Trinh-Duc: "Ecrire l'histoire"

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Propos recueillis par SYLVAIN LABBE, envoyé spécial , modifié à
Au pays, où les demis sont toujours en sursis, François Trinh-Duc a bénéficié durant 4 ans d'un statut privilégié pour s'installer au poste de n°10 dans la peau du stratège de l'équipe de France capable d'emmener les Bleus vers le titre suprême en Coupe du monde. A 24 ans, conscient de sa chance, le Montpelliérain s'affirme dans son jeu comme auprès de ses partenaires, disponible et ouvert.

Au pays, où les demis sont toujours en sursis, François Trinh-Duc a bénéficié durant 4 ans d'un statut privilégié pour s'installer au poste de n°10 dans la peau du stratège de l'équipe de France capable d'emmener les Bleus vers le titre suprême en Coupe du monde. A 24 ans, conscient de sa chance, le Montpelliérain s'affirme dans son jeu comme auprès de ses partenaires, disponible et ouvert. François, ne doit-on pas finir par vous considérer désormais comme le papa du centre de l'équipe de France au milieu d'un nouveau n°8, d'un n°9 qu'on n'a pas toujours vu en bleu et d'un nouveau n°12 ? (rires) Papa, je ne sais pas. C'est la première Coupe du monde, c'est un nouvel évènement pour moi. Si j'ai pris du poids dans cette équipe ? Non, j'en ai plutôt perdu durant la préparation (sourires). En France, le mal français est de ne pas savoir installer les charnières, estimez-vous avoir été placé durant ces quatre ans dans les meilleures conditions pour aborder cette compétition ? Oui parce qu'on m'a fait confiance au début, lorsque je n'avais pas forcément ma place de titulaire. On m'a laissé en place et on m'a donné du temps pour avoir de la confiance et de l'expérience. Tout le monde n'a pas eu cette chance. Peut-être qu'en 2008, je n'étais pas le meilleur n°10 français, mais peut-être que sur le long terme, on voyait en moi un potentiel. Au fur et à mesure, j'ai progressé. Je reconnais avoir eu de la chance. En tout cas, je me sens plus légitime qu'en 2008. C'est une chance que d'avoir pu participer à autant de matches. Oui, je pense avoir pas mal progressé depuis quatre ans et je suis content que ça aboutisse aujourd'hui sur cette participation à la Coupe du monde. Mais maintenant, je n'ai pas seulement envie de participer, j'ai envie d'écrire l'histoire de l'équipe de France à travers cette Coupe du monde. Etes-vous conscient d'avoir pris une autre dimension à l'occasion des deux matches de préparation face à l'Irlande en déployant un jeu complet, tant au pied qu'à la main ? Oui, ça s'est bien passé, même si je suis passé en douze à Bordeaux, à un poste où je n'avais pas trop mes repères. Je me suis bien senti, avec pas mal de préparation, même au niveau du collectif et du ressenti dans l'animation, dans l'alternance du jeu au pied, du jeu à la main. Aussi marquer des points dans les moments plutôt difficiles, oui, c'était plutôt une bonne préparation. "Le grain de folie qu'a Cooper ou la justesse de Carter " Comment vous situez-vous physiquement, techniquement et tactiquement par rapport aux demis d'ouverture des quatre autres nations majeures ? Il faudra voir en fonction des premiers matches et des matches importants. Chacun a sa philosophie de jeu, son collectif... Le grain de folie qu'a Cooper ou la justesse de Carter, ce sont deux choses différentes, mais que j'admire autant l'une que l'autre. Sans parler de votre entraîneur en club, n'avez-vous pas l'impression que le projet de jeu de l'équipe de France est aujourd'hui plus lisible pour tout le monde ? Ça peut également jouer ? Oui, surtout à mon poste, où on a besoin que tout soit plutôt carré, en tout organisé. Ces deux mois de préparation nous ont bien aidés à clarifier et à arrêter certaines positions. Ce projet de jeu, diriez-vous que vous en êtes aujourd'hui seulement l'interprète, ou par extension également l'auteur-compositeur ? On échange, il y a des choses proposés, mais après on se réunit, on ajuste et on compare. Chacun a un ressenti et préfère l'adapter à chacun. Mais on a quand même le droit de regarder et d'échanger, même là avant le Japon, voir comment on allait les joueur et comment eux ils jouent. Même s'il est vrai que j'ai été étonné de voir que j'avais si peu de titularisations avec Yach'. D'une certaine façon, l'heure est venue pour vous de rendre à Marc Lièvremont la confiance qu'il vous a accordée il y a de cela quatre ans. Qu'allez-vous lui donner ? Tout simplement prendre un peu plus les choses en mains, comme on l'a fait avec Dimitri pour cette préparation du Japon, faire des vidéos ensemble, échanger, éclaircir les choses pour le présenter, si nécessaire sur papier, s'il le faut aux joueurs. J'avais l'habitude de la faire pour moi-même à l'occasion des matches de l'équipe de France, là, cette semaine, certains m'ont dit que ce serait sympa de le faire pour tout monde. On la fait avec Yach' et j'espère que ça va servir. "Moi, ma priorité, c'est la victoire" C'est la marque d'un cadre de l'équipe, non ? Cadre, non, mais comme n°10 et dans un rôle de charnière ; je ne sais pas si les charnières sont de cadres, mais je prends ce rôle pendant le match, mais aussi avant pour la préparation parce que, je le répète, quand on est sur le terrain, au final, les choix nous reviennent. Thierry Dusautoir dit lui-même que vous communiquez plus tous les deux qu'il y a encore seulement un an ou deux... Oui, on échange, je dis plus à « Titi » mes craintes ou mes choix. On se connaît tous beaucoup mieux. Je force un peu mon talent parce que ce n'est pas forcément naturel de m'imposer comme ça, mais en tout cas j'y travaille. L'objectif samedi, c'est la victoire... et la manière, ou simplement la victoire ? Marc Lièvremont vous a réclamés de marquer votre territoire dès ce premier match... Non, moi, c'est la victoire, ce serait déjà bien parce que j'ai été agréablement surpris par le jeu japonais, un jeu très ouvert, porté sur la vitesse, le déplacement, il y a très peu de jeu en frontal, donc il ne va pas falloir se tromper et faire un match plein et ouvert. Ce serait la cerise sur le gâteau qu'on gagne et que le jeu soit parfait, mais on est là pour gagner le maximum de matches, à commencer par le premier. Je n'ai pas pour habitude de prendre les adversaires de haut, encore plus une équipe joueuse comme celle-ci. Si d'entrée, on les laisse jouer et on les subit, ça peut être très difficile. Il faut les respecter d'autant plus avec un entraîneur comme John Kirwan, qui est tout de même plutôt réfléchi au niveau du rugby et plutôt rigoureux. D'abord, ce sera plutôt pragmatique, ce qui fait la force notamment des équipes qui ont gagné les dernières Coupes du monde, telles que l'Angleterre ou l'Afrique du Sud. Ce n'est peut-être pas forcément notre référence, mais on a quand même envie de gagner une Coupe du monde comme eux. Si bien sûr, on peut envoyer du jeu, faire des actions longues et marquer des essais de cent mètres, je signe de suite, mais, moi, ma priorité, c'est la victoire.