Un Lion sans griffes ?

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Guillaume BARDOU Br De Sports.fr , modifié à
Peugeot a perdu les 24 heures du Mans face à Audi, pour la quatrième fois en cinq ans. Et l'écart incroyablement faible entre la R18 vainqueur et la 908 n°9, 13 secondes, ne masque pas les nombreuses raisons d'un échec bien différent du fiasco de l'an passé. Autopsie d'une défaite cruelle, dans une édition entrée dans la légende de l'épreuve mancelle.

Peugeot a perdu les 24 heures du Mans face à Audi, pour la quatrième fois en cinq ans. Et l'écart incroyablement faible entre la R18 vainqueur et la 908 n°9 (13 secondes) ne masque pas les raisons d'un échec différent du fiasco de l'an passé. Autopsie d'une défaite cruelle, dans une édition entrée dans la légende de l'épreuve mancelle. 13"854. Voici l'écart qui sépare Audi de Peugeot à l'arrivée des 24 heures du Mans. Un souffle sur le papier, qui sépare une victoire historique, la dixième d'Audi au Mans (incontestablement la plus belle), d'une quatrième défaite en cinq ans, celle de Peugeot. Pourtant, à y voir plus clair, l'écurie française a perdu pour bien plus que 13 secondes... La fiabilité: Un point fort insuffisant Le fiasco de l'an dernier (abandons des quatre protos, dont trois sur casse moteur) était resté dans toutes les têtes, un vrai traumatisme. Peugeot a donc énormément travaillé sur ce point. Et le résultat est là: les trois nouvelles 908 sont à l'arrivée. "On avait choisi de travailler sur la fiabilité, confirmait dimanche soir Bourdais à l'ACO. L'objectif est rempli, mais il nous manque 13 secondes à l'arrivée." Le seul problème mécanique vécu est venu perturber la marche de la 8, un équipage solide Minassian-Montagny-Sarrazin, y perdant deux tours dimanche après-midi lors de la neutralisation suivant l'accident de McNish. "On a cassé un répartiteur de freins en début de course, expliquera après l'arrivée Franck Montagny à l'ACO. Pour éviter de surchauffer mes freins derrière la voiture de sécurité, j'ai modifié la balance vers l'arrière et au dernier cran de la molette, le câble a cédé." Sinon, Peugeot a tourné comme une horloge... La stratégie: Des neutralisations dévastatrices Peugeot n'a pas su profiter de sa rapide supériorité en nombre, pour harceler l'Audi restante en employant des stratégies décalées. Ou bien, c'était trop tard. Visiblement conscient de disposer d'une voiture un brin moins rapide, le staff technique avait promu la consommation au rang d'obsession, pour gagner le temps grappillé par Audi sur la piste grâce à un arrêt au stand de moins. Bien vu, mais soumis aux aléas de la course. Tout s'est écroulé quand le Lion s'est montré incapable de gérer au mieux les neutralisations de course d'une édition mouvementée, y perdant parfois plus d'une minute sur l'Audi. La cause ? La spécificité du Mans. Long de 13 kilomètres, le circuit impose l'utilisation de plusieurs voitures de sécurité et donc la formation de plusieurs "pelotons". Quand on en rate un à la sortie d'un arrêt au stand, on est contraint d'attendre le suivant, y perdant parfois de précieuses secondes, voire minutes. Les 908 se sont trop souvent retrouvées dans cette situation. Un vrai fiasco stratégique couplé à beaucoup de poisse, la dernière neutralisation permettant à Lotterer de recoller à Bourdais et Gené qui avaient creusé un petit trou... Rageant. Mais, avec trois arrêts de moins que l'Audi, la 908 termine à 13 secondes. Le signe que quelque chose clochait aussi en piste... Les pilotes: L'énigme Lamy Difficile de comprendre pourquoi Pedro Lamy, sur la 908 numéro 9, n'a plus pris le volant après 22 heures samedi, laissant Sébastien Bourdais et Simon Pagenaud mener la chasse 17 heures durant. Déficit de performance ? Le Portugais, sur son dernier relais, a effectivement éprouvé des difficultés à suivre le rythme alors qu'il était à la lutte avec Mike Rockenfeller (Audi n°1), ne pouvant contenir l'Allemand peu avant 22 heures. Mais la pression était au rendez-vous, puisque sa 908 avait filé tout droit à Arnage aux mains de Simon Pagenaud, quelques minutes avant sa prise de relais. Aucune explication n'a été avancée, Lamy se contentant d'un laconique: "L'équipe a décidé que je ne devais pas conduire beaucoup." Pagenaud et Bourdais, admirables, ont mené seul le combat, perdant d'un rien. Un troisième homme performant aurait peut-être pu servir à quelque chose... Wurz, sur la n°7, est lui sorti à Indianapolis le dimanche matin, laissant la n°9 seule à pouvoir inquiéter l'Audi R18: "J'étais en train d'attaquer, j'ai freiné un peu tard et voilà ! Je suis déçu, déplore l'Autrichien dans un communiqué. C'est ma première erreur depuis 2008. Faire une faute à un moment crucial de la course, ça fait mal, mais c'est la vie !" Les réglages: Une 908 trop irrégulière La nouvelle 908 n'était pas aussi régulière que les dernières évolutions de son ainée. Comme en 2008, Peugeot a semblé énormément souffrir des changements de conditions de course, sa fenêtre d'exploitation optimale étant trop étroite. Si l'Audi R18 a vu également ses chronos osciller, les pilotes Peugeot ont visiblement eu plus de mal à maintenir une température de pneus idoine. "Quand on est passé en pneus tendres la nuit, tout s'est mis à bien fonctionner, indique Bourdais sur le site de l'ACO. Si nous avions fait toute la course de nuit, ça n'aurait pas été plus mal pour nous. On n'a pas réussi à faire fonctionner la voiture en pneus "mediums", alors qu'elle fonctionnait très bien en tendres." Hélas pour le Lion, la nuit du Mans, si longue soit-elle, ne couvre que neuf heures de course au mieux, tronquées en plus par plus de deux heures de neutralisation suite au crash de Rockenfeller. Ou quand les déboires d'Audi profitent au final à... Audi. Il a en tout cas manqué un peu de performance aux Peugeot, rapides en vitesse de pointe mais moins à l'aise qu'Audi sur les parties sinueuses des virages Porsche. De là à dire que la R18 s'est mieux adaptée que la 908 au changement de règlement, qui favorise la performance aérodynamique à celle du moteur (point fort de la précédente 908)... Le bilan à Vélizy s'annonce dur à vivre. Car Peugeot est reparti pour un an de consolations. Le championnat ILMC, qu'il mène encore plus après Le Mans, étant désormais l'objectif.