Coville, fin de calvaire

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AXEL CAPRON , modifié à
C'est ce jeudi, à 13h15, que Thomas Coville a coupé à Ouessant la ligne d'arrivée de son tour du monde en solitaire, bouclé en 61 jours 7 minutes et 32 secondes, soit 3 jours 10h43'26" de plus que le record détenu depuis janvier 2008 par Francis Joyon (57 jours 13h34'06"). Pour la troisième fois, le skipper de Sodeno échoue contre ce chrono, l'heure de passer à autre chose...

C'est ce jeudi, à 13h15, que Thomas Coville a coupé à Ouessant la ligne d'arrivée de son tour du monde en solitaire, bouclé en 61 jours 7 minutes et 32 secondes, soit 3 jours 10h43'26" de plus que le record détenu depuis janvier 2008 par Francis Joyon (57 jours 13h34'06"). Pour la troisième fois, le skipper de Sodeno échoue contre ce chrono, l'heure de passer à autre chose... Le calice jusqu'à la lie ! Après plus de deux mois de mer, le tour du monde de Thomas Coville se sera achevé dans la douleur, par une ultime tempête dans le Golfe de Gascogne, avec plus de 30 noeuds de vent de sud-ouest et une grosse mer, qui aura encore sollicité un flotteur tribord endommagé (crash-box arrachée) depuis le 10 mars et une collision avec un globicéphale. C'est finalement jeudi, à 13h15, que Sodebo a franchi devant Ouessant la ligne d'arrivée, après 61 jours 7 minutes et 32 secondes d'un tour du monde qui, pour son skipper, s'achève comme le précédent, bouclé en 2009 en 59 jours 20 heures 43 minutes et 47 secondes, c'est-à-dire par un échec par rapport à l'objectif fixé, s'emparer du record du tour du monde en solitaire de Francis Joyon, l'écart final entre les deux chronos étant de 3 jours 10 heures 43 minutes et 26 secondes. Les 57 jours 13 heures 34 minutes et 6 secondes du skipper d'IDEC ont encore de beaux jours devant eux, d'autant qu'il est très peu probable que Thomas Coville, qui en était à sa troisième tentative (la première, en 2008, avait été interrompue sous l'Afrique du Sud pour cause de... crash-box arrachée), reparte de sitôt. Interrogé dans Le Télégramme, le Breton ne fait d'ailleurs pas mystère de ses intentions: "Je suis pugnace, mais je ne suis pas quelqu'un de borné, ni de buté. Un tour du monde en solitaire sur multicoque demande un tel engagement personnel, une telle énergie ! Il ne faut pas rentrer dans une spirale d'obstination, d'obsession que je pense dangereuse et pas très saine. C'est une certitude, je ne repartirai pas l'hiver prochain. Est-ce que j'y retournerai un jour? Franchement, je n'en ai aucune idée. Il va me falloir un peu de temps pour digérer tout cela.""Je réitère mon admiration pour ce qu'a réalisé Francis Joyon" Effectivement, Thomas Coville va devoir se poser pour digérer un tour du monde qui, depuis le départ le samedi 29 janvier à 12h07'28", s'est apparenté à une course contre un chrono qui ne lui aura jamais été favorable. Hormis au tout début de son périple, entre Ouessant et le Cap Vert, puis furtivement dans l'Atlantique Sud, une semaine après avoir franchi le Cap Horn, le troisième de la dernière Route du Rhum a toujours été en retard par rapport au tableau de marche de Francis Joyon, guère aidé par des conditions météo qui n'auront été que trop rarement favorables. Du près dans l'océan Indien, une descente très sud dans le Pacifique l'ayant contraint à frayer avec les glaces, un anticyclone de Sainte-Hélène bien à sa place dans l'Atlantique Sud qui a enrayé sa remontée au moment où il commençait à y croire, pour finir par un anticyclone des Açores XXL qui a eu raison de sa ténacité et l'a obligé à un grand tour par l'ouest, au point qu'à un moment, on a pu croire au vu de sa trajectoire qu'il avait décidé de s'exiler aux Etats-Unis ! Les chiffres parlent d'eux-mêmes: pour boucler sa circumnavigation, Thomas Coville a parcouru 28431 milles à la moyenne de 19,42 noeuds, soit 2031 milles de plus que Francis Joyon qui avait parcouru 26400 milles à la vitesse moyenne de 19,11 noeuds. Rien n'aura été épargné à Thomas Coville, donc, pas même les pépins techniques inévitables sur un tel parcours, mais cette troisième vaine tentative l'aura finalement rendu à l'évidence: même avec un bateau considérablement amélioré depuis sa mise à l'eau en juin 2007 et sur le papier plus performant que ne l'était IDEC lors de son tour du monde en 2007-08, le record de Francis Joyon est un sacré monument, qui sera bien difficile à déboulonner. Mercredi, dans son dernier «message du bord», le skipper de Sodebo, 42 ans, s'inclinait d'ailleurs devant son aîné, déclarant: "Je ne reviendrai pas sur ma déception, mais je réitère mon admiration pour ce qu'a réalisé Francis Joyon, c'est la moindre des choses de féliciter son adversaire." La suite ? Des tours du monde... Et l'intéressé de poursuivre, à propos de son désir de finir son tour du monde, malgré la torture mentale de savoir depuis plus de dix jours que l'objectif est hors de portée: "J'ai pris beaucoup de plaisir à la barre de ce bateau, à manoeuvrer, à réaliser cette trace et c'est pour cela que je vais à Ouessant, même si la météo s'annonce catastrophique. Je voulais boucler ma trace, en symbole, pour dire que l'on finit les choses que l'on commence. Et même si elles ne se finissent pas comme on le souhaitait, je le fais pour ceux qui tiennent parole, qui vont au bout de leurs actes, qui paient leurs dettes. J'ai essayé de puiser là mon énergie cette semaine." Une énergie qui mérite le plus grand respect, tant l'exercice en solitaire autour du monde sur multicoque est incontestablement le plus extrême aujourd'hui en termes de difficulté. Le retour sur terre ? Thomas Coville le redoute: "J'appréhende les arrivées, c'est difficile de croiser le regard des autres après deux mois et de lire à travers leur visage mon visage à moi. Drôle de sensation d'avoir tant espéré finir et, à la fois, d'appréhender l'arrivée... C'est très paradoxal." Paradoxal certes, mais nul doute que jeudi soir à La Trinité-sur-Mer, son port d'attache, dans les bras des siens, femme et enfants, Thomas Coville trouvera le réconfort et, plus tard, la force de repartir vers d'autres projets qui pourraient s'appeler Vendée Globe, Barcelona World Race ou Volvo Ocean Race, que des tours du monde...