Lucenay: "A la hauteur du Grand Palais"

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Propos recueillis par Yannick SAGORIN , modifié à
Pour la troisième fois de sa carrière, Jean-Michel Lucenay est devenu champion du monde par équipe avec les épéistes tricolores, samedi, au Grand Palais. Une confirmation au goût pourtant singulier, contexte et cadre exceptionnels obligent. Le résultat d'une cohésion rare soulignée par le Martiniquais, lequel espère bien connaître la même réussite dans deux ans à Londres.

Pour la troisième fois de sa carrière, Jean-Michel Lucenay est devenu champion du monde par équipe avec les épéistes tricolores, samedi, au Grand Palais. Une confirmation au goût pourtant singulier, contexte et cadre exceptionnels obligent. Le résultat d'une cohésion rare soulignée par le Martiniquais, lequel espère bien connaître la même réussite dans deux ans à Londres. Un sacre mondial, au Grand Palais, devant votre public. Difficile de rêver mieux, non ? Effectivement... surtout au vu de notre parcours. On n'a affronté que des équipes de haut niveau, il n'y a pas eu un seul match de relâche, on a toujours eu besoin de donner le maximum, de repartir au combat, toute la journée... Mais on ne pouvait pas se contenter de l'argent ici à Paris. Inconsciemment, quand on voit notre match face aux Etats-Unis, on a dû penser à tout ça dans nos têtes. On se savait attendus, et on s'est arraché, chacun, dans nos derniers relais pour revenir et arracher ce titre. Tout au long de la compétition, on a pu sentir que les autres équipes avaient travaillé spécifiquement pour nous contrer. Elles ont toutes énormément travaillé en tout cas. Ça rendra le titre olympique d'autant plus difficile à conquérir en 2012 mais on sera là, je peux vous l'assurer ! Le cadre de ces Mondiaux était somptueux. Avez-vous savouré le contexte, également, sur la plus haute marche du podium ? Oui, honnêtement, c'était beaucoup d'émotions. J'en ai eu des frissons. Cette Marseillaise, dans ce cadre, c'était très impressionnant. Et puis clore ces Championnats du monde comme ça... on est très heureux d'offrir ce titre à la France. Il fallait être à la hauteur de ce monument qu'est le Grand Palais et on l'a été ! Comment expliquez-vous l'exceptionnelle régularité de l'épée française ? Il n'y a pas de secret. On est tous talentueux, on a tous cette capacité à se surpasser pour gagner. Et puis on s'entend très bien entre nous. L'équipe a beaucoup évolué au fil des années mais on répond toujours présent parce qu'on a tous envie de se battre pour les autres. C'est une vraie communion et je crois que ça s'est encore vu aujourd'hui, dans l'adversité. On ne se voyait pas perdre aujourd'hui parce qu'on se sentait fort, ensemble. "J'ai fait avec les moyens du bord" Vous étiez touché aux adducteurs lors de ces Mondiaux mais on a le sentiment que rien ne pouvait vous atteindre aujourd'hui... Oui, j'ai essayé de faire abstraction de ce souci. Ça n'a pas été évident parce que je me suis de nouveau blessé contre la Russie. Du coup, je me suis efforcé de ne pas y penser. En plus, j'ai réalisé que je me faisais vraiment mal quand je ne respectais pas ma distance. Finalement, ça m'a mis sur des bons rails, ça m'a rendu patient, ça m'a obligé à débuter les matches tranquillement, même si je n'ai pas pu lâcher mes attaques comme je le voulais. J'ai fait avec les moyens du bord et ça s'est bien passé. Jérôme Roussat estimait que votre délicate entrée en matière contre l'Estonie avait été un mal pour un bien. Le rejoignez-vous dans cette analyse ? Tout à fait. Pour ma part, j'ai une explication quant à cette difficile entrée en lice. J'ai commencé à tirer face au champion du monde Nikolai Novosjolov et il a été plus costaud que moi sur ce match dans le match. Je crois m'être bien repris ensuite. Je savais que les autres étaient moins forts. Je n'ai pas paniqué. Je me suis dit qu'on ne pouvait que s'améliorer, qu'on ne pouvait que monter en puissance. Personnellement, plus on avance dans une compétition, mieux je me sens. Comment analysez-vous votre retard à l'allumage en finale ? Je crois que les Etats-Unis avaient leur carte à jouer dans cette finale et qu'ils n'ont pas hésité à le faire. On s'est un peu laissé surprendre par leur rigueur mais on a su rester dans le match, sans nous démobiliser, et ça j'en suis fier ! Malgré l'écart, on ne s'est pas précipité, et tout le monde a contribué à cette magnifique victoire. On s'est serré les coudes, Jérôme nous a soutenus en nous encourageant à ne rien lâcher: "Il n'y a que sept touches d'écart, on peut revenir petit à petit" (Il coupe). C'est fabuleux, vraiment fabuleux ! "Les Américains, on les a eus à l'usure" Attendiez-vous ces Américains à un tel niveau ? Je me doutais qu'ils seraient redoutables. Vous savez, les Américains, ils ne regardent pas à qui ils ont affaire. Ils sont très forts dans leur tête parce que l'Amérique, pour eux, c'est le centre du monde. Il fallait les bousculer dans leurs certitudes pour qu'ils commettent davantage d'erreurs et on les a eus à l'usure, en appuyant là où ça faisait mal. Mais tout ça, ça dépasse le cadre du sport, ça dépasse la technique, ça ne s'explique pas. En plus de cette médaille d'or, il y a l'argent décroché en individuel par Gauthier Grumier et votre propre médaille de bronze. C'est un bilan exceptionnel pour l'épée... Exceptionnel oui ! On peut toujours mieux faire, c'est sûr. A deux matches près, on pouvait faire or et argent avec Gauthier. Mais je suis super content. J'ai encore du mal à réaliser à vrai dire. Je vais tâcher de bien prendre la mesure de ce qu'on a fait. C'est important pour continuer sur cette voie. Avez-vous conscience en revanche d'avoir réalisé votre meilleure saison cette année ? Oui, c'est vrai, c'est ma meilleure saison. Comme le bon vin on va dire... Mais j'espère me bonifier encore davantage vous savez. Et dès l'année prochaine si possible. 2011 sera une année difficile. Je n'y pense pas pour le moment mais il y aura des rendez-vous cruciaux à honorer dans la perspective des Jeux. Il va falloir rester costaud pour prétendre à une sélection pour Londres. Sans oublier les Mondiaux de Catane.