quitte à être paradoxal jusque dans le mépris. "On demande aux footballeurs d’être les meilleurs, conclut l’auteur de La France, ce pays qui n’aime pas le foot, et en même temps on ne comprend pas qu’ils n’aient pas le recul suffisant dans un moment de trans comme celui de marquer un but".