La régate après la tempête

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Par Axel Capron , modifié à
Après avoir essuyé plusieurs fronts violents, les concurrents de la Transat Jacques-Vabre s'accordent quelques moments de répit, désormais concentrés sur la stratégie. En Imoca, la flotte s'est scindée en deux, avec à l'ouest Virbac-Paprec (Dick-Beyou) et Hugo Boss (Thomson-Altadill), au sud, Macif (Gabart-Col), Groupe Bel (de Pavant-Régniau) et Safran (Guillemot-Eliès), tandis que Banque Populaire (Le Cléac'h-Pratt) occupe une position médiane.

Après avoir essuyé plusieurs fronts violents, les concurrents de la Transat Jacques-Vabre s'accordent quelques moments de répit, désormais concentrés sur la stratégie. En Imoca, la flotte s'est scindée en deux, avec à l'ouest Virbac-Paprec (Dick-Beyou) et Hugo Boss (Thomson-Altadill), au sud, Macif (Gabart-Col), Groupe Bel (de Pavant-Régniau) et Safran (Guillemot-Eliès), tandis que Banque Populaire (Le Cléac'h-Pratt) occupe une position médiane. Après une journée de lundi mouvementée en raison du violent front tombé dimanche soir sur la tête de la course, qui a eu raison de Cheminées Poujoulat (aux dernières nouvelles, le bateau, que Bernard Stamm et Jean-François Cuzon ont été contraints d'abandonner en mer, pourrait être récupéré) et de PRB, dont l'abandon a été confirmé mardi matin, la flotte Imoca s'offre ce mardi un répit bienvenu, tant le début de course a été mouvementé. Mais si tous sentent peu à peu arriver avec soulagement la chaleur et le soleil, la fin des gros coups de vent n'est nullement synonyme de relâchement, avec une belle bataille stratégique qui se confirme au vu des positions des uns et des autres. La situation paraît aujourd'hui assez claire: au nord-ouest, les tandems Dick-Beyou (Virbac-Paprec 3) et Thomson-Altadill (Hugo Boss) ont décidé de miser sur une route la plus directe possible vers l'arc antillais, alors que Le Cléac'h-Pratt (Banque Populaire), mais surtout Gabart-Col (Macif), de Pavant-Régniau (Groupe Bel) et Guillemot-Eliès (Safran) ont décidé de filer au sud pour récupérer des alizés à même de les emmener plus vite vers le même but. Qui aura raison ? Si Jean Maurel, le directeur de course, estimait mardi à la vacation que "l'option sud est pas mal car moins risquée", avant d'ajouter qu'il ne serait "pas surpris de voir le groupe du sud demain (mercredi) en tête de la flotte", les skippers se faisaient plus prudents au moment de commenter leurs choix. Dick: "Une route plus directe et plus cabossée" Ecoutons Jean-Pierre Dick: "La mer est grande, il y a beaucoup de solutions pour aller à un endroit, on peut choisir des autoroutes ou des petites routes, nous, on a choisi une route plutôt vers le nord-ouest, plus directe, peut-être aussi plus cabossée. On croit depuis le début dans notre option nord, qui nous a permis de revenir en tête de course, et on y croit toujours, on pense que ça va passer. La réponse, on la connaîtra dans presque une semaine, ça risque d'être indécis assez longtemps, c'est ça aussi qui est sympa dans ces courses, il y a du jeu." Du côté des sudistes, même prudence de mise, notamment chez François Gabart, toujours dans le bon coup depuis le départ à bord de Macif: "On a une zone sans vent, une dorsale qu'on essaie de traverser, alors qu'eux (Virbac-Paprec et Hugo Boss) attendent que la zone sans vent disparaisse pour regagner en latitude sud. Chacun fait une route logique: ça serait une erreur de notre part de faire de l'ouest et de leur part de faire une route sud. Il faut attendre pour voir qui aura raison." Bestaven: "A bord, c'est Beyrouth" Bref, difficile à ce stade de la course de dire qui attaquera le sprint final vers le Costa Rica (long de plus de 1000 milles quand même) en tête, mais une chose est sûre: tous se réjouissent de sortir de conditions de mer et de vent éprouvantes. A bord de Virbac-Paprec 3, Jean-Pierre Dick, qui en a pourtant vu d'autres, lui qui a bouclé trois tours du monde en course (deux Barcelona World Race, un Vendée Globe), raconte ainsi: "Les conditions sont beaucoup plus normales en termes de vent, on a 23 noeuds. Avant, on a eu des nuits terrifiques, avec encore hier 35-40 noeuds établis, une mer très agitée, et en plus, des vents qui s'opposent. Ça donne un joli brouhaha de vagues. A cette époque de l'année, l'Atlantique, c'est une jolie casserole qui bouge. On ne s'y habitue jamais car c'est toujours un traumatisme, mais on a quelques habitudes." Ces conditions sont encore le lot des bateaux moins rapides, en l'occurrence ceux de la Class 40, dont les leaders approchaient des Açores mardi. Des leaders qui sont quasiment les mêmes depuis le départ du Havre, à savoir Yannick Bestaven et Eric Drouglazet, «débarrassés» depuis mardi matin de l'incessante pression des surprenants Anglais Ned Collier-Wakefield et Sam Goodchild, qui ont signifié leur abandon à la direction de course à cause d'un délaminage à l'avant de Concise 2. A bord d'Aquarelle.com, Yannick Bestaven, qui, lui aussi, en a vu d'autres, confiait mardi à la vacation avoir décidé d'infléchir sa trajectoire vers le sud pour éviter de mettre l'intégrité de son Class 40 en danger: "On a envie d'avoir des conditions plus clémentes, on va sur une route plus longue mais certainement plus sûre. On avait la pression des Anglais depuis le début, ce n'est pas évident car il faut tirer sur le bateau et le chemin est mal pavé. C'est vrai qu'on en a vu quelques unes (des dépressions, ndlr), mais là, ça fait un moment que ça dure, ça fait le quatrième passage de front. A bord, c'est Beyrouth, tout a volé dans tous les sens, on a pu nettoyer hier dans une molle, - enfin une molle pour nous, c'est 20 noeuds (!) -, on va faire un grand nettoyage de printemps dans les quelques jours à venir, ça va faire du bien au moral. Car là, ça tape encore beaucoup, on est obligés de barrer car les pilotes ne tiennent pas, on voit la fin du calvaire."