Luis Enrique, bizuth futé

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Olivier CORTINOVIS , modifié à
Toujours en quête d'un premier succès cette saison, l'AS Roma (14e) et son nouvel entraîneur, le déjà controversé Luis Enrique, se déplacent dimanche sur le terrain de Parme, à l'occasion de la cinquième journée de Serie A. Arrivé avec la ferme intention de transformer le club de la Louve en petit Barcelone, l'élève de Pep Guardiola a bien du mal à convertir ses promesses en résultats.

Toujours en quête d'un premier succès cette saison, l'AS Roma (14e) et son nouvel entraîneur, le déjà controversé Luis Enrique, se déplacent dimanche sur le terrain de Parme, à l'occasion de la cinquième journée de Serie A. Arrivé avec la ferme intention de transformer le club de la Louve en petit Barcelone, l'élève de Pep Guardiola a bien du mal à convertir ses promesses en résultats. En pleine transhumance estivale, un jeune loup est entré dans la bergerie. Ou plutôt, une brebis égarée s'est jetée dans la gueule de la Louve. Bref, on a beau retourner le problème dans tous les sens, car problème il y a, au vu du début de saison laborieux de l'AS Roma (2 points en trois rencontres de Serie A), on a encore du mal à imaginer que Luis Enrique, l'icône catalane, ait posé ses bagages dans la Ville Eternelle en juin dernier. Tous les chemins mènent à Rome, après tout, mais certains sont beaucoup moins escarpés que celui emprunté par ce disciple de Pep Guardiola, à l'expérience d'homme de banc quasi vierge. Et la suite de son pèlerinage ne s'annonce pas des plus reposants. Un coach espagnol, avec la mentalité du Barça, qui vient voir si l'herbe est plus verte sur les rugueux prés italiens, c'est presque du sadomasochisme. D'autant plus quand le Père Fouettard local s'appelle Francesco Totti et que toute la capitale est sous sa botte. Un quotidien transalpin compare même volontiers l'enfant du pays à Néron, "un personnage capable de mettre le feu à un club entier". Le choc des cultures entre le plus catalan des Asturiens et le Romain de souche a d'ailleurs explosé plus vite que de raison, puisqu'après les formules de politesse d'usage sur les méthodes d'entraînement "très stimulantes" de Luis Enrique, le capitaine de la Louve n'a pas tardé à faire jouer ses droits de demi-Dieu. "Ramener ce que j'ai appris à Barcelone" Au lendemain de la rencontre aller contre Bratislava (0-1), en Ligue Europa, où il n'est entré en jeu qu'en fin de partie, Totti s'est affiché au décrassage avec un t-shirt au logo "Basta" plutôt évocateur. Il faut dire, que pour sa défense, l'ancien coach de la réserve de Barcelone lui avait déjà "sucré" sa suite royale à Trigoria, centre d'entraînement des Giallorossi, et que sa demande de participation à la traditionnelle conférence de rentrée n'avait pas été acceptée. Insubordination au roi et ce sont tous les fidèles valets qui chantent leur indignation quand le numéro 10 est remplacé à l'heure de jeu par Stefano Okaka, lors du match retour face aux Slovaques, synonyme d'élimination prématurée. Rentré directement aux vestiaires sans piper mot, "Il bimbo de Oro" amorce alors un début de malaise que les médias italiens se font un plaisir de relayer. Et d'amplifier. Mais Luis Enrique, conforme à ses idées et ses valeurs, n'a que faire de ce "rejet de greffe". Il n'est pas du genre à accorder des privilèges à qui que ce soit et compte bien s'appuyer sur sa force de caractère, fortifiée jadis par ses joutes verbales avec les supporters madrilènes. Celle qui a notamment mené le néo-président Thomas Di Benedetto à le choisir parmi une pléiade de postulants. "Une équipe n'est pas composée d'un seul joueur, mais c'est un groupe formé par des individualités. Je ne changerai pas ma façon de travailler, il n'y a de traitement de faveur pour personne." Clair, non ? Au moins autant que sa volonté de transposer le toque barcelonais au pragmatisme romain. "Mon intention est de ramener ici en Italie tout ce que j'ai appris à Barcelone, à savoir un football offensif avec un très bon jeu d'équipe", a t-il affirmé devant les caméras de Roma Channel. Si Totti semble aujourd'hui avoir enterré la hache de guerre, la révolution ibérique promise attendra peut-être le déplacement à Parme, dimanche, pour célébrer sa première victoire, la Roma restant sur deux matches nuls assez moyens face à l'Inter (0-0) et plus récemment contre Sienne (1-1). On est encore, bien sûr, loin de la manita catalane mais au moins cette série offre à Luis Enrique un sursis pour poursuivre le travail entamé pendant la pré-saison. "Le plus important, c'est d'avoir fait preuve de personnalité, assure le technicien espagnol. Nous avons peut-être pris trop de risques mais ça vaut la peine." Mais la peine de quoi, au juste ? La peine de s'être déjà mis à dos la moitié des tifosi de la Louve ? La douleur d'avoir vu son projet de jeu remis en cause au premier coup de vent ? Ou alors celle d'avoir validé avec mention son bizutage ?