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Joanna Chabas, édité par Rémi Duchemin , modifié à
Après trois ans de procédure, la cour d’appel d’Orléans a tranché mardi : un ouvrier qui avait découvert des lingots d’or dans la cave d’une maison a droit à la moitié du trésor. Il témoigne pour Europe 1.
TÉMOIGNAGE

>> L’histoire commence en juillet 2015. Alors qu’ils travaillent dans une cave à Vouzon, dans le Loir-et-Cher, trois ouvriers découvrent trois paquets contenant en tout 34 lingots d’or d’une valeur totale de près d’un million d’euros. Dans un premier temps, le propriétaire de la maison et les trois hommes trouvent un accord : 50% de la somme totale pour le premier, 50% à se partager pour les trois autres. Mais après une longue bataille judiciaire, la cour d'appel d'Orléans a tranché mardi : seul l’un des trois ouvriers, celui qui tenait la pelle qui a exhumé le trésor, en est l’"inventeur" : lui seul a donc le droit à la moitié de la valeur des lingots. Interrogé par Europe 1, le jeune homme, 20 ans à peine au moment de faits, raconte son incroyable histoire.

"On faisait des travaux dans une maison. On cassait un plancher béton pour pouvoir creuser une cave sous ce plancher. Avec mon collègue, on est dans cette cave, en train d'évacuer la terre. Et d'un seul coup, je mets un grand coup de pelle, je trouve une boîte et je me dis 'c'est lourd'. Je tombe sur une petite boîte en plastique entourée de ruban adhésif noir. Mon collègue ouvre la boîte, avec moi à côté. Et on tombe sur dix lingots d'or, avec de l'eau.

Je ne pensais pas avoir le droit de toucher quoi que ce soit

Sur le coup, on est un peu perdu. On ne sait pas si c'est vraiment des lingots d'or. C'est la première fois que j'en voyais, je ne m'attendais pas du tout à trouver ça. On emmène la boîte dans le camion. Et là, je remets un coup de pelle et j'en retrouve une deuxième avec douze et une troisième avec encore douze. Il y avait une quatrième petite boîte avec des papiers et des certificats, mais ils étaient dégradés avec le temps.

Je me suis dit 'bon, on a trouvé ça'. J'aurais pensé avoir un coup de téléphone du propriétaire ou une poignée de mains en me disant qu'il me remercie, et éventuellement une petite pièce, 500 ou 1.000 euros. Mais je ne pensais pas avoir le droit de toucher quoi que ce soit. Je pensais que si on trouvait ce genre de choses chez quelqu'un, ça appartient au propriétaire du terrain.

Je suis parti à la recherche d'un avocat, ça m'a pris beaucoup de temps pour trouver un spécialiste du sujet

Il y avait trente-quatre lingots d'or avec un acte transactionnel rédigé avec le propriétaire, mes deux collègues et moi qui étions sur le chantier et trois personnes du bureau qui s'étaient un peu incrustées. Ce jour-là, le propriétaire nous explique qu'il va nous faire signer un protocole d'accord avec des mots [compliqués]. Moi, je pensais qu'on allait voir un notaire. On a signé le protocole le 28 juillet, qui prévoyait 139.000 euros pour chacun des trois ouvriers sur le terrain, et trois fois 11.000 euros pour les gens des bureaux.

>> De 5h à 7h, c’est "Debout les copains" avec Matthieu Noël sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission ici

J'ai accepté cette somme comme ça, sans trop savoir d'où elle venait, c'était quand même louche. Donc le lendemain, j'ai contacté la gendarmerie et je suis allé faire une déposition avec un de mes collègues. Le gendarme nous a dit : 'j'ai déjà vu des cas comme ça, il faudrait prendre un avocat parce que tel que vous le racontez, c'est quand même vous qui avez trouvé les boîtes. Vous seriez ce qu'on appelle un inventeur, celui qui découvre le trésor'. Je suis parti à la recherche d'un avocat, ça m'a pris beaucoup de temps pour trouver un spécialiste du sujet. 

Mon autre collègue a ensuite lui aussi pris un avocat, en disant qu'il pensait également être inventeur, et j'ai appris par la suite que mon troisième collègue aussi et les gens du bureau aussi. C'est parti comme ça [la longue procédure judiciaire]. Ce qui a été dur [pendant les trois ans de bataille juridique], ça a été les changements de version, les mensonges. On a un premier jugement en 2017 qui dit qu'on est deux inventeurs. Le troisième collègue, par le fait, devait rembourser. Il a donc fait appel. Et c'est hier que j'ai appris que j'étais l'unique inventeur.

Quand je serai vieux, je raconterai ça et peut-être que les gens me prendront pour un fou

En fait, j'ai trouvé en tout 1,03 million. Et c'est 50-50. 50% pour l'ancien propriétaire et 50% pour l'inventeur, celui qui découvre le trésor. Donc moi, en tout, j'aurais 518.000 euros. Peut-être que j'ai la tête sur les épaules, je ne sais pas, mais moi ça ne m'affole pas plus que ça. J'ai déjà touché 139.000 euros dans cette histoire. Ils sont placés sur un compte et je n'y ai pas du tout touché parce qu'avec les rebondissements, on ne sait pas ce qu'il peut se passer. Là, je devrais toucher le reste de l'argent, et je vais aussi le placer parce que l'histoire n'est pas terminée, ça peut encore partir en cassation. 

Pour l'instant, j'attends. Quand vraiment ça sera terminé, j'achèterai peut-être mon premier bien immobilier, une maison à rénover pour faire un loyer, puis une deuxième et enfin un terrain et une maison pour moi, mais rien de plus. Je vis comme avant. Ça ne va rien changer à ma vie.

C'est un sacré coup de chance ! C'est dingue. Je suis arrivé en juillet 2012 dans l'entreprise, et je tombe là-dessus en juillet 2015. C'est dingue ! Je dis souvent que quand je serai vieux, je raconterai ça à la maison de retraite et peut-être que les gens autour de moi me prendront pour un fou. Ce sera mon histoire."