Six kilomètres pour un derby

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Avec Reuters , modifié à
Le stade Jean Dauger va s'enflammer samedi lors du derby basque, qui oppose l'Aviron Bayonnais et le Biarritz Olympique, deux clubs et deux villes si proches et pourtant si différents. Six kilomètres et l'Adour séparent Jean Dauger du stade Aguilera de Biarritz, mais cela suffit à faire de l'Aviron et du BO deux frères ennemis, qui revendiquent chacun à leur tour la suprématie dans l'Ovalie basque.

Le stade Jean Dauger va s'enflammer samedi lors du derby basque, qui oppose l'Aviron Bayonnais et le Biarritz Olympique, deux clubs et deux villes si proches et pourtant si différents. Six kilomètres et l'Adour séparent Jean Dauger du stade Aguilera de Biarritz, mais cela suffit à faire de l'Aviron et du BO deux frères ennemis, qui revendiquent chacun à leur tour la suprématie dans l'Ovalie basque. Les clichés ont la vie dure et, même en 2010, un derby basque est pour certains nostalgiques une opposition entre le "peuple" de Bayonne et les "riches" de Biarritz. Pour le président bayonnais, Francis Salagoïty, "Bayonne est plus citadine, Biarritz est plus bourgeoise. Aujourd'hui on ne peut plus parler d'opposition, mais il reste l'identité. Et, si je dois être chauvin, autant rappeler que Bayonne est la capitale du Pays Basque". Son homologue biarrot, Serge Blanco, rétorque qu'"on peut se situer sur la même longueur d'onde en terme de bourgeoisie. Il y a un côté populaire à Bayonne, mais quand les gens viennent à Biarritz, l'image qu'on leur a donnée de la ville et du club est vite mise à mal car il y a un esprit tout autour du BO et beaucoup de convivialité". Les deux présidents ont en commun d'avoir tiré leur club vers le haut, même si l'Aviron n'a sauvé sa place dans l'élite cette saison que grâce au retrait de Montauban pour raisons financières. Salagoïty: "Ce qui compte aussi ce sont nos 10 000 socios" Bayonne est historiquement le premier grand club du Pays Basque. L'Aviron a remporté son premier titre de champion en 1913 puis un deuxième en 1934 en battant... Biarritz en finale. Le premier Bouclier de Brennus du BO date de l'année suivante. Le deuxième est venu en 1939. Depuis cette date, l'Aviron n'a remporté qu'un titre, en 1943, Biarritz a pris l'ascendant avec trois Brennus en 2002, 2005 et 2006. La rivalité sportive permanente a parfois tourné au vinaigre. Du côté de Biarritz, certains n'ont pas oublié qu'en 1994, c'est Bayonne, en venant s'imposer chez son voisin, qui avait envoyé le BO à l'étage au-dessous et, surtout, que les "ciel et blanc" avaient dansé sur la pelouse d'Aguilera. Un an plus tard, Biarritz remontait, mais c'est Bayonne qui descendait et restait aux oubliettes durant presque une décennie. Depuis cette époque les deux clubs, Serge Blanco et Francis Salagoïty ont trouvé des sponsors de poids, Serge Kempf, patron de Cap Gémini à Biarritz, plus récemment Alain Afflelou à Bayonne, mais l'Aviron a élargi l'assise avec 88 actionnaires. "Aujourd'hui, lors des après-matches nous avons 1 400 à 1 500 personnes pour le repas des partenaires et de leurs invités, mais ce qui compte aussi ce sont nos 10 000 socios", souligne le président bayonnais, qui annonce un budget de 15,5 millions d'euros, presqu'autant que le BO et ses 16 millions. "Nous avons 7 000 abonnés et 465 partenaires", fait valoir Serge Blanco. Alors qu'Aguilera peut accueillir jusqu'à 13 400 fidèles, Jean Dauger s'enorgueillit d'évoluer bien souvent à guichets fermés devant 16 970 spectateurs. La rivalité entre les deux clubs existe aussi au niveau de l'identité basque. Les supporters du BO font ainsi valoir que "Vino Griego", hymne de leurs rivaux, n'est qu'un "chant allemand" arrivé dans les ferias via le Portugal et un touriste allemand et récupéré par l'Aviron. Les deux clubs se partagent les emblèmes basques, la croix (Lauburu) sur le maillot de l'Aviron, le drapeau (Ikurriña) sur celui du BO, qui a fait enrager les Bayonnais en ajoutant à son nom la référence au Pays Basque. Histoire d'Y C'est ainsi que le 29 avril 2006, jour de derby à Aguilera, des Bayonnais avaient enlevé dans la nuit le "Y" sur la façade du stade transformant "Biarritz Olympique Pays Basque" en "Biarritz Olympique Pas Basque". L'anecdote dit qu'un dirigeant biarrot avait porté plainte "contre X" pour "Y" volé. "Le derby, c'est un match sous haute pression. Celui qui gagne, pendant six mois, on n'entend que lui, celui qui perd, il passe son temps à recoller les morceaux", dit Jean-Michel Gonzalez, actuel entraîneur de Biarritz, natif de Bayonne et qui porta le maillot des deux clubs. Cette citation termine un livre "Derby basque, histoire des frères ennemis" que viennent de publier Jean-Louis Berho et l'archiviste José Urquidi aux Editions universelles. Jean-Louis Berho, speaker du stade Aguilera depuis 27 saisons, sait de quoi il parle. "Je ne vais jamais au derby à Bayonne et je pense qu'il y a de moins en moins de Bayonnais qui viennent à Biarritz. On le vend comme une fête, mais ça n'en est pas une", dit-il en soulignant cependant qu'il n'y a jamais de débordements. Brûlant, mais correct !