Forget: "On y a cru jusqu'au bout"

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Guy Forget a perdu dimanche à Belgrade sa troisième finale de Coupe Davis en tant que capitaine. S'il ne cherche aucune excuse à ses joueurs, si ce n'est peut-être les sifflets incessants dans la Beogradska Arena, l'ancien joueur reconnait sans mal la supériorité des Serbes lors de la dernière journée. Déçu, il annonce toutefois qu'il y a des raisons de "voir les choses en bleu dans les années à venir."

Guy Forget a perdu dimanche à Belgrade sa troisième finale de Coupe Davis en tant que capitaine. S'il ne cherche aucune excuse à ses joueurs, si ce n'est peut-être les sifflets incessants dans la Beogradska Arena, l'ancien joueur reconnait sans mal la supériorité des Serbes lors de la dernière journée. Déçu, il annonce toutefois qu'il y a des raisons de "voir les choses en bleu dans les années à venir." Guy, quelle déception, quelle frustration... On n'était pas euphoriques hier soir (samedi), mais à 2-1, on était bien placés. Certains d'entre vous me parlaient de statistiques en me disant qu'on avait 86 % de chances de gagner. De toute évidence, la statistique va un peu baisser maintenant. Les Tchèques en ont fait également l'expérience ici à Belgrade en demi-finale. C'est peut-être le travail de sape qu'ils ont effectué avec le public pendant deux jours qui a commencé à porter ses fruits aujourd'hui (dimanche). Car dans le premier match avec Djokovic et dans le deuxième avec Troicki, à aucun moment, on est en position de gagner. On est vraiment dominés sur les deux matches. Et c'est ça qui est un peu frustrant. Même si on doit accepter la défaite face à une équipe qui a été, ce jour-là, bien au dessus de nous. Comment expliquez-vous que les joueurs français aient été inexistants face aux Serbes lors de ces deux derniers simples ? Novak Djokovic a mis la barre très haute. Quand on joue le numéro 3 mondial, chez lui, devant son public, on peut faire le match de ses rêves et espérer gagner à l'extérieur. De toute évidence, ni Gilles et ni Gaël n'y sont parvenus. Après la surprise, c'est Troicki. «Mika» était pourtant en grande forme. Je l'avais gardé pour ce dimanche. Mais Troicki a retourné son service comme si c'était un junior. Je suis «Mika» depuis plusieurs mois. Il gagne ses jeux de service contre les meilleurs joueurs du monde. Et là, contre Troicki, il s'est fait breaker un nombre incalculable de fois (huit, ndlr). Même lui, il me disait : «Ce n'est pas possible, je ne sers pas bien. Il est tout le temps sur la balle.» Troicki fait le match parfait. C'est dur, même à froid, de trouver une explication à ça. On n'a pas été assez bons dans les deux matches. Sans pour autant être mauvais, on a été largement en-dessous des autres. "C'est le début d'une nouvelle aventure" On ne peut pas négliger la pression de l'enjeu. Les Français l'ont ressentie plus que les Serbes... Probablement. Pour ce qui est de Gaël, il était un peu tendu. Mais je ne crois pas que la tension ait pris le pas sur tout le reste. Djokovic est aujourd'hui au-dessus. C'est comme lorsque l'on joue Nadal en Espagne ou Federer en Suisse. C'est déjà assez compliqué comme ça de les battre dans les tournois du Grand Chelem. On ne les bat d'ailleurs pas souvent. Quand on les joue en Coupe Davis avec un public comme celui-là, c'est vrai que c'est difficile. Et pourtant, Gaël a tout donné. Et même si dans le troisième set, il a eu un passage où il a vraiment tenu tête à Novak, il n'a pas pu très souvent libérer sa grosse frappe en coup droit. Djokovic le retournait systématiquement. Ce qui explique ce score en trois sets. Ensuite, «Mika», à part les deux premiers jeux où il peut faire un break et se détacher, n'a rien pu faire. Il avait battu Djokovic à Bercy en pratiquant le même style de tennis. Il y avait peu de joueurs qui arrivaient à le relancer. La surface était bien sûr un peu plus lente ici. Mais dans ce type de match, je ne pensais pas qu'on passerait aussi loin du but. On est tous déçus car c'est une longue campagne qui a commencé à Maastricht aux Pays-Bas, il y a un peu plus d'un an. Elle s'achève, aujourd'hui, alors qu'on menait 2-1 le samedi soir. C'est dur d'en parler car on y a cru jusqu'au bout. On s'incline face à des joueurs qui nous ont archi dominés dimanche. Quelles leçons tirez-vous de cette rencontre pour l'avenir ? D'une part, on a un groupe formidable. Je ne veux pas chercher des excuses, mais «Jo» n'était pas avec nous ni en quarts, ni en demies, ni en finale. Aujourd'hui, on ne peut pas s'empêcher de penser qu'avec un «Jo» en forme, comme il l'était à Montpellier, les choses auraient pu être différentes. C'est un groupe jeune. Il est en train de prendre de la bouteille. Ils l'ont prouvé, que ce soit «Mika» avec «Bennet'» sur le double, ou avec «La Clé» aussi sur des doubles vraiment très difficiles. Gaël nous a montré un beau visage. On a vu Richard qui était là en tant que remplaçant. Mais il a joué le jeu à bloc. Et on sait que le garçon a du talent, et il a envie de rejoindre le groupe. Pour une première année, car je pense que c'est une première année, ce n'est pas la fin d'une épopée. C'est le début d'une nouvelle aventure avec un groupe qui a été soudé tout au long de la saison. Donc il y a matière à voir les choses en bleu dans les années à venir. Imaginez l'équipe serbe sans Novak Djokovic. Je ne peux pas penser qu'on aurait perdu. «Jo» nous a peut-être un peu manqué sur cette finale, mais ceux qui ont joué ont qualifié l'équipe de France jusqu'ici. Leurs sélections étaient amplement méritées. "Ça été très fatigant nerveusement" A la fin, on a vu des scènes terribles avec un Michaël Llodra en larmes. Elles ont rappelé Paul-Henri Mathieu à Bercy en 2002... «Mika» va un peu mieux maintenant. On lui a bien remonté le moral. Je pense que c'est moins dur que pour «Paulo», car Paul-Henri était passé à deux points du match. Il a cru à la victoire jusqu'au bout. Malheureusement pour nous, dans le match de Gaël et de «Mika», à aucun moment, on s'est dit : «Tiens, là, c'est en train de tourner, on est en position de gagner.» Nous avons été archi dominés sur les deux rencontres et c'est ça qui est dur. On n'a quasiment jamais réussi à inverser la tendance et les faire douter. Un mot sur l'ambiance et l'atmosphère. Cela vous a gêné ? En Coupe Davis, l'ambiance est toujours électrique surtout quand on joue dans ces pays là à l'extérieur. J'ai dit une seule chose au juge-arbitre et je le défendrai lors de la réunion des capitaines de Coupe Davis. Il y a en effet un aspect de cette rencontre qui a été très désagréable, ce sont les spectateurs qui, trois fois sur cinq lorsque l'équipe de France servait, ont sifflé lorsque la balle était en l'air. Il y a eu des sifflets en quasi permanence. Et ça, franchement, je trouve ça intolérable. Aujourd'hui, nos dirigeants doivent réfléchir et prendre des mesures par rapport à ce genre de choses. Le juge-arbitre ne peut pas se réfugier sur le fait que les joueurs ne s'en plaignent pas trop. Moi, j'avais demandé aux joueurs de se taire. Ils ont tenu le coup. Mais au bout de trois jours de rencontre, quand vous sentez en permanence une volonté de la part d'une petite minorité du public de gêner, ce n'est franchement pas agréable. Cela ne se voit pas dans les autres rencontres de Coupe Davis, même dans les pays d'Amérique du Sud où le public peut être chauvin, très «border line». Ça a été, avec le recul, très fatigant nerveusement. Cela peut expliquer le coup de pompe qu'ils ont pu avoir aujourd'hui, notamment «Mika». Lors du double, si on perd les deux premiers sets, c'est aussi à cause de ça. Lorsque tu dois jouer contre les adversaires et contre les imbéciles dans la salle, c'est fatigant. Maintenant, je ne cherche pas à trouver des excuses car cela n'explique pas tout. Il faut, nous les anciens et les dirigeants, se pencher sur ce problème avant que cela devienne comme dans le football, avec des spectateurs prêts à tout pour que leur équipe gagne.