Pioline: "Il faut s'en servir"

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Propos recueillis par François TESSON et Morgan BESA Br De Sports.fr , modifié à
A trois jours du début de Roland-Garros, Cédric Pioline nous fait part de ses attentes concernant la quinzaine. L'ancien n°5 mondial, qui participera au Trophée des Légendes, estime que les joueurs français doivent profiter du soutien du public pour se sublimer, et revient également sur la rivalité naissante entre Rafael Nadal et Novak Djokovic.

A trois jours du début de Roland-Garros, Cédric Pioline nous fait part de ses attentes concernant la quinzaine. L'ancien n°5 mondial, qui participera au Trophée des Légendes, estime que les joueurs français doivent profiter du soutien du public pour se sublimer, et revient également sur la rivalité naissante entre Rafael Nadal et Novak Djokovic. Cédric, on a pu vous voir taper la balle en plein Paris avec Mansour Bahrami pour le Trophée des Légendes Perrier (1er au 5 juin 2011). Racontez-nous... Ca a été un grand moment, une expérience. J'ai été ravi de le faire avec Mansour. On est également très content que Perrier, qui est un partenaire historique de Roland-Garros, se joigne à l'aventure. Pour cette vidéo, de tous les échos que j'ai eus, le résultat est plutôt pas mal. Quel place a cette compétition dans Roland-Garros? C'est quelque chose qui s'est installé dans le temps. Les gens sont contents de venir nous voir jouer. Je pense que c'est quelque chose qui marche parce qu'on est un complément au grand tournoi. On a un petit côté un petit peu décalé, moins dans la compétition -même si on a envie de gagner-, mais il y a beaucoup de plaisir et ce côté nostalgie qui fait que les gens ont envie de venir nous voir. Est-ce comme un virus du tennis que vous n'avez pas perdu et que vous souhaitez continuer à transmettre? Totalement. On aborde ça différemment, on n'a plus la pression qu'on avait avant quand on jouait, quand il fallait avancer dans le tableau. Bien entendu qu'on a toujours envie de l'emporter, mais il y a beaucoup plus ce mélange entre compétition, décontraction et plaisir. En parlant de pression, comment sentez-vous les joueurs français avant d'aborder ce Roland-Garros? On n'a pas beaucoup de repères. Ils ont très peu joué, ou quand ils ont joué, ils n'ont pas forcément très bien joué. Gaël Monfils, le n°1 Français, n'a pour ainsi dire pas joué sur terre battue. Maintenant, ce qui est intéressant, c'est qu'ils seront plusieurs à être têtes de série. Ils seront un petit peu protégés, et on espère que, le tournoi avançant, ils vont monter en puissance. Quand on regarde le classement, on est loin d'être ridicules. Avant Roland-Garros, on entend souvent reparler de Yannick Noah, de la dernière victoire française en 1983. C'est fatigant pour les joueurs? Non, je crois que c'est une superbe référence, d'avoir un Français qui a gagné Roland-Garros, qui est resté longtemps dans les 10 premiers. Par la suite, il y a eu des joueurs qui ont fait de très gros résultats en Grand Chelem, même s'il n'y a pas eu la victoire. Toute performance est battue un jour où l'autre. Ça viendra, même si c'est vrai que ça fait longtemps. "Une occasion unique" Vous-même cela ne vous "gonflait" pas quand vous étiez sur le circuit? Pas du tout. Tout d'abord, j'ai été très content de ce que j'ai fait, de ces deux finales en Grand Chelem (US Open 1993, Wimbledon 1997, les deux fois contre Pete Sampras). Évidemment j'aurais préféré soulever la coupe et on aurait peut-être dit Noah 83 et Pioline 93. Ça fait partie du jeu. Cette pression pèse-t-elle toujours sur les joueurs actuels? Il faut le prendre différemment, se dire que c'est une chose extraordinaire d'avoir un Grand Chelem en France, d'avoir le public qui est là et qui par définition est pour le Français qui est sur le court. Il faut s'en servir. C'est fantastique de se dire qu'on va avoir le public derrière soi, qu'on va vibrer, et qu'on va les faire vibrer. Je dirais plus que c'est une énergie qui est là, et qu'on peut la prendre comme une pression ou comme un booster. Un joueur comme Llodra, le reste de l'année, n'est pas forcement amené à jouer tout le temps sur les grands courts, là c'est une occasion un peu unique. On parle de Llodra, il faudrait du gazon à Roland-Garros pour que les Français réussissent? (rires) C'est vrai que la terre battue n'est pas la surface où les Français, de par leurs jeux, s'expriment le mieux. Qu'est-ce que vous pensez du choix de Jo-Wilfried Tsonga de se séparer d'Eric Winogradsky pour, comme il le dit, être plus libre? S'ils ont pris cette décision, c'est qu'ils devaient sentir qu'ils arrivaient au bout de ce qu'ils pouvaient faire ensemble, au bout d'un cycle. Cela faisait sept ans qu'ils travaillaient ensemble, ce qui est assez long dans le monde du tennis. C'est leur ressenti. Mais ce n'est qu'une solution temporaire, en attendant de trouver une personne qui lui convienne. Ce n'est pas avoir un coach pour avoir un coach. Qu'apporte un coach au quotidien? Plein de choses, que ce soit dans le suivi du travail ou surtout dans la vision que peut avoir un coach pour développer le jeu de son joueur. Tsonga est un joueur qui est intéressant. Il est puissant, il sait faire des coups gagnants, qui a été déjà dans les dix premiers, finaliste de Grand Chelem (Australie 2008). Il a un potentiel certain, mais le circuit est hyper concurrentiel. Il faut être tout le temps présent, tout le temps progresser. C'est là où avoir un coach présente un avantage. "Federer a fait progresser le jeu" La finale de Grand Chelem de Tsonga, c'était contre Novak Djokovic. Ça peut laisser des regrets au niveau du potentiel... C'est toujours délicat de comparer deux joueurs en matière de potentiel. Quand Tsonga est arrivé en finale contre Djokovic, Djokovic était déjà là depuis un peu plus longtemps. Il avait pris de l'avance. Malheureusement, Jo a été aussi handicapé par des blessures. Il s'est arrêté, il a été opéré... Cela occasionne toujours un petit coup d'arrêt. Par contre, son potentiel, il est là. C'est maintenant, à son âge (26 ans), qu'il doit se faire un plan sur les 4-5 prochaines années afin d'exploiter au maximum son potentiel. Par contre, je ne pense pas que la terre battue soit la surface où son jeu s'exprimera le mieux. Jo est un puncheur, et sur terre, faire le point en 2-3 frappes est plus compliqué. Et puis il a un physique qui est assez massif, ce qui demande plus d'efforts dans les déplacements. On rentre dans une filière plus longue, et ce n'est pas son naturel. Novak Djokovic vient de battre deux fois Rafael Nadal, sur terre battue, à Madrid et à Rome. C'était inimaginable? C'est extraordinaire. Nadal a très peu perdu sur terre ces dernières années. C'est quand même une surprise. Je n'irais pas jusqu'à dire que Djokovic est devenu le "boss" sur terre battue, mais en tout cas il a marqué les esprits. Il se positionne de plus en plus fortement dans la course à la place de n°1 mondial, mais aussi comme favori de Roland-Garros. Est-ce qu'il montre aux autres joueurs que Nadal est finalement prenable sur terre? Oui sauf que derrière lui il n'y en pas beaucoup qui peuvent faire ce qu'il vient de faire. C'est bien pour ça qu'il est en bonne position pour devenir n°1 mondial. Mais il a envoyé un signal fort à Nadal en disant: "Moi je suis là". Et Federer? Il me semble un peu derrière. Ces dernières années, il y avait Nadal-Federer, puis Djokovic et aussi Murray derrière. Le phénomène s'est un petit peu inversé. Federer a dominé le tennis pendant pas mal d'années, il était presque injouable. Et maintenant il est un petit peu mois bien, et les autres sont devenus meilleurs. Est-ce que c'est une question d'envie? Je pense que l'envie, il l'a. Mais le jeu a progressé. On peut même dire que Federer a fait progresser le jeu. Il a forcé ses suivants à s'améliorer. Il a dominé pendant plusieurs années. Maintenant, il n'a peut-être plus ce petit pourcentage qui faisait que les matches accrochés, il les gagnait. Mais je pense qu'il peut encore gagner un, voire deux tournois du Grand Chelem.