Alphand: "Un challenge personnel"

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Propos recueillis par AXEL CAPRON , modifié à
Après le ski et le sport automobile, la voile ! Obligé de renoncer à la voiture suite à son accident de moto en juin 2009, le vainqueur de la Coupe du monde de ski en 1997 participera à la prochaine Transat Jacques-Vabre (en double, départ le 16 octobre 2011 du Havre) au côté de Marc Thiercelin sur le 60 pieds DCNS. Une reconversion que l'intéressé envisage à long terme, conscient cependant d'avoir beaucoup à apprendre.

Après le ski et le sport automobile, la voile ! Obligé de renoncer à la voiture suite à son accident de moto en juin 2009, le vainqueur de la Coupe du monde de ski en 1997 participera à la prochaine Transat Jacques-Vabre (en double, départ le 16 octobre 2011 du Havre) au côté de Marc Thiercelin sur le 60 pieds DCNS. Une reconversion que l'intéressé envisage à long terme, conscient cependant d'avoir beaucoup à apprendre. Après le Luc Alphand skieur lauréat de la Coupe du monde de ski et le Luc Alphand vainqueur du Dakar (voir encadré), voilà donc le Luc Alphand marin, comment s'est dessinée cette nouvelle reconversion ? C'est parti de pas mal de choses, c'est toujours une histoire d'opportunités, de moments dans ta vie. J'ai eu mon accident l'année dernière (en juin 2009, ndlr), du coup, je ne peux plus courir en automobile. Ça m'a donné du temps. J'avais en outre rencontré sur le Trophée Mer et Montagne (*) pas mal de marins, j'avais vu qu'entre les deux familles, il y avait pas mal de similitudes, avec notamment la rusticité, le côté dur de la mer et de la montagne, l'humilité à avoir par rapport au milieu. On s'est souvent bien entendus avec les marins. Après, j'ai été parrain du bateau d'Yves Le Blévec (le trimaran de 50 pieds Actual, ndlr), sur lequel j'ai fait le Tour de Belle-Île l'année dernière. Enfin j'ai partagé ma préparation physique avec Marc (Thiercelin) quand il préparait le Vendée Globe et nous le Dakar avec Mitsubishi. On avait le même préparateur, on s'était rencontrés là. Cela a-t-il suffi pour vous donner le virus de la mer ? Disons que ça commençait à me plaire. Après, sportivement, j'ai toujours envie de me prouver que je peux avancer, c'est important après un accident, et comme j'ai eu le temps, c'est devenu un challenge personnel, comme l'était l'automobile. J'arrive donc avec les ambitions d'un sportif: essayer de faire le mieux possible. En même temps, j'ai vachement d'humilité, je sais que je pars de loin et que je n'ai pas d'expérience, à moi de tout apprendre, mais j'adore les challenges. Quelle expérience avez-vous en termes de navigation ? Petit, j'avais fait du 420, un peu de cata, de Hobie Cat, mais je ne peux pas dire que je fais de la voile. Je connais le maniement minimum d'un dériveur, ça n'a rien à voir avec un 60 pieds ! Pour ce qui est du 60 pieds, j'ai fait le convoyage retour de la Route du Rhum, donc une transat pendant quinze jours. Avant d'annoncer ma participation à la Jacques-Vabre, je voulais être sûr que ça me plaisait et que par rapport au mal de mer, à la vie à bord, j'étais capable de le faire physiquement car j'ai deux-trois petites séquelles de mon accident. Et ça s'est super bien passé, j'ai quand même fait quinze jours, tu te représentes bien ce que c'est. La vie à bord, ça va, je n'ai pas le mal de mer, et j'ai appris les rudiments. Mais il y a du boulot... %ENCADRE% Physiquement, les 60 pieds Imoca sont des bateaux très exigeants, ça ne vous fait pas peur ? Il va falloir que je rebosse le haut du corps. Sur l'endurance, ça va, j'ai pas mal la patate, j'ai fait 5000 bornes de vélo cet hiver, de la randonnée. Après, en muscu pure, il faut que je me retape un peu du haut, mais je ne suis pas à l'ouest, je ne serai peut-être pas le plus puissant, mais il y a le minimum. "J'arrive dans la voile, je ferme ma bouche et je bosse" Qu'est-ce qui s'annonce le plus dur pour vous: apprendre à faire fonctionner le bateau ou à le faire aller au bon endroit ? Le plus dur à acquérir, ce sont les petits ajustements qui font qu'un bateau va gagner le petit noeud de plus, c'est tellement d'expérience et de finesse que ça prend du temps. Ensuite en deuxième, c'est le maniement, la technique de la manoeuvre. Pour ce qui est de la nav' et météo, j'adorais ça au Dakar, ça m'a toujours passionné, je me sens moins perdu là-dessus, même s'il faudra que je réapprenne les systèmes météo. Mais c'est presque ce qui m'inquiète le moins. Donc régler un bateau, c'est déjà dur, très bien le régler, je ne sais même pas si j'y arriverai un jour. Quelle culture maritime avez-vous ? Connaissez-vous l'histoire de la course au large, des skippers ? Vous pouvez me considérer comme le grand public. Disons que je suis les gens que j'ai croisés, comme Franck Cammas ou Eric Loizeau. Sinon j'avais navigué une fois avec Eric Tabarly à La Rochelle avant la Whitbread. Mais non, c'est comme l'automobile: les 24 Heures du Mans, j'ai découvert, j'ai appris petit à petit. Le milieu de la voile est assez hermétique, c'est un petit monde, un peu comme le ski, en fait. D'ailleurs, je vois qu'ils sont déjà en train de jaser sur les blogs, ça fuse... Comprenez-vous que certains soient sceptiques à votre égard ? Je n'ai aucun a priori, je ne connais personne et je n'ai aucune casserole. Après, les gens qui disent que je suis un marin d'eau douce ont sûrement raison, puisque je suis montagnard. Et je n'ai jamais dit que j'allais gagner la Transat Jacques-Vabre. Sur le communiqué de DCNS, c'est bien marqué "apprenti navigateur". J'arrive dans la voile, je ferme ma bouche et je bosse, je ne veux me fâcher avec personne. Et dans l'automobile, on m'a fait la même remarque au départ: "Tu prends la place d'untel..." Mais au sein de DCNS, je ne prends pas la place de Christopher Pratt (skipper du monocoque sur la Route du Rhum 2010 et dont le contrat s'achevait en fin d'année, ndlr). Il savait depuis trois ans que ce projet-là s'arrêtait, moi j'ai une chance exceptionnelle avec DCNS de faire partie de ce projet qui est à la fois sportif et social: c'est un projet de réinsertion, de réorientation professionnelle. C'est un pied à l'étrier génial sur une saison, mais après la Jacques-Vabre, il faudra que je me débrouille tout seul, que je fasse comme tout le monde, que j'aille chercher mes partenaires, peut-être construire un bateau, choisir mes championnats... "Le Vendée Globe n'est pas un objectif" Qu'est-ce qui vous intéresse le plus dans cette reconversion: vous prouver que vous pouvez être compétitif ou la découverte d'un nouvel univers ? Surtout la découverte, l'envie d'apprendre. Après, il y a toujours un fond de sportif en toi qui te dit que tu dois essayer de faire le mieux possible. Donc c'est un challenge perso doublé d'une découverte d'un nouveau monde, de nouveaux ports, de nouvelles mers, j'ai quand même un fond d'aventurier au fond de moi, ce n'est pas que du sport. Quel sera votre programme de navigation cette année ? J'ai un hiver chargé avec le ski, mais à partir d'avril, j'ai quasiment tout dégagé pour naviguer au maximum. On va faire la Giraglia, le Fastnet, l'ancien Grand Prix Petit-Navire, on va en Méditerranée en juillet, on remonte ensuite le bateau pour le Fastnet, et ensuite on ira au Havre. Il faut que je navigue aussi sur d'autres supports, il faut que ça prenne un peu partout. La Transat Jacques-Vabre est une épreuve très relevée sportivement, comment l'appréhendez-vous ? C'est la partie stressante du truc, un vrai challenge, ça va être beaucoup de boulot. L'objectif, c'est que je sache faire les neuf dixièmes des trucs, pour éviter de me foutre dans la m... tout seul quand Marc est de repos. Cette reconversion s'inscrit-elle dans le long terme ? Que ferez-vous après ? Un Vendée Globe ? C'est un projet à long terme, oui, mais quand j'ai traversé l'Atlantique, on est parfois partis un peu en live et je me suis imaginé tout seul dans le grand Sud, je suis loin, voire très loin d'avoir l'idée de faire un Vendée Globe et surtout d'avoir le niveau de le faire. Donc le Vendée Globe, non, ce n'est sûrement pas un objectif. Mais faire un tour du monde en équipage ou quelque chose comme ça, c'est plus plausible. Je suis un adepte de la vitesse, je trouve aussi sympa de faire du trimaran. (*) Le Trophée Mer et Montagne, dont la 20e édition aura lieu du lundi 31 janvier au jeudi 3 février à Saint-Gervais, réunit tous les ans les univers marin et montagnard, autour d'épreuves diverses et de soirées animées. Il est organisé par Eric Loizeau, navigateur vedette des années 70-80, passé ensuite à la montagne, et qui revient ces derniers temps à la navigation