Cammas-Desjoyeaux, la tentation du sud

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AXEL CAPRON , modifié à
Plus de deux jours de mer sur la Route du Rhum 2010 et la flotte est complètement répartie sur l'Atlantique avec des options de part et d'autre dans toutes les classes. En Ultime, avantage à Cammas, dont le bien-fondé de l'option sud ne sera connu qu'en fin de semaine. En Imoca, Le Cléac'h emmène un peloton groupé au nord, dans lequel ne manquent que Desjoyeaux et Boissières, partis au sud...

Plus de deux jours de mer sur la Route du Rhum 2010 et la flotte est complètement répartie sur l'Atlantique avec des options de part et d'autre dans toutes les classes. En Ultime, avantage à Cammas, dont le bien-fondé de l'option sud ne sera connu qu'en fin de semaine. En Imoca, Le Cléac'h emmène un peloton groupé au nord, dans lequel ne manquent que Desjoyeaux et Boissières, partis au sud... Bertrand Quentin évacué en hélicoptère pour cause d'état de fatigue avancé, le Bulgare Dimitar Topalov toujours à l'arrêt à Roscoff, Marc Lepesqueux victime d'une avarie au niveau du bout-dehors de son Class 40 qui va le contraindre à une escale technique aux Açores, Hervé de Carlan qui, après une casse de la poutre sur son catamaran Delirium, a annoncé faire demi-tour vers son port d'attache d'Erquy (Côtes d'Armor), Marc Guillemot évoquant des soucis techniques sur Safran sans vouloir entrer dans le détail, la flotte de la Route du Rhum commence à accuser de sérieux coups de fatigue après un peu plus de deux jours de mer. Il faut dire que la plupart des concurrents affrontent des conditions de vent et de mer «casse-bateau», à savoir majoritairement du près (vent de face) dans de la brise soutenue. "La plupart évoluent au nord de la dorsale anticyclonique qui s'étend désormais jusqu'au nord du Portugal dans un courant de secteur ouest-sud-ouest force 4 à 6 avec du vent de face", résume l'un des experts météo de la course, Pascal Scaviner. Reste que la météo reste particulièrement compliquée dans les jours à venir, rendant la course très incertaine, et ce, dans toutes les classes. Ultime: "L'incertitude est la seule chose qui est sûre" C'est dès la pointe de la Bretagne que Franck Cammas, routé à terre par Charles Caudrelier et Jean-Luc Nélias, a pris la décision de filer au ras des côtes portugaises, à la fois pour y chercher du vent une fois laissée derrière lui la dorsale anticyclonique qui va peu à peu barrer la route du sud à ses poursuivants, mais également pour y trouver des conditions plus favorables à son grand trimaran, Groupama 3. Pour l'instant, la stratégie est gagnante et elle devrait lui permettre d'accroître son avance dans les heures qui viennent, à la fois sur les partisans de l'option nord (Thomas Coville et Sidney Gavignet), mais également sur ses poursuivants du sud (Francis Joyon et Yann Guichard), qu'il est parvenu à déposer, à plus de 100 milles. Et pour ces derniers, l'élastique devrait encore se tendre: "Près du Portugal, le vent devient plus mou, alors que plus au sud, la situation est très favorable pour Franck Cammas avec du vent de nord qui lui permet de descendre vers la route des alizés. Plus au sud, la vitesse va encore s'accélérer", estime Pascal Scaviner. Faut-il en déduire que Franck Cammas a déjà partie gagnée ? Que nenni ! Car si la météo lui est pour l'instant favorable, la suite est loin d'être évidente, avec notamment une fin de semaine beaucoup plus compliquée: "Dans la nuit de mercredi à jeudi, la situation va devenir moins favorable pour Franck Cammas avec du vent qui va commencer à faiblir. Et vendredi, il va rencontrer des conditions beaucoup plus faibles", explique Pascal Scaviner, tandis que le skipper de Groupama 3 se montre lui aussi très mesuré: "Il faut attendre trois jours pour voir la fin de l'option car on va se retrouver au final sur la même route." Le classement ? Accessoire à ses yeux à ce stade de la course: "Il ne faut pas trop le regarder, je regarde surtout la position et la vitesse des autres pour pouvoir juger de l'écart qu'on pourra avoir à la sortie de l'option. En début d'option, c'était kif-kif entre le nord et le sud, là, j'ai pris un peu d'avance sur mon routage, eux dans le nord un poil de retard. Ça va dans le bon sens pour moi, mais ça reste aléatoire." Reste que l'Aixois est plutôt content d'avoir misé sur une route qui lui permet non seulement d'être un solide leader, mais aussi de ménager bateau et bonhomme: "J'ai des conditions qui favorisent le bateau, plutôt du portant avec du vent assez fort, du coup, je réduis un peu moins que les autres, je fais moins de changements de voiles, ça passe plus en force sans souci de stabilité. Ce qui est agréable, c'est que j'ai vraiment confiance dans le bateau, je barre très peu, ça me permet de me reposer." Du côté des nordistes, la navigation est pour l'instant nettement moins confortable avec du près et de la houle, comme le confiait ce mardi à la vacation Sidney Gavignet: "J'ai une grosse houle, le vent est assez instable en force et en direction, on se gratte pas mal la tête, on regarde les positions et on continue au près." Que pense-t-il de sa trajectoire la plus nord ? Le skipper d'Oman Air Majan estime lui aussi que tout reste possible: "On va manger du près et en remanger jusqu'à plus soif. Si c'est pour ressortir devant de l'autre côté, tout va bien. Aujourd'hui, l'incertitude, c'est la seule chose qui est sûre." C'était la maxime du jour... Imoca : Desjoyeaux joue en solo Du côté de la flotte des monocoques de 60 pieds, la situation est tout aussi incertaine. Evoluant au près vers les Açores, les solitaires multiplient virements de bord et changements de voiles d'avant pour grappiller quelques milles sur la concurrence. A l'exception notable de Michel Desjoyeaux qui a décidé de jouer les francs-tireurs en tentant de raser les côtes portugaises pour faire le tour de l'anticyclone des Açores par le sud, suivi par le seul Arnaud Boissières. Une stratégie très risquée puisque les deux hommes ont de bonnes «chances» d'être stoppés par l'étalement de la fameuse dorsale anticyclonique, mais assumée par le double vainqueur du Vendée Globe: "J'ai pris cette décision hier (lundi, ndr) matin. Jusque-là, ça passait un coup au nord, un coup au sud. Je me suis dit banco eu égard à la complexité de la route nord. Selon moi, cette dernière n'est pas plus rapide et elle est beaucoup plus compliquée: elle impose de nombreuses transitions, du près pendant un bon bout de temps et ensuite, ce sera difficile de trouver le bon couloir, au risque de se voir fermer la porte des alizés." Toujours aussi mesuré, Armel Le Cléac'h, en tête de la flotte mardi matin, commentait ainsi à la vacation le choix du skipper de Foncia: "Cette option était encore possible hier matin, il fallait décider de plonger plein sud et d'y aller vraiment franco, c'était un choix à prendre. Nous, on a décidé de ne pas le faire, mais tout est possible, on va suivre l'évolution de ces deux bateaux qui se sont dégagés du paquet." Dans le groupe des sept nordistes (qui se tenaient dans l'après-midi en 25 milles), Jean-Pierre Dick estimait de son côté: "Ce n'est pas la route que j'aurais prise, car l'alizé est perturbé à un moment." Le verdict sera là encore connu dans plusieurs jours. En attendant, c'est ambiance Figaro entre les solitaires qui se font des noeuds dans la tête en regardant la suite du programme. "Les options ne sont vraiment pas simples à prendre, la route idéale n'est pas toute tracée. La météo dans les prochains jours est assez changeante, l'anticyclone des Açores bouge pas mal, et derrière, il y a une zone dépressionnaire assez complexe. Et sur la fin des dépressions tropicales qui ont l'air de se mettre en place. Il faut arriver à mettre tout ça en cohésion, ce n'est pas simple. Pour l'instant, on essaie de faire du gagne-petit", confirme Armel Le Cléac'h, qui, à ce jeu-là, est loin d'être un manchot, comme il l'a prouvé cette année en remportant la Transat AG2R puis la Solitaire du Figaro. Autres classes: Un match Lemonchois-Escoffier en Multi 50, Stamm en tête en Class 40 En Multi 50, la situation est sensiblement la même qu'en Ultime, à savoir une bataille d'options entre d'un côté Lionel Lemonchois au nord de l'anticyclone des Açores, Franck-Yves Escoffier et Yves Le Blévec au sud. Joint à la vacation, ce dernier refuse de se prononcer sur le bien-fondé de son option, lui qui a concédé une cinquantaine de milles à Escoffier. "Pour l'instant, on ne peut rien dire. La route nord, tous les modèles et les routages la donnaient gagnante, mais ce qui est incertain, c'est la capacité qu'on a de mener les bateaux aussi vite que les polaires théoriques selon qu'on est au près ou au portant." Bref, là encore, tout est jouable. Du côté de la nombreuse Class 40, on est dans un vrai Figaro avec des bateaux qui naviguent à vue, toujours emmenés par Bernard Stamm, talonné par Thomas Ruyant, Sam Manuard, Nicolas Troussel et Jorg Riechers, soit quasiment tous les favoris. A suivre le décalage au sud de Nicolas Troussel qui, par le passé, nous a habitués à miser sur des options aussi extrêmes que payantes (deux victoires sur la Solitaire du Figaro, une sur l'AG2R avec Armel Le Cléac'h), au point qu'on appelle ce genre de choix radicaux des «Troussel»...