Des Coqs plumés et décapités

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LAURENT DUYCK , modifié à
Marc Lièvremont a déjà passé un été pourri. On n'ose imaginer quel hiver ce dernier passera après la raclée essuyée par son équipe samedi au Stade de France contre l'Australie (16-59). Malgré l'étendue des dégâts, le sélectionneur du XV de France n'entend pas démissionner, au propre comme au figuré. Mais n'apporte aucune réponse alors que ses joueurs paraissent plus perdus que jamais à neuf mois de la Coupe du monde.

Marc Lièvremont a déjà passé un été pourri. On n'ose imaginer quel hiver ce dernier passera après la raclée essuyée par son équipe samedi au Stade de France contre l'Australie (16-59). Malgré l'étendue des dégâts, le sélectionneur du XV de France n'entend pas démissionner, au propre comme au figuré. Mais n'apporte aucune réponse alors que ses joueurs paraissent plus perdus que jamais à neuf mois de la Coupe du monde. Le pire, c'est qu'on croit Marc Lièvremont, dont l'honnêteté et la franchise sont pour certains les dernières qualités à mettre à son crédit, quand le sélectionneur du XV de France a avoué, samedi soir dans l'auditorium du Stade de France, son incompréhension devant la raclée infligée quelques minutes plus tôt par l'Australie à son équipe (16-59). Une déroute historique (voir par ailleurs) qui a laissé les acteurs de ce mauvais film sans voix, incapables comme le disait le patron de ces Coqs en carton-pâte "d'expliquer l'inexplicable" à la sortie d'un vestiaire où le silence avait chassé le froid. Boudeur comme Dimitri Yachvili, sonné comme Julien Pierre, ou détaché comme Aurélien Rougerie, les joueurs ont difficilement joué le jeu samedi soir, à l'exception de Sébastien Chabal qui, par un discours cru et lucide, s'est comporté comme un leader de cette équipe à la dérive (lire: Chabal: "Plus qu'une claque"). Et quoiqu'en pense Damien Traille, qui s'attend à être pris pour cible tant sa reconversion à l'ouverture pose question, on mesure la pénibilité de l'exercice, peut-être aussi ardu que de se frotter à des Wallabies à ce point rôdés sans la moindre ligne directrice. On digère moins l'impuissance de Lièvremont à l'issue d'une nuit censée porter conseil. "Ce qu'on a du mal à expliquer c'est comment, dès le moment où les Australiens ont pris le score autour de la 50e minute, on a pu sombrer individuellement et collectivement, notre conquête s'est liquéfiée, notre défense aussi (...) et les Australiens nous ont punis au-delà de l'imaginable", résumait-il dimanche matin après une nuit "courte" et difficile. Pas une question d'hommes Plutôt que d'aborder les sujets qui fâchent, comme ce projet de jeu dont on craint qu'il ne reste qu'à l'état embryonnaire jusqu'à la Coupe du monde, le staff s'est retranché derrière le fonctionnement du rugby français, la lourdeur de son calendrier, la primauté donnée aux clubs, le manque de temps de préparation du XV de France pour justifier cette désagréable impression que le rugby de l'hémisphère Nord compose "la deuxième division du rugby mondial". Un discours de façade qui ne convainc plus personne, pas même Chabal qui se doutait que cet éternel débat, dont se nourrit depuis trois ans Marc Lièvremont, serait remis sur la table. "Oui, on peut revenir là-dessus, on peut revenir sur notre calendrier, on peut dire que c'est l'échec du rugby français. Mais ça n'expliquera pas les 60 points qu'on a pris ce soir. On ne peut pas se cacher derrière ça. Parce qu'on a baissé la tête, on les a laissé jouer, on s'est désuni et on n'y a plus cru à partir de ces deux essais", déclarait-il avec une lucidité qui manque cruellement à la traction arrière du XV de France. A écouter le charismatique n°8 des Bleus, le seul à avoir surnagé samedi au point de se demander ce qui a pu pousser le staff à le sortir si rapidement, cette faillite collective est celle des joueurs. Pas question pour autant de leur taper dessus. "Ce n'est pas l'heure de se mettre en colère, de punir les joueurs, de faire une séance de vidéo à l'ancienne de trois heures", avance Lièvremont avec une mansuétude qu'il s'applique à lui-même. "Je ne suis pas sûr qu'il y ait un homme providentiel, je ne suis pas sûr que Pierre, Paul ou Jacques ferait mieux", se persuade-t-il. "Il ferait peut-être différemment mais je reste convaincu qu'on travaille comme il faut en termes de management, en termes de gestion du groupe, en termes d'état d'esprit, d'application de préparation des séances, de stratégie." Ceux qui réclament sa tête, comme d'autres ont réclamé celles de Jean-Claude Skrela et Pierre Villepreux en leur temps, attendront... "Ce n'est pas dans mon tempérament de partir", a rappelé le sélectionneur. "La seule chose qui pourrait me pousser à le faire serait de sentir que les joueurs me lâchent et n'adhèrent pas au projet. Ce n'est pas le cas. J'ai envie de me battre. J'espère que les joueurs voudront se battre avec moi." Lesquels ? La question brûle les lèvres tant les arrières se sont succédés à Marcoussis ces derniers mois sans que l'on distingue la moindre hiérarchie. "Sincèrement je ne crois pas que ce soit un choix d'hommes", a répondu le sélectionneur pour qui l'absence des Toulousains, Clerc, Poitrenaud ou encore Médard, pour ne citer que ceux-là, est un faux débat. La désagréable impression que le XV de France, perdu par cet attelage à trois têtes qui peine à jouer la même musique, navigue à vue est aussi piquante que le froid qui attendait joueurs et spectateurs à la sortie du Stade de France. A neuf mois de la Coupe du monde, l'équipe de France a-t-elle encore le temps de rebondir ? "D'autres l'ont fait", répondait Fulgence Ouedraogo. Mais aucune de ses devancières n'a gagné la Coupe du monde...