Lavillenie: "Ce n'est pas rien..."

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Propos recueillis par LAURENT DUYCK , modifié à
Sur un nuage. Tenant du titre et favori du concours de la perche, Renaud Lavillenie a fait plus qu'assumer son statut en ajoutant le record de France, à 6,03 mètres, à sa médaille d'or sur ces Championnats d'Europe en salle de Bercy. Sous les yeux du tsar, Sergueï Bubka, le désormais double champion d'Europe en titre s'est même permis de s'attaquer au record du monde. Avec le sentiment de ne pas être si loin...

Sur un nuage. Tenant du titre et favori du concours de la perche, Renaud Lavillenie a fait plus qu'assumer son statut en ajoutant le record de France, à 6,03 mètres, à sa médaille d'or sur ces Championnats d'Europe en salle de Bercy. Sous les yeux du tsar, Sergueï Bubka, le désormais double champion d'Europe en titre s'est même permis de s'attaquer au record du monde. Avec le sentiment de ne pas être si loin... Sauter à 6,03 mètres sur un grand championnat, avez-vous la sensation d'avoir réussi une performance importante ? Oui, c'est une étape importante parce que ça veut dire que j'ai su préparer cette compétition et j'ai su répondre présent dans un contexte qui pouvait être à double tranchant. Certains peuvent passer au travers en subissant cette pression et en ne l'assumant pas. Et d'autres qui se transcendent... Je ne me posais pas trop de questions à ce sujet. Je savais qu'avec le public pour moi, les conditions étaient réunies. C'est super. Surtout avec ce record de France. Je sais qu'il ne passera pas inaperçu avec cette exposition médiatique. C'est important pour notre sport. C'est l'occasion de montrer ce que l'on est capable de faire, de prouver qu'il y a d'autres choses en France. Ce record était-il un objectif ? J'aurais été champion d'Europe à 5,80 mètres, honnêtement, ça me satisfaisait. Je n'avais pas prévu de faire un record de France. Il y avait beaucoup de personnes présentes ici à Bercy. C'était une chance. Je sais que cet été, je n'aurai pas beaucoup de proches dans le stade. C'était important pour moi de vivre l'instant présent. Pour l'anecdote, je sais que mes proches ont pleuré. Je les ai tous vus en larmes. C'est quelque chose marquant. Est-ce le plus beau moment de votre carrière ? Oui. Jusqu'à présent, c'était les 6,01 mètres au Portugal. Là, il y a tout: être capable de gagner, de défendre un titre, de répondre présent, de sauter haut et en plus de tenter ce record du monde. Ce n'est pas rien. Je ne pouvais pas rêver mieux. Je vais attendre La Marseillaise pour savourer ce moment. Avec Jérôme (Clavier) en plus. On fait un et deux. C'est rare. Ça montre que depuis deux ans, la perche est au plus haut niveau international. C'est bien. Au-delà de mes ambitions personnelles, il y a aussi cette envie de faire évoluer mon sport, de donner envie aux jeunes et de transmettre. Et il n'y a pas meilleure façon de faire que de gagner des titres. En parlant de transmission, Sergueï Bubka était dans les tribunes. Y avez-vous pensé ? Avant l'échauffement, j'ai vu qu'il était là. Il ne pouvait pas être mieux placé, il était juste devant. Pendant le concours, je ne faisais pas trop attention mais je savais qu'il y avait cette présence dans les tribunes. Je tente cette barre à 6,03 pour changer complètement, certains disaient que je faisais un blocage sur 6,01 ou 6,02. Moi, j'étais totalement au-dessus de ça. J'avais envie de m'amuser. Je me lance à chaque fois de nouveaux défis. Là, c'était 6,03. Après, je savais déjà que le jour où je passais les 6 mètres, je tenterais le record du monde derrière. En plus, devant Bubka... Mais il n'y avait pas que lui. Il y avait Collet, il y avait Galfione, Houvion, il y avait mon coach, ma famille... Toutes ces personnes réunies qui comptent beaucoup pour moi, des gens qui ont marqué l'histoire du sport mondial, du sport national, et puis des gens qui ont marqué ma carrière, qui fait que je suis là aujourd'hui. C'était le meilleur moyen de les remercier. "Je suis encore jeune, j'ai le temps devant moi" Quelle sensation a-t-on à 6,16 mètres ? J'ai eu l'impression de ne pas être loin. Je voulais tenter cette barre pour savoir ce que ça fait, parce qu'on en parle beaucoup, je mets parfois des fils à l'entraînement, mais ce n'est pas pareil. Déjà, quand on demande 6,16, ça fait un petit quelque chose. Et encore plus quand on voit la barre en bout de piste. La première tentative n'est pas loin du tout. Et là, je me dis que j'en suis proche. C'est dans mes cordes. Mais, je sais que je n'aurais pas le droit à l'erreur pour franchir ces barres. Sur un championnat, ce n'est pas l'idéal de tenter ces barres car souvent, il y a de l'attente, les barres les plus importantes sont au bout d'une heure, une heure et demie. Mais je suis content de mes trois tentatives. J'avais tendance avant à partir de six mètres de me dérégler, d'en mettre trop... Là, c'était tout le contraire, j'étais réglé, je n'ai fait aucune faute. Aviez-vous un jour rêvé de vous attaquer à ces barres ? Oui, je savais que je ne m'entraînais pas pour faire 6,01 ou 6,03 mètres. Ce record, j'y pense. Mais je suis encore jeune, j'ai le temps devant moi. La perche demande de la maturité. La plupart des grosses performances ont été faites à 27 ou 28 ans. Bubka a battu son record tard. Hooker a sauté à 6,06 à 27 ou 28 ans, Jean (Galfione) avait aussi 27 ou 28 ans quand il a fait six mètres. J'ai encore le temps. Je ne suis pas une force de la nature. J'ai encore beaucoup de séances de musculation devant moi pour être encore plus costaud et maîtriser des perches encore plus dures. La note positive, c'est que j'ai maîtrisé la perche la plus dure que j'ai jamais utilisée. Et cette perche s'est avérée presque souple ! Donc, c'est tout bonus pour moi. Quand j'aurai la bonne perche et les bonnes conditions, je pourrai espérer aller encore plus haut. Quels sont vos objectifs désormais ? L'objectif ici était de continuer cette régularité. Ce n'est pas parce que je suis à six mètres ici que je le serai aussi cet été aux Championnats du monde. L'objectif, c'est d'être capable de répondre présent face à mes adversaires. J'en avais quand même beaucoup ici: le jeune Polonais, l'Ukrainien (Mazuryk) qui est passé à la trappe hier, Mohr qui pour moi va monter très haut, Jérôme, même si c'est particulier pour moi. Etre capable de leur montrer ça, ça leur file forcément un coup. Maintenant, je vais me préparer pour aller chercher ce titre à Daegu. Ça ne va pas être facile parce que je sais que dans l'hémisphère sud Monsieur Hooker se prépare vraiment bien. Je l'attends à son plus haut niveau comme il m'attend au sommet.