Les Bleus sont loin...

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SYLVAIN LABBE, envoyé spécial , modifié à
Le choc de la Poule A entre la Nouvelle-Zélande et la France samedi à l'Eden Park a tenu ses promesses et s'est conclu par une victoire méritée des All Blacks, auteurs de cinq essais contre deux pour les Bleus signés Mermoz et Trinh-Duc (37-17). Les partenaires de McCaw devraient terminer premiers de la poule, la France, si elle prend un point contre les Tonga, deuxième, avec un quart en perspective contre l'Angleterre.

Le choc de la Poule A entre la Nouvelle-Zélande et la France samedi à l'Eden Park a tenu ses promesses et s'est conclu par une victoire méritée des All Blacks, auteurs de cinq essais contre deux pour les Bleus signés Mermoz et Trinh-Duc (37-17). Les partenaires de McCaw devraient terminer premiers de la poule, la France, si elle prend un point contre les Tonga, deuxième, avec un quart en perspective contre l'Angleterre. "All Blacks, All Blacks !" A plein poumons, l'Eden Park fête ses héros. Et avec, "LA" revanche. Celle que tout un peuple attendait et espérait de ses voeux. "On a trop pleuré il y a quatre ans", nous lançait le matin même une grand-mère néo-zélandaise dans un grand sourire. Les All Blacks ne sont pas encore champions du monde, mais il semble que le grand dessein de Richie McCaw et ses partenaires passait inévitablement par cette séance d'exorcisme face à la bête noire française. Pour ces Bleus, qui n'auront fait illusion que l'espace de dix minutes, avant de prendre l'eau de toute part, le charme des exploits passés s'est rompu. Rien d'irrémédiable cependant, la qualification de l'équipe de Lièvremont pour les quarts de finale ne réclamant plus qu'un dernier coup de rein face aux Tonga dans une semaine, à Wellington. Mais si cette équipe de France n'avait rien d'une équipe B, jamais, ô grand jamais, ces Bleus n'auront été en mesure de contester la domination d'un collectif néo-zélandais qui, sans faire des miracles, aura dominé son sujet de bout en bout. Certains parviendront à se réjouir de ce revers qui "risque" d'envoyer Dusautoir et les siens affronter le tableau final de cette Coupe du monde par la face "Nord"... Le constat sur le fossé qui sépare la France de la référence mondiale, à ce stade de la compétition, a pourtant quelque chose, sinon d'alarmant, du moins inquiétant... Et la haie d'honneur, réservée à Monsieur McCaw, à l'issue du match, ressemblait déjà à un geste d'allégeance. Un blanc de dix minutes D'ailleurs, loin des inspirations flamboyantes de leurs aînés, c'est un mur blanc immaculé, version minimaliste, à la couleur de leurs maillots, que les Bleus opposent au terrible Kapa O Pango, le haka des grandes occasions, que les All Blacks n'oublient évidemment pas, dans une telle circonstance, de conclure par l'égorgement de rigueur. Le ton est donné... Et pourtant, dès les premières minutes, le blanc se détache dans cette cathédrale noire de l'Eden Park : les Bleus apparaissent, comme on n'osait plus les attendre, décomplexés et libérés, selon le voeu de Marc Lièvremont. Dix minutes enlevées, au cours desquelles Morgan Parra, comme pour mieux faire taire ses détracteurs, assume son maillot à deux chiffres avec le cran qu'on lui connaît. Sa percée initiale est un formidable signal (2e), son drop des 35 mètres sur le poteau, un crève-coeur (4e), qui n'entame pas cet appétit tricolore. La famille bleue campe dans les 22 mètres des Blacks et il s'en faut d'un rien pour que Dimitri Yachvili, d'une diagonale ajustée, n'envoie en terre promise un Damien Traille, qui ne peut contrôler l'offrande (5e). Et encore cette percée de Maxime Mermoz, qui déchire le rideau néo-zélandais, sans toutefois concrétiser (7e). On n'y voit que du blanc ! Dix minutes pour rêver, dix minutes pour que les All Blacks, prisonniers de la pression imposée par tout un pays, entrent enfin dans leur match. Et de quelle façon ! La première attaque est la bonne, qui voit Ma'a Nonu faire d'entrée la différence et laisser le nez dans le gazon Julien Bonnaire et Louis Picamoles réunis, avant d'effacer Traille. Piri Weepu pour éjecter, Dan Carter au relais et Adam Thomson qui libère tout un stade (5-0, 10e). La machine est lancée, le bon début de match français n'est déjà plus qu'un beau souvenir et en quatre minutes, l'affaire presque entendue. Le mur blanc s'est fissuré, les impacts sont pour les All Blacks, qui châtient Parra, comme on le craignait. Son match avec Carter tourne au cauchemar, le dix ultime se régale de cette passe intérieur pour l'essai de Cory Jane (10-0, 17e), puis de cette feinte de passe qui, après le nouveau numéro de Nonu, insaisissable, met Israel Dagg sur orbite (19-0, 21e). Il y a déjà belle lurette que les Bleus n'existent plus dans ce sacro-saint combat sans lequel point de salut. Même la mêlée tricolore est dépassée. Chaque secteur de jeu est l'occasion pour McCaw et son orchestre de faire mal, à l'image d'un Jérome Kaino, coupable d'un mauvais geste sur Yachvili. Il faut bien ça pour offrir aux Français leurs premiers points avant la pause (19-3, 39e). Carter en démonstration Le coaching, aux allures de sanction pour Ducalcon, Picamoles et Traille, remplacés par Fabien Barcella, Imanol Harinordoquy et Cédric Heymans, est un coup d'épée dans l'eau, qui n'empêche pas dès la reprise Carter, éblouissant sur ce match, de percer sur cinquante mètres, et d'offrir l'essai du bonus offensif, en même temps que le doublé à Dagg, qui comme une lame s'enfonce à chaque fois dans la défense française (26-3, 41e). Et cette mêlée perdue, qui lâche encore trois points de plus à Carter (29-3, 47e). L'interception de Maxime Mermoz sur son ancien coéquipier Carter, qui envoie le Catalan à l'essai, est une piètre consolation pour une équipe de France surclassée (29-10, 54e). Imperturbable, Carter se reprend et ciselle son oeuvre d'un drop imparable (32-10, 65e). Les plus optimistes voudront voir un rachat en même temps qu'une promesse dans l'essai en force et au courage de François Trinh-Duc (32-17, 74e) que l'inévitable Sonny Bill Williams ne pouvait s'empêcher d'effacer d'un ultime coup de rein (37-17, 76e). L'Eden Park pouvait fêter ses héros, Richie McCaw, le plus emblématique d'entre eux en tête. Plus que jamais les Blacks sont lancés ! Les Bleus mesurent eux le chemin qu'il leur reste à parcourir...