Qu'ont-ils fait du Grand Chelem ?

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S.L., envoyé spécial , modifié à
En 2010, l'équipe de France construisait le 9e Grand Chelem de son histoire sur les fondamentaux que sont la défense et la mêlée. Dix-huit mois plus tard et ces deux atouts majeurs du jeu tricolore, censés permettre aux Bleus de poser les bases de leur succès en Coupe du monde, sont en souffrance. Pour Yann Delaigue, notre consultant, la France n'a de toute façon aucun intérêt à se replier sur un jeu restrictif. "C'est un rugby complet qui gagne."

En 2010, l'équipe de France construisait le 9e Grand Chelem de son histoire sur les fondamentaux que sont la défense et la mêlée. Dix-huit mois plus tard et ces deux atouts majeurs du jeu tricolore, censés permettre aux Bleus de poser les bases de leur succès en Coupe du monde, sont en souffrance. Pour Yann Delaigue, notre consultant, la France n'a de toute façon aucun intérêt à se replier sur un jeu restrictif. "C'est un rugby complet qui gagne." David Ellis a la moustache en berne. Le spécialiste de la défense au sein du staff de l'équipe de France est tombé de haut devant la faillite de ses joueurs dans son secteur face aux All Blacks. Celui qui depuis plus de dix ans pose les barbelés chez les Bleus a eu du mal à reconnaître ses joueurs, transpercés par les Blacks sur "des erreurs de benjamins", dixit Marc Lièvremont. Au final, cinq essais concédés, qui s'ajoutent aux trois déjà offerts aux Japonais et au Canadiens, mais surtout la statistique à faire peur : 27 plaquages ratés (là, où la moyenne des Bleus se situe à moins de 10), comme un affront pour Ellis. "Pendant dix, onze minutes en première mi-temps, je n'étais pas content du tout. Mais je ne suis pas le seul. Les joueurs aussi n'étaient pas contents de leur comportement. [...] Je connais ce groupe de joueurs, ils ont bien défendu contre le pays de Galles lors du Tournoi des six nations en 2010. C'est un groupe qui est capable de faire un gros match comme en 2009 avec deux rencontres contre les All Blacks dont une gagnée à Dunedin. J'attends une grosse réponse contre les Tonga ce week-end." La référence au Tournoi 2010, conclu sur un Grand Chelem, ramène les Bleus à une sorte de paradis perdu qu'il apparaît aujourd'hui bien tentant d'exhumer. A force de courir après ce fameux projet de jeu hypothétique, prôné par le staff, n'a-t-on pas perdu de vue l'essentiel et délaissé ces acquis, dont cette défense de fer, devenue une marque de fabrique... "On ne l'a pas délaissé parce qu'on l'a travaillé toutes les semaines", assure Julien Bonnaire. "C'est un problème d'organisation et de communication. C'étaient nos points forts, on se basait beaucoup là-dessus. On ne peut pas avoir tout perdu d'un coup...". Un rugby dépassé Pourtant, pour Marc Lièvremont, qui n'a pas perdu l'espoir de voir enfin son équipe produire le match abouti, dont il rêve, on poursuit là des chimères... Pour le sélectionneur des Bleus, le rugby restrictif de cet hiver 2010, qui avait permis aux Bleus de monter sur le toit de l'Europe, est dépassé et n'offre aucune perspective à son équipe dans cette Coupe du monde. "Dépassé... Si tu ne prends pas d'essai, t'arrives à tenir quand même les matches, même si tu ne fais pas de jeu, répond Bonnaire. Les Anglais ont été champions du monde comme ça aussi. C'est déjà la base de notre sport, avant de penser au jeu, c'est le plus important pour avoir des ballons propres à lancer et se procurer des occasions" Une divergence de point de vue clairement exprimée, qui pose question. Entre l'ambition, si peu assouvie, de la part de Lièvremont, d'un jeu riche et complet qu'il serait illusoire de chercher encore à vouloir faire émerger et la tentation d'un repli sur un tronc commun, basé sur des acquis, sans doute plus modeste, mais réaliste quant aux moyens actuels de cette équipe de France, il y a un débat que les Bleus doivent trancher. En auront-ils seulement l'opportunité ? La prendront-ils de leur propre initiative ? Les questions, décisives pour leur avenir dans la compétition, se posent dès maintenant... L'avis du consultant (Yann DELAIGUE): "Le Grand Chelem 2010, c'est du passé. C'est peut-être une belle victoire, mais il faut ranger le trophée. Le rugby en deux ans a tellement évolué, l'arbitrage aussi a évolué, les équipes offensives sont désormais plus récompensées. On ne doit surtout pas se mettre en tête de revenir à un jeu plus restrictif, non seulement, on s'emmerderait, mais en plus on se tromperait de voie." "Une bonne défense, on est d'accord, c'est une des bases du rugby, mais on parle d'un Tournoi des Six Nations, où l'on joue face à des Britanniques, sur un rythme que l'on maîtrise. Là, ce n'est pas le même rythme, on ne peut pas comparer avec un match face aux Blacks tout simplement parce que ça va dix fois plus vite. Au moment où tu lèves la tête du ruck, Carter est déjà sur toi, tu n'a pas le temps de défendre. C'est sur la vitesse d'exécution qu'on est pris par les Blacks. Simplement, alors qu'eux évoluent à fond de cinquième, toi, tu passes en troisième... Ce n'est pas qu'on ne fait pas l'effort en défense, on est surtout pris par le rythme des Blacks. Aujourd'hui, ne nous leurrons pas, c'est un rugby complet qui gagne."