Nélias: "Gommer cette ardoise"

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Laurent Duyck , modifié à
Navigateur sur Groupama 4, c'est-à-dire qu'il fixe les choix de route avec le skipper Franck Cammas, Jean-Luc Nélias revient sur la première étape de la Volvo Ocean Race qui a vu l'équipage français suivre une option coûteuse le long des côtes africaines. Avant le départ de la 2e étape dimanche, le Breton insiste surtout sur la fiabilité affichée par le bateau et rappelle que la régularité sera l'une des clés de la course.

Navigateur sur Groupama 4, c'est-à-dire qu'il fixe les choix de route avec le skipper Franck Cammas, Jean-Luc Nélias revient sur la première étape de la Volvo Ocean Race qui a vu l'équipage français suivre une option coûteuse le long des côtes africaines. Avant le départ de la 2e étape dimanche, le Breton insiste surtout sur la fiabilité affichée par le bateau et rappelle que la régularité sera l'une des clés de la course. Jean-Luc, vous avez eu quatre-cinq jours de repos au terme de la première étape. Est-ce un minimum ? Ouais, je pense que c'est un minimum (sourires), parce qu'on a quand même fait trois semaines de mer... Certes, ça n'a pas été très physique ni intense au niveau du stress parce qu'on était loin des deux premiers, donc le challenge pour nous c'était d'arriver troisièmes. En plus, on a terminé par du petit temps, donc en bilan de forme, on était bien, on n'a pas perdu trop de poids, on a plutôt bien géré cette étape-là. Mais ces cinq jours nous ont permis de s'oxygéner. Et comme on n'avait que cinq jours pour récupérer, je crois qu'on s'était préparés à ça. Donc là, on est au top ! Comment faut-il lire le résultat de cette première étape: troisième sur six ou dernier des trois bateaux à l'arrivée ? Dernier, c'est peut-être beaucoup... Depuis un an et demi, on sait que la course se joue aussi sur la technique. On fabrique des bateaux qui se ressemblent, mais sur lesquels on a chacun développé nos propres technologies. Le résultat de tous ces développements, c'est la vitesse, mais aussi la fiabilité. Il était important pour nous d'avoir un bateau fiable, on a beaucoup travaillé dessus. On a fait des choix audacieux en termes de technologie, mais toujours en essayant d'être fiables. Et cette première étape a montré qu'il y avait trois bateaux un peu plus fiables que les autres. Et ces trois bateaux-là ont logiquement fait un bond au classement général. On est derniers de ces trois bateaux mais on est quand même troisième. Et le point positif, en dehors de ce choix stratégique qui n'était pas super, c'est quand on a bien manipulé le bateau, on n'a rien cassé, on aurait même pu repartir dès le lendemain pour une grande étape. Ça veut dire que toute l'équipe technique a bien travaillé en amont. Ça donne une troisième place et elle est méritée. Venons-en au fait, à ce choix stratégique le long des côtes africaines à la sortie de la Méditerranée qui vous a coûté cher. Pourquoi être parti par là ? C'est ce qui nous semblait le mieux au moment de choisir (rires) ! Il fallait d'ailleurs vraiment se battre pour aller le long des côtes africaines, ce n'était pas facile, il n'y avait pas beaucoup de vent et il y avait une «porte» théorique à franchir. Quand on a réussi à la franchir, on était super contents. Mais, dix heures après, les nouveaux fichiers météo montraient que ça n'allait pas marcher. Et même si on a essayé de naviguer le mieux possible pour perdre le moins de terrain, le mal était fait. Saviez-vous à cet instant que l'étape était perdue, que vous ne reviendriez pas sur les bateaux de tête ? Non, on savait que cette option n'était pas bonne et qu'on serait derrière à l'équateur, avec 200 ou 250 milles sur les premiers. Le drame, c'est que le Pot au noir a été moins favorable pour nous que pour les trois premiers, donc on a encore perdu du terrain. Et pire, l'Atlantique sud a encore été beaucoup moins favorable pour nous... Si on a trois jours de retard à l'arrivée sur le vainqueur, c'est qu'on a eu une succession d'effets météo défavorables. Même si cette décision est prise à deux avec le skipper, Franck Cammas, comment se sent-on quand on découvre que l'option tactique choisie n'est pas la bonne ? Forcément, on mouline dans tous les sens... Le choix, on l'a fait à deux avec Franck, on a construit cette option ensemble. Et la décision finale est forcément celle du skipper. Une fois que ça a été pris consciemment, avec de bonnes bases, de bonnes raisons, si l'option ne marche pas, on n'oublie pas que le choix a été pris de façon raisonnée. On n'a pas fait n'importe quoi non plus ! Et dans ces cas-là, on ne peut que pleurer un petit peu... Comment a réagi l'équipage ? L'équipage a été super sport ! Je pense qu'il a confiance dans les choix que l'on peut faire et donc il partage nos choix. Et il assume aussi les conséquences, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Comment était l'ambiance en début de semaine lors du débriefing ? Sur la fin de la première étape, les dés étaient jetés depuis trois-quatre jours... Le problème, c'est que ça s'est éternisé, on est tombés dans des zones sans vent, alors que tout le monde était pressé de retrouver sa famille, de décompresser, de tourner la page et de bouffer un bon steak ! Il y a eu quelques mises au point lors du débriefing. Forcément, quand le résultat n'est pas tout à fait celui qu'on espérait, il y a de petites tensions à gauche ou à droite. Mais il faut dédramatiser et ça a été fait. Aujourd'hui, tout le monde a hâte de prendre le départ de la deuxième étape pour gommer cette ardoise... "Il va falloir tenir la cadence !" Avez-vous déjà une idée de ce qui vous attend lors de cette deuxième étape ? Apparemment, ça ne va pas être un long fleuve tranquille (rires). Ça s'annonce musclé. Au Cap, le vent est souvent très fort, la semaine dernière, il y avait entre 40 et 50 noeuds de vent. Et comme on doit faire le tour du Cap de Bonne-Espérance, on va commencer face au vent, dans une mer assez forte. Quelle sera la marche à suivre: continuer à être offensifs comme sur la première étape ou être plus conservateurs ? On ne cherchait pas être offensifs sur cette première étape, on s'était fixé quelques règles, notamment d'essayer de rester au contact avec les autres bateaux lors de la première étape parce qu'on voulait étalonner le bateau, les voiles, l'électronique... C'était une des priorités, mais les faits de course en ont décidé autrement. Et malheureusement, on s'est retrouvés un peu seuls. Mais ce n'était pas volontaire. Avez-vous tout de même eu le temps de vous jauger par rapport à la concurrence ? Très peu. On a fait trois heures de vent de travers au départ d'Alicante, où à notre grande joie à tous, on allait plus vite que nos collègues. Mais après, le vent est tombé, il y a eu des mistoufles en Méditerranée, puis la séparation s'est faite. Et c'est difficile dans ces cas-là de faire des comparaisons. Après, on s'est appliqués à faire avancer le bateau à 100%, voire plus vite qu'à 100% dans certaines occasions... Vous aviez eu l'occasion de faire une étape entre Stockholm et Saint-Pétersbourg lors de la précédente édition sur Green Dragon. Est-ce que ce début de course sur Groupama 4 correspond à vos attentes de cette Volvo Ocean Race ? Oui, j'avais mis le doigt dedans. Et ce début de course correspond à ce que j'en attendais, des relations humaines importantes, un collectif qui doit être fort, des navigations un peu brutales sur un bateau exigeant. Après trois semaines de navigation, on a cinq jours de break et on doit repartir sur une deuxième étape. Et il y en a neuf. Il va falloir tenir la cadence ! Le moindre faux pas coûte cher, en temps et en logistique, mais aussi en termes comptables. Donc il faut rester fiable et régulier. Les coups d'éclat, c'est bien, mais la régularité paiera certainement plus sur cette édition où les bateaux semblent proches en vitesse pure.