Pennec: "Ça va être intensif"

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Laurent Duyck , modifié à
Seule équipe 100% française présente sur le circuit, Groupe Edmond de Rothschild jouera le titre en Extreme Sailing Series de mercredi à dimanche à Singapour. Mais Pierre Pennec, qui dispute sa première saison à la barre en Extreme 40, et ses hommes auront fort à faire pour déloger de sa première place Luna Rossa, barré par le tenant du titre, Paul Campbell-James.

Seule équipe 100% française présente sur le circuit, Groupe Edmond de Rothschild jouera le titre en Extreme Sailing Series de mercredi à dimanche à Singapour. Mais Pierre Pennec, qui dispute sa première saison à la barre en Extreme 40, et ses hommes auront fort à faire pour déloger de sa première place Luna Rossa, barré par le tenant du titre, Paul Campbell-James. Pierre, dans quel état d'esprit abordez-vous cette dernière étape de la saison ? De façon concentrée. On ne peut pas dire sereinement, ce n'est pas un mot qui existe en Extreme 40 parce que c'est vraiment chaud et qu'il peut y avoir des rebondissements à tout moment. On peut gagner une manche et casser le bateau en deux sur celle d'après. Donc il faut être concentré de la première à la dernière manche. Quelles seront les conditions sur l'eau lors de ces prochains jours ? On est assez polyvalent, on réussit bien dans tout type de conditions. Mais ce qui nous attend, c'est un vent assez léger, entre cinq et neuf neouds, avec du soleil en début d'après-midi. Il fait 30°C en début d'après-midi, avec un gros taux d'humidité donc on sort de l'hôtel et on est trempé ! Sur l'eau, il faut faire attention à ne pas se déshydrater. Puis, il y a de fortes possibilités d'orage entre 15h30 et 16 heures. Dans ces conditions, le comité de course sera obligé d'annuler les étapes mais il y a toujours une phase de transition entre le moment où le nuage est là et le moment où le vent tourne. Il va donc falloir s'adapter. Ça fera partie du jeu. Après, le parcours est très petit. C'est un plan d'eau douce en pleine ville, avec des buildings autour. Quand les dix bateaux naviguent, il ne reste pas beaucoup de place. Ça va être intensif. Vous restez sur une cinquième place en Espagne qui vous a fait perdre la tête du classement général. Cette contre-performance est-elle évacuée ? Oui, c'est digéré parce qu'on a analysé ce résultat. Jusqu'à la dernière manche, on pouvait encore finir deuxième. Ça se joue sur la dernière manche, donc on n'a pas non plus raté tout ce grand-prix. Ça nous est arrivé d'accrocher un podium sur une dernière manche, là on est passé à côté. Mais, grâce à notre entraîneur, on a analysé nos erreurs et vu ce que l'on pouvait améliorer, notamment nos réglages dans le vent assez faible. C'est plutôt positif parce qu'on a été assez performant mardi à l'entraînement. "Paul Campbell-James aime le match-race, il aime bien venir casser du bateau" Vous êtes à la lutte avec Luna Rossa pour le titre. Quelle sera la tactique à adopter ? Faut-il marquer son adversaire ? Celui qui termine devant l'autre gagne la saison. Donc peut-être qu'avec Luna Rossa, on terminera sixième et septième. L'objectif n'est pas forcément de gagner le grand-prix mais de terminer devant les Italiens. On va beaucoup aller se chercher l'un et l'autre. On oubliera peut-être la trajectoire idéale pour aller gagner une manche et on ira plutôt fermer la porte à notre adversaire direct pour s'assurer de terminer devant lui. Mais Luna Rossa fera pareil. Je pense que dès le premier départ, il viendra nous chercher. Ça risque d'être comme ça du début à la fin. Ce sera à nous de savoir attaquer ou de bien défendre selon les situations. Ça veut que vous aurez constamment un oeil sur Luna Rossa ? Oui. Quatre minutes avant chaque départ, on sera déjà en situation de savoir où on doit se placer sur le plan d'eau, quelle trajectoire nous devons prendre mais aussi où se trouve Luna Rossa, ce qu'il fait, s'il s'occupe de nous ou non. Sachant que, jusqu'à 20 secondes du départ, il peut encore venir nous embêter s'il y a de la place... Ça risque d'être encore plus sportif que sur les autres grand-prix puisqu'il y aura huit autres concurrents qui ne seront pas là pour jouer et un adversaire qui aime bien le match-race, qui aime bien venir casser du bateau, ça ne le dérange pas du tout. Il va y avoir beaucoup d'intensité mais c'est aussi ça que j'aime dans ce sport, ce sont des moments où on se sent vivant, où on est très concentré. Et puis, c'est hyper rassurant d'avoir un équipage à ses côtés qui a déjà vécu des Jeux Olympiques ou la Coupe de l'America. Peut-on comparer ça un combat de boxe, notamment face à Paul Campbell-James qui est un garçon très agressif sur l'eau ? C'est drôle parce que pour le moment, quand on se croire à terre, on se fait de grands sourires, pour bien se montrer que l'on n'a pas peur du tout, et c'est vrai que ça fait un peu penser aux conférences de presse qui précèdent un combat de boxe. Pour l'instant, on se défie du regard. Mais après, sur l'eau, je n'essaierai pas de le défier du regard. Je sais que lui cherche ça mais ce n'est pas mon truc. Ce qui est sûr, c'est que ça va être une belle bagarre. Et j'espère qu'on aura assez de points d'avance sur Luna Rossa avant la dernière manche, qui compte double, parce que jouer la saison sur une manche, c'est un peu dur pour les nerfs. "Je ne vais pas faire le difficile, si on me propose de nouveau la barre de Gitana la saison prochaine, je serai très content" Vous avez fait une belle saison à l'exception d'un trou d'air à Boston et Cowes cet été. Comment l'expliquez-vous ? J'ai un peu trop attaqué à Boston. Artemis et Team New Zealand étaient là et c'étaient peut-être leur dernière régate de l'année en Extreme 40, on ne savait pas trop ce qu'ils allaient faire vu qu'ils partaient en AC45 (le circuit préparatoire à la Coupe de l'America, ndlr). J'avais envie de gagner face à eux avant qu'ils ne partent, d'autant plus que j'avais fini troisième derrière eux à Istanbul juste avant. Du coup, j'ai pris beaucoup de risque et on a pris beaucoup de pénalité. Résultat, on finit cinquième. A Cowes, on a très bien navigué dans la brise, on gagne sept manches mais j'ai encore été un peu trop agressif et ce n'est pas passé à deux reprises. On a cassé le bateau deux fois et fait huit manches de moins que les autres. Ce qui donne une huitième place au classement. Si j'avais un peu plus assuré, si j'avais mis un peu mon orgueil de côté, on aurait aujourd'hui cinq ou six points de plus... C'est ma première saison à la barre en Extreme 40 et je pense que j'ai été un peu trop gourmand par moment. Mais on en a discuté entre nous, on s'est expliqué et surtout on n'a pas baissé les bras. S'il y avait beaucoup de pression à Nice et Trapani, on ne s'est pas raté et on a réussi à être au rendez-vous. Quelle valeur aurait pour vous ce titre si vous mettez la main dessus ? Ce serait vraiment bien pour l'équipage qui le mérite vraiment mais aussi pour la direction de Gitana qui nous soutient, qu'on gagne ou qu'on prenne des gamelles, ils sont derrière nous, souriants, à toujours nous motiver. Mais la saison ne commence qu'aujourd'hui finalement, ces cinq jours vont être très longs... Quoiqu'il arrive, je pense qu'on a vraiment fait de belles choses cette année, on a bien navigué, j'ai appris plein de choses. Ça fait dix ans que je n'avais pas barré, depuis les Jeux Olympiques de Sydney, donc je reprends mes marques. Je ne suis pas encore au niveau qui était le mien quand je barrais en tornado mais j'ai progressé depuis le début de la saison. Si on ne fait « que » deuxième, avec un plateau comme celui-là, ça serait déjà bien. Mais la victoire, c'est jouissif. Et j'aimerais bien rentrer dans l'avion en voyant toute l'équipe avec le sourire jusqu'aux oreilles, ça me ferait bien plaisir. Vos performances cette saison vous ont ouvert les portes de la Coupe de l'America puisque vous étiez le barreur d'Aleph à San Diego. Est-ce la suite logique de votre carrière ? J'ai déjà beaucoup de chance d'être à la barre d'un Extreme 40, quand Gitana me l'a proposé, j'ai sauté au plafond. Je ne vais pas faire le difficile, si on me propose de nouveau la barre de Gitana la saison prochaine, je serai très content. Mais c'est vrai que le bout de la filière en voile, c'est ou le Vendée Globe, ou le tour du monde en équipage ou la Coupe de l'America. Il y a une évolution technologique sur la Coupe de l'America et c'était très intéressant d'avoir eu l'occasion de prendre la barre de ces bateaux, surtout face à des mecs qui sont capables de couper une ligne de départ à la seconde et lancés... On a vu que sur un circuit comme l'Extreme 40, à armes égales et avec le même jour d'entraîneur, c'était possible de les battre. En AC45, c'est plus compliqué, il faut trouver les moyens de s'entraîner, éventuellement avoir un deuxième bateau, donc ce n'est pas les mêmes budgets... C'est sûr que j'aimerais bien y retourner mais c'est compliqué... La continuité d'Aleph dépend de son financement et pour l'instant, je pense pas qu'il y ait un budget pour...