Richard: "Pas à calculer"

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Propos recueillis par AXEL CAPRON , modifié à
C'est en leader du World Match racing Tour, le Championnat du monde de match-race, que Mathieu Richard attaque cette semaine l'ultime épreuve de la saison, la Monsoon Cup en Malaisie. Fort de 15 et 17 points d'avance sur le tenant du titre, le Néo-Zélandais Adam Minoprio, et le Britannique Ben Ainslie, le Nantais sera sacré champion du monde s'il atteint la finale, il succèderait ainsi à Bertrand Pacé, seul Français titré, en 2000.

C'est en leader du World Match racing Tour, le Championnat du monde de match-race, que Mathieu Richard attaque cette semaine l'ultime épreuve de la saison, la Monsoon Cup en Malaisie. Fort de 15 et 17 points d'avance sur le tenant du titre, le Néo-Zélandais Adam Minoprio, et le Britannique Ben Ainslie, le Nantais sera sacré champion du monde s'il atteint la finale, il succèderait ainsi à Bertrand Pacé, seul Français titré, en 2000. Comment avez-vous préparé cette finale de la saison ? On a fait une préparation qui ressemble à ce qu'on fait d'habitude, avec peut-être encore plus d'application car le titre de champion du monde est en jeu. D'abord en France sur notre plan d'eau de La Baule avec l'équipage de Damien Iehl. On a beaucoup travaillé sur la vidéo, ce qu'on ne faisait pas forcément avant, on a étudié toutes les vidéos de l'année dernière, ça s'est avéré instructif. On a aussi travaillé sur le mental avec nos entraîneurs, histoire d'être bien ensemble. Enfin, en plus de nos navigations à La Baule, on a été faire une régate la semaine dernière à Perth, en Australie, pour se mettre vraiment dans le bain. C'était une sorte de répétition générale, avec le même décalage horaire que la Malaisie, le même bateau qu'on aura sur la Monsoon Cup, un Fondation 36. On a été sortis en quarts de finale 3-2 par le Néo-Zélandais Robertson, qui a gagné l'épreuve, mais le résultat n'était pas vraiment l'objectif, c'était à la limite presque bien de se faire sortir à ce stade de la compétition parce qu'on avait suffisamment de navigation dans les pattes. Donc ça a été une très bonne préparation, on se sent bien préparés et concentrés sur l'objectif. Avez-vous sorti les calculettes en vue de cette ultime épreuve de la saison ou essayez-vous de faire abstraction de ces «comptes d'apothicaire» ? On a sorti les calculettes, bien sûr, c'est naturel de le faire juste avant la finale, mais on les a vite rangées car on n'est pas vraiment en position de calculer. Derrière nous, il y a deux équipes tout près, à 15 et 17 points. Et comme la compétition est dotée d'un coefficient 1,5, le vainqueur prendra 38 points, ce qui signifie que si l'un des deux s'impose, notre seul moyen d'être champions, c'est d'atteindre la finale. Autant dire qu'il n'y a pas vraiment à calculer. Après votre victoire début septembre Saint-Moritz, vous possédiez une avance de 24 points sur votre poursuivant immédiat, elle est désormais de 15, la pression s'est-elle fait sentir ? Non, parce qu'après Saint-Moritz, on fait une bonne troisième place au Danemark, ça nous a quand même permis de gagner des points, même si on en a perdu sur Adam Minoprio qui a gagné là-bas. C'est ensuite aux Bermudes qu'on fait une contre-performance, mais le seul moyen de gagner des points là-bas, c'était d'aller en finale (le classement prend en compte les cinq meilleurs résultats de l'année ainsi que la Moonsoon Cup, les cinq meilleurs résultats de Mathieu Richard étant trois victoires et deux troisièmes places, ndlr). Donc ne pas marquer là-bas n'était pas dramatique et ce n'est en tout cas pas à cause d'une quelconque pression. La pression, c'est sûr qu'on l'a, mais c'est naturel quand on se bat pour le titre de champion du monde, ce n'est pas nouveau. "Une saison très aboutie" Ce titre, c'est votre Graal ? C'est clair qu'on espère le gagner. Ce n'est pas une obsession, mais c'est ça qui nous motive, c'est évidemment notre objectif, une forme de consécration qui nous fait avancer. Quoi qu'il arrive cette semaine, cette saison aura-t-elle été la plus aboutie pour vous ? On ne va pas faire le bilan avant la finale, mais c'est effectivement une super saison avec cinq podiums dont trois victoires, c'est vraiment top. Je crois que ce n'est jamais arrivé depuis que le World Match Racing Tour existe qu'une équipe ait gagné trois fois avant la finale. Donc, c'est une saison très aboutie, je pense que dans la manière, on a franchi un cap, même si on n'est jamais à l'abri d'une contre-performance, ce qui est le propre du match-race. Comment jugez-vous le plan d'eau de la Monsoon Cup ? Il est très particulier. D'abord parce que le lieu est assez exotique, ça change évidemment beaucoup des sites européens sur lesquels on court, c'est sympa, très dépaysant. Ensuite, parce que comme c'est à l'époque de la Mousson, d'où le nom de Monsoon Cup, il y a beaucoup de pluie. Enfin parce que le plan d'eau est situé à l'embouchure d'une rivière, avec beaucoup de courants. L'appréhension des courants est vraiment le point clé de la navigation, ça fait partie de la tactique de jouer avec. Au niveau du vent, c'est en général rarement du gros temps, plutôt du médium de force 1 à 3. Ça vous convient ? Disons qu'on s'adapte, il faut être polyvalent et être performant dans tous les types de conditions, mais on a la réputation d'être forts dans le petit temps. On a fait une finale ici, en 2006 lors de notre première année, depuis, ça ne nous a pas trop souri, même si on souvent fait de bons Round Robin (deux tours de poules de qualifications avant les quarts de finales, ndlr). Donc on sait qu'on peut gagner ici, on ne fait pas de complexes. "La Coupe de l'America, l'objectif annoncé" A l'issue de cette Monsoon Cup, sera connu le marin français de l'année 2010, pour lequel vous concourez si vous gagnez, serait-ce aussi une forme de consécration pour vous ? Au risque de passer pour pas politiquement correct, ce n'est pas très important, ce n'est pas ça qui me fait marcher. On cherche avant tout les résultats sportifs. Après, s'il y a cette distinction honorifique, on sera content. Votre discipline est peu médiatisée en France, souffrez-vous de ce relatif anonymat par rapport à la course au large ? Non, je ne suis pas frustré par ça. La course au large, surtout en solitaire, est médiatisée en France, j'en suis moi-même un fervent passionné. Si ma spécialité l'est moins, tant pis, ce qui m'intéresse, c'est de disputer une compétition de top niveau mondial. Le match-race féminin sera olympique à Londres, pas son équivalent masculin, est-ce un regret de ne pas disputer les Jeux ? Un petit regret, oui. Les Jeux, c'est quand même super intéressant et ça aurait pu être un objectif d'aller chercher une médaille, mais bon, comme je vous l'ai dit, ça ne m'empêche pas de naviguer à un très haut niveau. Naviguer à un très haut niveau en match-race, c'est aussi la Coupe de l'America, le fait qu'elle se dispute désormais en multicoque risque-t-il de vous en fermer les portes ? Je ne pense pas, même si c'est vrai que la valeur sportive d'une équipe de match-race en monocoque en prend un coup, ce seront peut-être des compétences moins valorisées et moins recherchées. Mais ça reste quand même du match-race de très haut niveau, donc l'habitude de régater à très haut niveau est selon moi transférable sur n'importe quel support. On vous sait proche de Loïck Peyron, qui tente de mettre sur pied un défi français, ça vous intéresse ? Oui, on aimerait bien évoluer vers la Coupe, c'est un objectif annoncé, même sur multicoque. Si on avait une opportunité d'aller sur la Coupe de l'America après avoir décroché le titre en 2010, ce serait génial ! J'ai commencé le match-race avec Loïck en Class 8, j'ai aussi fait du Mumm 30 avec lui sur le Tour de France, il pense la même chose que nous, j'espère qu'il réussira à mener à bien son projet. Et le large, ça vous intéresse ? J'en ai fait un peu sur le Tour de France, du «mini large», ça me plaît, mais ce n'est pas à l'ordre du jour.